Le 8 février 1971, Michel Foucault cosignait, avec Jean-Marie Domenach et Pierre Vidal-Naquet, le Manifeste du Groupe d'information sur les prisons (GIP). La première phrase avait des allures d'avertissement : "Nul de nous n'est sûr d'échapper à la prison". Il s'agissait de rendre visible ce qui se passait derrière les "hauts murs". Depuis, recherches et travaux historiques se sont déployés, s'interrogeant sur le droit de punir et la généralisation de l'enfermement. La nuit pénitentiaire restitue la naissance d'un modèle carcéral français au XIXe siècle. La pénalité de l'enfermement y apparaît comme la seule solution pour réprimer les auteurs de délits et de crimes, très majoritairement masculins. Tandis que l'opinion publique se désintéresse de la prison, jamais autant de détenus n'ont été comptabilisés en France aujourd'hui, alors que la décroissance pénale est attestée dans les prisons carcérales scandinaves.
Avec ce dossier, Parlement[s] analyse tant les pratiques et discours d'une société punitive, que ses cibles, en particulier les mineurs. Il s'invite dans des prisons régionales pour mieux cerner la population qui s'y trouve resserrée. En commentant des périodiques spécialisés comme Détective, des caricatures, des dessins de presse ou la une de journaux populaires, il n'ignore pas, enfin, l'imaginaire qui est colporté sur la nuit pénitentiaire.
Les tueurs en série exercent aujourd'hui une fascination morbide: livres, documentaires, séries, films leur sont consacrés. Le plus souvent, ils sont présentés comme de sinistres personnages qui ont surgi aux États-Unis dans les années 1970, puis en France dans les années 1990. La répétition des meurtres, le mode opératoire, l'identité des «proies» sont les principaux éléments permettant de les caractériser, de comprendre ce qui se joue et de tout mettre en oeuvre pour empêcher que d'autres victimes subissent un sort funeste.
Au XIXesiècle, tandis que les savoirs sur le crime prennent davantage de densité, que l'enquête de police, l'instruction judiciaire, la médecine et la psychiatrie légale se déploient, les contemporains ne s'intéressent guère ni à la réitération du crime ni à la «passion criminelle». La plupart des victimes sont des femmes anonymes: prostituées, servantes, demoiselles de magasin, veuves. Il a donc existé des tueurs de femmes -de nos jours, leurs crimes seraient qualifiés de «féminicides systémiques»- qui sont des tueurs en série et passent presque inaperçus.
De la sorte, demeure une énigme: qu'est-ce qui pousse au crime ? Pourquoi des hommes s'en prennent-ils exclusivement à des femmes, quelle force mystérieuse les anime ? Pourquoi ne peuvent-ils s'empêcher de recommencer ? Ces tueurs en série, même ceux qui ont fait l'objet d'une expertise mentale, ne sont pas considérés comme fous, ils sont jugés, condamnés, la plupart à la peine de mort, et exécutés. La justice se contente de mobiles apparents. Ce qui importe, c'est que l'institution judiciaire puisse fonctionner. Or la plupart des mobiles évoqués ne permettent pas de comprendre le passage à l'acte et cette addiction au crime est restée introuvable.
De la Révolution française au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la justice pénale impressionne. Elle a gardé, en dépit des révolutions, des insurrections, des émeutes, des guerres et du processus de désacralisation qui affecte l'ensemble des institutions, le lustre du passé. Il est vrai que la justice pénale, telle qu'elle a fonctionné depuis 1790, est une « justice de punition ». De la sorte, elle ne peut se déprendre des interrogations sur le droit de punir, puis sur la légitimité du « châtiment pénal ».
17 mars 1887 : un crime épouvantable est commis à Paris, rue Montaigne, situé dans le triangle d'or.
Jamais, déclare Paul Brouardel, l'expert judiciaire le plus célèbre de son temps, il n'a vu de crime perpétré avec une telle violence. Trois corps sans vie, la tête presque détachée du tronc, sont retrouvés dans un appartement cossu : une fillette, une dame de compagnie et une demie mondaine.
L'émotion publique est considérable. L'assassin est-il un tueur de femmes qui prend plaisir à martyriser et ôter la vie, est-ce un maraudeur ? Ou bien encore un amant jaloux ? Goron, futur chef de la police judiciaire, déjà considéré comme le premier limier de France, et Guillot, réputé pour être le meilleur juge d'instruction, capable d'obtenir des aveux de n'importe quel coupable, sont lancés sur les traces du criminel.
