Dans ce nouveau volume, les développements décrits dans le tome 1 de l'esprit du temps (névrose) se poursuivent, mais cette fois à travers perturbations et crises, au cours des années 65-75. le nouvel esprit du temps fait éclater la culture de masse comme une chrysalide en cours de mue. la problématisation de la culture de masse débouche sur la problématique de la révolution culturelle ; la crise de la culture débouche sur la crise de la société.
Une véritable nécrose dans le tissu culturel de notre société s'est opérée. nécrose : mortification d'un tissu ou d'un organe alors que le reste de l'organisme continue à vivre.
Au début du xxe siècle, la puissance industrielle a étendu sa suzeraineté sur le globe. la colonisation de l'afrique, la domination de l'asie se parachèvent. et voici que commence la seconde industrialisation qui, s'attaquant aux images, aux rêves, aux messages, devient l'industrialisation de l'esprit ; la seconde colonisation concerne désormais la grande réserve qu'est l'âme humaine : la technique pénètre le domaine intérieur de l'homme et y déverse des marchandises culturelles.
Désormais, un prodigieux réseau nerveux s'est constitué dans le grand corps planétaire : paroles et images essaiment des téléscripteurs, des rotatives, des pellicules, des antennes de radio et de télévision ; tout ce qui roule, navigue, vole, transporte journaux et magazines. il n'y a pas une molécule d'air qui ne vibre de messages qu'un appareil, un geste, rendent aussitôt audibles et visibles.
Cette étrange noosphère qui flotte au ras de la civilisation est en même temps son tissu. il s'agit d'une tierce culture ou culture de masse.
La culture de masse, dans les années où elle se déploie sur le monde occidental, tisse, à travers ses mythes produits industriellement, une adaptation et une intégration dans la réalité sociale. pourquoi dès lors parler de névrose ? dans le sens où la névrose n'est pas seulement un mal de l'esprit, mais un compromis entre ce mal et la réalité, compromis qui se tisse et se paie avec du fantasme, du mythe, du rite, sans toutefois supprimer la source du mal.