Je l'ai croisé une seule fois, mais nous avions parlé longtemps.
C'était juste avant qu'il disparaisse, en 1989. le visage de bernard-marie koltès, l'intensité de son regard, m'ont toujours accompagné depuis. c'est dans cette voix et ce regard que, depuis, je lis et relis ses textes. ce qui est étrange, c'est comment, à distance, on perçoit autrement : on s'attache à un détail, à une phrase, une image. cela vous hante, parce qu'on y découvre, même si longtemps après, des indications formelles vitales.
Parce que cela se veut d'abord théâtre, exige le corps, la bouche et les lumières, c'est une manière unique de rythme, une torsion autre de la syntaxe, un déport dans le choix des objets nommés, qui ont ajouté à notre langue. une énigme, à la pointe de l'oeuvre de koltès, nous indique ce qui est aujourd'hui, pour l'exercice de la littérature, simplement nécessaire. examiner cela, au microscope s'il faut, c'est plus qu'un hommage, c'est honorer une dette.
Moi je ne savais pas comment dans ces cas-là on fait. Je ne m'étais jamais trouvée à marcher dans une rue avec un chien mort dans les bras. Vous faites ça souvent‚ vous ? J'étais allée là où on allait pour le soigner‚ les vaccins‚ et quand deux ans plus tôt une voiture‚ là‚ au même carrefour‚ l'avait heurté et qu'il s'était traîné ainsi le bassin. On avait bien cru le perdre‚ tiens. Et la voiture ne s'était même pas arrêtée. Repartie en tournant à droite. Quand on tourne à droite on ne voit pas ce qui est là tout près du sol : un enfant‚ ç'aurait été pareil. Vous vous seriez arrêté‚ vous ?
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