La presse se saisit de l'affaire, invente une manière de rendre compte de l'enquête, concurrence la police, se moque du secret de l'instruction et tient en haleine les lecteurs pendant plusieurs mois. Un suspect est signalé à Marseille et une nouvelle figure de criminel prend consistance : celle du don Juan oriental, aventurier et polyglotte, Henri Pranzini.
Fréquemment ignorée par les contemporains, souvent inaperçue par recherche, l'histoire de la souffrance sociale concerne à la fois les individus et les groupes.
Elle mère de l'expérience douloureuse que les hommes et les femmes peuvent faire du monde social. l'histoire de ceux qui souffrent car ils se battent contre eux-mêmes, leur milieu, leur destinée familiale, la place sociale qui leur est faite ou encore les rets de la fatalité a trop longtemps été négligée. depuis peu, cependant, se multiplient les propos sur la souffrance sociale, devenue " symptôme " du malaise des sociétés contemporaines, expression de l'exclusion des sans domicile, des sans travail, des sans ressources.
Nombreux sont les mots qui expriment la résignation, mais certains se présentent comme des sortes de cri, où se mêlent le désespoir, le renoncement et la haine de l'autre ou d'un système social. entre la résignation silencieuse et la révolte, toute la gamme des attitudes s'avère ouverte. fruit d'un travail collectif, le présent ouvrage n'entend pas relever d'un dolorisme ambiant, souvent méprisant, mais s'attache à explorer un certain nombre de pistes et s'interroge sur les seuils de l'acceptable.
Objets difficilement saisissables, à l'intersection de l'individu et du collectif, du sociale et du psychisme, les souffrances sociales sont analysées, du xviie au xxe siècle, à partir de quatre grandes approches : la première s'intéresse aux stigmates et figurations, la deuxième aux figures et expressions, la troisième aux trajectoires et aux mécanismes, la dernière à certaines manifestations et situations.
Entreprise pluridisciplinaire à laquelle historiens, historiens de l'art et sociologues ont collaboré, ces histoires de la souffrance sociale, entendent apporter une contribution à un débat essentiel en lui redonnant une perspective historique pour mieux comprendre les attentes et les espoirs des hommes et des femmes du passé comme ceux d'aujourd'hui.
Fondé sur le dépouillement de très nombreux récits de procès, cette étude constitue le premier ouvrage historique sur le fonctionnement, de l'intérieur, de la cour d'assises. Cette histoire s'avère essentielle pour comprendre la justice pénale contemporaine, à condition de se montrer attentif au cadre, à l'atmosphère, aux contraintes d'espace et de temps, au rituel judiciaire, aux plaies de la société perçues comme des blessures individuelles. Frédéric Chauvaud entend ici sortir l'histoire de la cour d'assises des approches strictement juridiques ou politiques, pour la placer sur le terrain du sensible.
La haine possède une histoire : ses expressions, ses modalités, ses logiques, ses objets et ses effets ne sont ni identiques ni immuables. Cet essai replace cette passion funeste dans son époque et cerne ses raisons évoquées par les contemporains. Si la haine est à sa manière une forme de rationalité permettant de se mouvoir dans l'univers social, elle est une « figure du pensable » et un ressort psychologique déterminant, donnant la possibilité de comprendre ce qui anime les individus et les sociétés.
Avec le soutien de l'université de Poitiers.
Cet ouvrage aborde les expressions, les perceptions et les effets de la peur. Il en étudie les images et les mots, les nuances, les formes et les cycles mais aussi les manières qu'ont les individus et les sociétés de tenir la peur à distance. Il s'agit, au-delà d'une histoire des affects, de s'intéresser aux expériences et aux usages de la peur. Ouvert dans les années 70, ce dossier s'attachait principalement aux époques médiévale et moderne : il méritait d'être poursuivi à un moment où les sondages auscultent les arrière-pensées et tentent de dévoiler les angoisses du présent.
En 1930, quelques années après avoir publié ses Souvenirs de la Cour d'assises, André Gide suggérait que la punition devrait tenir compte de la personnalité des criminels. Comment punir quelqu'un que l'on ne connaît pas ?, se demandait-t-il, ajoutant qu'« il est, sur la carte de l'âme humaine, bien des régions inexplorées ». Régulièrement, avec plus ou moins d'intensité, le droit de punir a été et reste l'objet de réflexions, de controverses, de propositions de loi, de demandes de réformes. Les débats sont tantôt vifs et profonds et semblent concerner le plus grand nombre, tantôt ils s'appauvrissent et restent réservés aux « spécialistes » qui dans des manuels ou des ouvrages d'histoire du droit pénal présentent ce dernier comme le droit de réprimer ou de sanctionner les auteurs d'infractions. Mais quel sens faut-il donner à la peine si elle n'est pas accompagnée d'autres mesures ? Est-elle une sorte d'horizon d'attente, une fiction des sociétés contemporaines qu'il faut bien entretenir ?
