« La gauche politique fut le plus souvent divisée, mais ce qui unissait le peuple de gauche, c'était la foi commune en Liberté, Égalité, Fraternité. Nous sommes dans une période de régression ; nous ne savons si elle durera ; nous craignons de savoir où elle nous entraînera. Espérons qu'un jour, on ne sait quand, la devise trinitaire sera régénérée et que le soleil de 1789 éclairera une gauche elle-même régénérée. » Du haut de ses 96 printemps, Edgar Morin prend la plume pour dire ce qu'est la gauche, son histoire, ses combats, ses erreurs, ses évolutions. Dans ce texte lapidaire, brillant et sage, il dresse le portrait sans concession d'une gauche qui cherche son souffle et nous rappelle les valeurs que sont celles du peuple de gauche et qu'il serait, peut-être, temps de retrouver.
« La gauche recouvre quatre sources d'inspiration, jusqu'à maintenant disjointes et concurrentes : le socialisme (société), le communisme (communauté) et l'anarchisme (individu), à quoi on ajoute l'écologie. L'enjeu de ces gauches, désormais, est de se relier de façon complémentaire.
Il faut régénérer la gauche en se ressourçant à la fois aux idées de révolte et d'aspiration.
Révolte contre tout ce qui dégrade l'homme par l'homme, contre les asservissements et les aspirations. Aspiration, non pas au meilleur des mondes, mais à un monde meilleur. » Ainsi commence l'essai d'Edgar Morin qui depuis un demi-siècle accompagne la gauche française de ses attentions, critiques constructives et alertes éclairées. Théoricien d'une politique de l'homme prête à affronter les défis planétaires du xxie siècle, il livre dans son recueil d'articles une parole rare d'intelligence en cette période de crise profonde de civilisation. Surtout, cet ouvrage qui a connu deux éditions s'impose comme celui d'un « bâtisseur d'espérance » dans la morosité ambiante.
En 1960, dans son premier article confié au Monde, Edgar Morin s'interroge sur l'archétype de la vedette de cinéma et son influence sur la société. En 1963, il pressent que la vague du rock'n roll et la naissance des des idoles-copains va induire un nouveau type d'adolescence et de consommation. En 1965, dans le sillage de la revue Planète, il entrevoit la montée de la spiritualité New Age. Puis, au coeur de l'événement, il fait la seule analyse lucide de mai 68. Au fil des articles, on constate que 1789 a vaincu 1917, on comprend guerre de Yougoslavie et guerres d'Irak, on découvre que le XXe siècle est né à Seattle... Edgar Morin décrypte le présent et dessine les lignes de fuite qui annoncent demain.
La philosophie, la morale, la biologie, le vécu quotidien sont entrés dans le champ politique. La politique ainsi éclatée est en crise.Ce livre apporte les principes d'une politique multidimensionnelle, en même temps qu'il constitue une mise en garde contre les illusions de la fin des idéologies et de la fin de l'histoire. La crise universelle du développement est aussi celle de notre monde occidental qui s'est sous-développé moralement, intellectuellement, dans et par son propre développement technologique.Nous sommes encore dans la préhistoire de l'esprit humain et toujours dans l'âge de fer planétaire. Mais c'est à partir de là que nous pouvons trouver ce qui nous indique la possibilité d'un nouveau commencement.Edgar Morin, directeur de recherche émérite au CNRS, est docteur honoris causa de vingt universités à travers le monde. Traduit en vingt-sept langues et dans quarante-deux pays, son travail exerce une forte influence sur la réflexion contemporaine, notamment dans le monde méditerranéen, en Amérique latine, et jusqu'en Chine, en Corée et au Japon.
« Dans un sens, ce livre prolonge et actualise mon Penser l'Europe ainsi que Barbarie et culture européennes. Mais il s'agit surtout d'une « repensée de l'Europe » en notre époque de crises conjuguées, dont la crise multidimensionnelle de l'Europe, en une grande crise de l'humanité qui n'arrive pas à se constituer en humanité. Cette repensée est l'oeuvre de deux esprits frères, celui de Mauro Ceruti et le mien : je me retrouve en lui comme il se retrouve en moi. Notre communauté de pensée s'est ainsi trouvée concrétisée dans cette oeuvre méditante et militante. » Edgar Morin
Rencontre peu banale : le " penseur de la complexité " face à l'islamologue réformiste, le descendant de marranes face au petit-fils du fondateur des Frères musulmans, le juif agnostique engagé pour les droits palestiniens face à l'intellectuel musulman qui dénonce les relais de la propagande israélienne, l'ex-communiste qui dialogue avec Hessel et Hollande face à l'islamologue préféré d'une certaine gauche altermondialiste, le " fréquentable " Edgar Morin face à l'" infréquentable " Tariq Ramadan...
Loin des clichés attachés à leurs réputations, ce sont surtout deux intellectuels ancrés dans leur époque qui débattent ici de tous les sujets qui les rapprochent ou les éloignent : le conflit israélo-palestinien, l'islamisme et le terrorisme, l'antisémitisme et l'islamophobie, le communautarisme et la laïcité, les droits des femmes, la mondialisation et les révolutions arabes... Mais aussi leur conception de l'éducation républicaine.
Lucide tout en restant optimiste, Edgar Morin nous donne une leçon de vie, d'espoir sans céder à la béatitude car, pour lui, « le vaisseau spatial Terre est dans nuit et brouillard. Nous allons probablement vers des catastrophes, peut-être même vers l'abîme... Mais dans l'histoire humaine l'improbable est parfois arrivé. Peut-être qu'un des improbables les plus admirables de l'Histoire se situe dans le Sud ». Pour éviter le pire, il préconise de ranimer la nature maternelle de la Méditerranée, matrice de tant de civilisations et de conquêtes essentielles de l'humanité. Pour autant, il faut arrêter de la considérer comme un mythe d'harmonie et de paix. Nous devons revenir à des réalités historiques, humaines et sociopolitiques pour la remythifier durablement...
Après le « non » au référendum qui a retenti comme un coup de tonnerre, les grands intellectuels évoquent la crise profonde de notre société. Nos pays sont malades du politique, car le politique n?existe plus. Nos sociétés sont malades du sens, car le sens ne prévaut plus. Et pourtant jamais les défis sociaux, culturels, environnementaux, bref, de civilisation, n?ont été aussi importants.
Un livre qu?il est urgent de lire si nous voulons devenir responsables de notre avenir.
Le " président normal " et le philosophe de la " démesure ", le socialiste de la " synthèse " et le sociologue de la " complexité ", se sont rencontrés au coeur de la campagne présidentielle de 2012. L'idée consistait à confronter leur vision de la gauche, du progrès et du nouveau désordre mondial. Car la crise que nous vivons est pour Edgar Morin une crise de civilisation, le socle de nos valeurs et de nos croyances vacillent sur ses fondations. Selon lui, seule une pensée politique capable de relier, de " tisser ensemble ce qui est séparé ", sera capable d'être à la hauteur de l'ère planétaire. Il souhaite que la France soit considérée comme " une, indivisible et multiculturelle " afin de reconnaître les différences sans tomber dans le communautarisme. Face aux ambiguïtés de ce mot qui risquerait de gommer les références communes, l'alors candidat François Hollande préfère " renforcer la laïcité dans la Constitution ".
Ces deux hommes ont confronté leurs points de vue sur la conception de la gauche, le mitterrandisme, la mondialisation, la présidence de la République, la politique économique et la politique de civilisation. De grands hommes sur de grands sujets, les ingrédients sont réunis pour un excellent entretien.