En France, l'égalité devant l'impôt relève des principes républicains proclamés par les révolutionnaires de 1789 : d'après la Déclaration des droits de l'homme, tous les citoyens doivent contribuer « en raison de leurs facultés ». Mais l'expression est tellement générale et abstraite qu'elle a servi à justifier à peu près toutes les réformes fiscales, y compris les plus inégalitaires.
Le plus souvent limitée à la question de la répartition de la charge fiscale entre les différentes tranches de revenus, le discours sur la justice fiscale oublie une autre forme d'inégalité devant l'impôt, plus profonde : celle qui résulte des conditions sociales de la mise en oeuvre des règles censées s'appliquer à tous. Si la loi condamne sans ambiguïté les contribuables qui ne déposent pas leur déclaration, son application est loin d'être uniforme. Au-delà des déclarations d'intention visant à lutter contre la fraude fiscale, certains délits sont mieux tolérés que d'autres. L'enjeu de ce livre est de résoudre une énigme : comment une institution composée d'agents soucieux d'oeuvrer pour l'intérêt général et le bien commun, peut-elle (re)produire autant d'inégalités ?
Pour aborder la question des inégalités sociales face à l'impôt, Alexis Spire a choisi de privilégier les prélèvements qui mettent les contribuables directement en relation avec l'administration : l'impôt sur le revenu, la fiscalité locale et l'imposition des patrimoines. Il s'intéresse ici aux impôts qui mettent en contact les représentants de l'Etat et les contribuables : les conditions sociales d'application du droit génèrent une forme d'inégalité particulière, non réductible aux règles inscrites dans le droit.
L'inégalité sociale devant l'impôt renvoie d'abord à des dispositifs de taxation différents, laissant des marges de manoeuvre plus ou moins grandes à ceux qui doivent s'y soumettre comme c'est le cas de l'Impôt de solidarité sur la fortune (ISF) qui doit être auto-déclaré. Elle renvoie aussi à la relation de plus ou moins grande familiarité que les contribuables entretiennent à l'égard de la matière fiscale. D'un côté, les détenteurs de hauts revenus et/ou d'importants patrimoines peuvent s'offrir les services d'un avocat fiscaliste ou d'un expert comptable. De l'autre, les ménages des catégories populaires et des classes moyennes modestes s'en remettent les plus souvent aux conseils des fonctionnaires des impôts de moins en moins nombreux qui, dans bien des cas, doivent à la fois les aider à formuler leur requête et en décider l'issue. On le voit les stratégies d'évitement de l'impôt ne sont pas les mêmes en haut et en bas de l'échelle fiscale.
Ce livre s'appuie sur une enquête ethnographique qui s'est d'abord déroulée de 2006 à 2007 dans deux centres des impôts, l'un dans le Nord et l'autre en région parisienne. Il s'appuie donc sur un travail approfondi auprès de diverses administrations fiscales comme c'était le cas dans Accueillir ou reconduire, l'ouvrage à succès paru aux Editions raisons d'agir dans lequel Alexis Spire analysait l'attitude de l'administration vis-à-vis des étrangers.
Faibles et puissants face à l'impôt aborde au total sous un angle entièrement nouveau la question de la fiscalité et il montre que derrière les pratiques des agents des impôts sont en jeu des éléments essentiels de l'égalité citoyenne et de la définition concrète de l'intérêt général. Cet ouvrage sort la politique fiscale de la chasse gardée des économistes et remet la question fiscale au centre de la question sociale. Ecrit de manière fluide et claire, utilisant des exemples frappants et bien choisis, il s'adresse aussi plus généralement à un large public, à tous ceux qui pensent que la politique publique doit défendre l'égalité entre les citoyens.
Dans un contexte de disette budgtaire, plusieurs scandales ont amen la fraude fiscale sur le devant de la scne. Les gouvernements affichent leur intention d'tre impitoyables mais rares sont les dlinquants fiscaux passer devant un juge. Pourquoi la fraude fiscale n'est-elle pas traite en France comme un dlit part entire ? partir d'une enqute au long cours dans les coulisses de l'administration et dans les tribunaux, ce livre dmonte les mcanismes de cette impunit. Dans un contexte de disette budgtaire, plusieurs scandales ont amen la fraude fiscale sur le devant de la scne mdiatique. Pourtant, si les gouvernements affichent leur dtermination face cette dlinquance, en pratique, rares sont ceux qui passent devant un juge pour de tels actes. Les grandes entreprises et les contribuables fortuns s'en sortent le plus souvent avec des amendes. Les organisateurs des montages frauduleux grande ou petite chelle ne sont, eux, jamais inquits. Ceux qui se retrouvent devant les tribunaux sont les moins aguerris aux procdures de l'administration : grants de paille, petits entrepreneurs ou simples contribuables qui, par ignorance ou conviction, refusent le jeu du dialogue avec le fisc. Comment expliquer cette impunit ? Pourquoi la fraude fiscale n'est-elle pas traite en France comme un dlit part entire ? partir d'une enqute au long cours dans les coulisses de l'administration et dans les arcanes des tribunaux, ce livre dmonte les mcanismes qui font tourner la machine judiciaire... vide. Mettre fin cette tolrance permettrait pourtant de lever une contradiction tmoignant d'un renoncement partiel de l'tat sa souverainet : on ne peut affirmer la centralit de l'impt dans le contrat social tout en maintenant dans l'impunit ceux qui s'en exonrent volontairement.