Ne faut-il pas « remettre à plat » la justice pénale et se demander si après avoir puni il est possible de guérir ou de rendre un citoyen à la société ?
La « pénalité » doit conserver son utilité écrivent les uns et les autres. Mais faut-il punir le crime ou plutôt les criminels ? Faut-il punir de la même manière les enfants, les fous et les récidivistes ? Que doit-on faire à l'époque de l'Empire français dans les colonies ? Ne conviendrait-il pas de se demander à nouveau pourquoi punir ? et de réfléchir à l'efficacité de la justice répressive ? La justice d'expiation et la « rédemption du coupable » ne suffisent pas, la peine est devenue aussi un enjeu symbolique et un moyen de communication, voire une « arme pénale ».
Deux siècles après le Code pénal de 1810, une réflexion sur l'histoire du droit de punir et son actualité s'imposait, mais il fallait multiplier les approches disciplinaires, car le droit de punir ne relève pas seulement de considérations abstraites ou de joutes philosophiques. La pragmatique de la punition mérite aussi d'être examinée. Trois entrées ont donc été retenues (le droit de punir en question, connaître et pardonner, sanctionner les déviants) à partir du siècle des Lumières jusqu'à nos jours. Nul doute que l'histoire de la « punissabilité » permet de penser et de comprendre les sociétés du passé comme celle d'aujourd'hui.
Aujourd'hui la bande dessinée est partout au point que l'on ne prête guère attention à la singularité de sa présence. À la une des magazines, dans les manuels scolaires, sur les murs des villes, l'image bédéiste a colonisé l'imaginaire des sociétés contemporaines. Qu'ils soient férus de littérature graphique, simples amateurs, indifférents, voire hostiles, les contemporains, face à cette débauche d'images, ne peuvent ignorer des personnages devenus familiers. Lecteurs et lectrices, de tous les âges et de toutes conditions, peuvent avec ravissement se plonger dans les univers de la BD, découvrir des mondes improbables, suivre des reportages, prendre la mesure des connaissances scientifiques. Ainsi se déploie une douce accoutumance à toutes les formes de narrations graphiques. Revues, festivals, rencontres contribuent à maintenir ou à accroître la dépendance aux bulles et aux cases. Mais, miroir déformant, la bande dessinée offre aussi un panorama des addictions à l'alcool, au tabac ou au sexe.
Le 2 février 1933, la police du Mans découvre le cadavre de Madame Lancelin et de sa fille, frappées à coups de marteau et de couteau.
Très vite, Christine et Léa Papin, les deux bonnes au service des Lancelin avouent ce meurtre particulièrement odieux. Acte de folie ou tragique illustration de la lutte des classes ? Les deux bonnes étaient-elles victimes de mauvais traitements ? Ce double meurtre va passionner la France entière et les enquêteurs ont cherché en vain à comprendre les motivations des deux soeurs... Un récit palpitant d'un fait divers resté célèbre, qui a fait l'objet de plusieurs films et romans, qui nous replace au coeur de l'affaire.
Une approche à la fois historique et psychologique qui montre aussi la résonance de cette affaire dans la France des années 1930.
S'appuyant sur différentes affaires criminelles, l'auteur étudie le travail de "terrain" des experts (analyse des blessures, déterminer s'il y a eu avortement...), illustre leurs controverses et leur soumission à des modes (les psychiatres, au milieu du siècle), décrit les tâtonnements de la toxicologie, toujours en butte à des poisons nouveaux.
À qui s'adresser lorsque l'on est victime ou auteur de violences conjugales et sexistes ? Qui écoute, constate, accompagne, instruit, défend et juge ?
Rarement entendues, et parfois ignorées, les professionnelles - éducatrices spécialisées, brigadières de police, médecins spécialisées en gynécologie, médecins légistes, avocates, magistrates - et les militantes oeuvrent pour que soient prises au sérieux les déclarations des victimes et les suivre tout au long d'un parcours le plus souvent tortueux, émaillé de multiples obstacles.
Le présent ouvrage est le premier à donner la parole à des actrices engagées contre les violences faites aux femmes dans un assemblage inédit.
Michelle Perrot, pionnière de l'Histoire des femmes, est aussi une spécialiste des questions relatives à l'histoire de la prison, des écrits carcéraux d'Alexis de Tocqueville, des bandes de jeunes, du fait divers au XIXe siècle et des femmes emprisonnées. Elle a consacré à ces thématiques autant de temps et d'énergie que pour ses productions et ses engagements en faveur des femmes. Le présent livre d'entretiens revient sur un itinéraire et des chantiers ouverts dès les années 1970. Il restitue aussi les rencontres, les échanges et les travaux menés avec Michel Foucault ou Robert Badinter. Cette histoire pénitentiaire s'ouvre par la révolte des prisons, en France comme aux Etats-Unis, et montre comment la question carcérale est devenue d'actualité. Ensuite Michelle Perrot pousse les portes des maisons d'arrêt et des centrales, s'intéresse aux « modèles » d'enfermement, mais aussi au « gibier pénal », c'est-à-dire aux détenus et aux prisonnières. Le dernier temps de ces entretiens s'arrête sur la séduction du fait divers qui, par la médiatisation du crime, attise le voyeurisme mais constitue aussi une entrée pour saisir l'état d'une société et la part obscure des individus...
Premier ouvrage abordant les violences faites aux femmes dans le 9e art, À coups de cases et de bulles est à même de montrer la façon dont la bande dessinée franco-belge, les comics mais aussi les mangas traitent les agressions et les crimes de sang. La bande dessinée qui ne cesse d'ouvrir de nouveaux chantiers et de revisiter des domaines déjà balisés, soit en les renouvelant, soit en les inscrivant dans une tradition, continue d'investir l'imaginaire des sociétés contemporaines.
Le travail photographique, «I would like you to see me» réalisé par Arianna Sanesi, en 2015, sur le féminicide en Italie, alors que ce terme était pratiquement inconnu et que le phénomène était largement ignoré par les médias, est le point de départ de ce livre et de la rencontre entre les photographies d'Arianna et le texte des historien.nes Lydie Bodiou et Frédéric Chauvaud. Leur dialogue crée un éclairage indispensable pour qui veut comprendre comment les mots et les images proposent de nouvelles perspectives sur l'un des problèmes les plus importants de notre temps: le féminicide et les violences domestiques.
Parmi d'autres grands forbans insaisissables et endurcis dans le mal comme le crépusculaire colonel Olrik (Blake et Mortimer), l'aventurier sans scrupule Axel Borg (Jacques Lefranc) ou encore le scientifique et dictateur mégalomanes Zorglub (Spirou et Fantasio), le bandit cosmopolite Roberto Rastapopoulos reste l'un des personnages les plus célèbres de la bande dessinée francobelge.
Ennemi mortel du reporter sans plume Tintin, ajoutant l'impunité à la récidive, rocambolesque fugitif, l'aventurier Roberto Rastapopoulos a toujours échappé au glaive de la justice. Or, il est pourtant jugé par contumace le 20 septembre 2021 devant le tribunal de Poitiers. Important pour l'histoire de la justice pénale, s'ajoutant à d'autres « affaires célèbres, » ce livre publie l'intégralité de ce procès hors norme qui attendait depuis longtemps son heure et son dénouement.
À Cerisy, en août 1987, Thierry Smolderen, scénariste distingué par plusieurs prix, avait proposé une réflexion sur le mouvement. Selon lui « la bande dessinée joue à fond de la cinéspective ». En effet, « une planche de BD suscite une sorte de fondu enchaîné ». De la sorte, on comprend mieux comment certains gestes d'action, courir, sauter, trembler, danser, tomber, glissent de cases en cases sans altérer la lecture en créant un phénomène de continuité. Certes, dans une bande dessinée « classique », divisée en plusieurs cases bien séparées par une « gouttière », chaque vignette pourrait être une « image plate » captant l'attention sur elle seule, et arrêtant la lecture, mais généralement, il n'en est rien et la magie du 9e art peut s'exercer.
Les gestes peuvent être isolés, mais ils peuvent aussi être pensés globalement. Ils forment alors un langage appelé par commodité gestuelle. Un geste peut remplacer un énoncé, souligner un mot, contredire aussi le propos formulé par un personnage ou contenu dans une bulle. Les gestes peuvent exprimer la surprise, la colère, l'impuissance, la tendresse, la joie... de la sorte tout un répertoire de gestes et d'expression se déploie, certains inscrits dans un contexte historique ou sociétal.
Le présent ouvrage est pluridisciplinaire insistant sur le fait qu'il n'existe pas une méthodologie unique mais des lectures variées « naïves ou savantes », pour s'attacher aux expressions gestuelles, aux gestes porteurs d'émotions et de sensations, aux gestes agressifs ou lents et délicats.
D?epuis une quinzaine d'années, l'histoire maritime et l'histoire de la bande dessinée sont en plein renouvellement. À la croisée de ces deux domaines, cet ouvrage apporte une contribution importante aux manières de lire la littérature graphique et d'explorer de nouveaux territoires marins.