Cette biographie retrace le parcours de Bob Dylan, reprend les routes qu'il a empruntées et tente de percer ses secrets et ses mystères pour mieux comprendre l'histoire du compositeur qui aspirait à la gloire sans la supporter et les raisons de son succès fulgurant et qui, cinquante ans après, dure encore
Si l'histoire des Rolling Stones nous dit la mutation des années 60, et celle de Bob Dylan comment, de 1958 à 1963, elle s'est préparée, le succès massif de Led Zeppelin incarne les années 70.
Une musique complexe, encore ancrée dans le blues, et quelques hymnes, la force brutale de Whole Lotta Love, ou ce Stairway to heaven, encore aujourd'hui le morceau le plus diffusé sur les radios américaines.
Pourquoi ces quatre musiciens (Jimmy Page, Robert Plant, John Paul Jones et John " Bonzo " Bonham), qui auraient pu ne jamais se croiser (deux professionnels aguerris des studios de Londres, deux amateurs de la banlieue de Birmingham), restent-ils quarante ans après, des icônes (25 millions de demandes de billets pour leur dernier concert à Londres le 10 décembre 2007...) ? Le mystère est d'autant plus entier que, contrairement à Dylan ou aux Stones, on a l'impression, avec Led Zeppelin, d'être confronté à une machine étanche aux influences et aux conflits de leur temps. Lancé en juillet 1968, le groupe se dissout à la mort de son batteur, John Bonham, en septembre 1980 : mais en douze disques, ces hommes sont pourtant les exacts marqueurs de la décennie 70. Marqueurs de l'internationalisation (on dirait mondialisation aujourd'hui) de la culture, du poids symbolique de l'Amérique, et de tout ce qui a jailli dans la mutation de 1968 devenu maintenant phénomène de masse : drogue, libération des moeurs. De ces indicateurs nouveaux aussi : violence, grandes foules, consommation culte, explosion de la publicité. Nous y sommes encore.
Plus qu'une simple biographie, la fresque d'une décennie compacte et opaque à la fois, prenant pour point d'appui l'épopée du symbole culturel de tous ses excès.
À la faveur d'expositions réalisées au cours de ces vingt dernières années, Philippe Cognée s'est imposé comme l'un des peintres majeurs du début du XXIe siècle. C'est à la suite de son séjour à la Villa Médicis, en 1991, que l'artiste invente une technique qui devient son processus de travail exclusif sur toile, à partir de photographies et de peinture à l'encaustique. Le rendu objectif de la photographie fait place à un effet de flouté, de liquéfaction, voire de disparition partielle du motif, de sorte qu'une certaine abstraction travaille en profondeur la figure représentée. En distordant les figures, dont les motifs sont pourtant ceux du réel le plus banal, le plus quotidien, Philippe Cognée interroge la matière du pictural, il questionne la représentation. Le spectateur perçoit dans le tableau final comme le symptôme d'une perte : toujours quelque chose vacille, quelque chose est en train de fondre, de disparaître, que l'artiste saisit au moment de sa « tombée », dans le mouvement d'une défaite qu'il parvient à fixer in extremis.
Entre 1903 et 1905, l'ingénieur et industriel français Ferdinand Arnodin (1845-1924), contemporain de Gustave Eiffel, construit un pont transbordeur au-dessus du Vieux-Port de Marseille (il sera détruit par les Allemands en 1944). Arnodin fut l'inventeur de ce système qui permettait de faire rapidement passer des marchandises d'un quai à l'autre sans avoir à interrompre le trafic maritime ; avant celui de Marseille, il avait construit plusieurs ponts transbordeurs, notamment ceux de Rouen, de Bizerte (démonté puis remonté à Brest) et de Nantes. D'une longueur de 239 mètres, le tablier du pont transbordeur de Marseille était tenu par deux pylônes métalliques de 86 mètres de haut ; une nacelle de 120 m² y faisait l'aller et retour en moins de deux minutes. Un café restaurant s'y trouvait également. Cette installation audacieuse, qui modernisait d'un coup le paysage traditionnel du Vieux-Port, suscita évidemment une polémique. Parmi ses admirateurs, on compte, outre Walter Benjamin, le peintre, sculpteur, cinéaste et photographe hongrois Làszlo Moholy-Nagy (1895-1946) qui, en 1929, après son départ du Bauhaus, réalisa une série de photogrammes du pont transbordeur qu'il qualifia de " véritable miracle de la technique, d'une précision et d'une finesse exceptionnelles ".
On démolit aujourd'hui Billancourt. Et l'usine comme un livre que d'abord on ouvrirait timidement, ou comme lèverait, maintenant que tout ici est vide, un univers très secret, même si très vite y résonnent, dans la tête comme aux quatre bords des images carrées de l'Hasselblad d'Antoine Stéphani, pour chaque géométrie de fonte et d'acier, toute l'émeute d'un siècle et ses rêves.
François Bon
Depuis longtemps, -depuis toujours-, Marc Gibert arpente la Seine-Saint-Denis en infatigable marcheur. De "la couleur et son lieu" son premier engagement photographique, plutôt formel, son travail s'est mué peu à peu en une observation autrement rigoureuse d'un territoire. Sans anecdote, il nous invite ici à une traversée des paysages : le fortuit se mêle à l'inopiné des rencontres. Et c'est à la vie moderne qu'il nous confronte, celle de ces "lieux du ban" devenus villes, riches d'espaces, d'interstices, qu'il associe formellement avec des visages fugitifs de passants, autant d'impromptus, de silence... une musique que Marc Gibert libère par petites touches et qu'il nous invite à éprouver dans les pas de ses pas.
"Ce qui m'a frappé d'emblée dans les photographies prises par Antoine Stéphani du Petit Palais vide, c'est leur très grande force onirique, un peu comme les toiles du hollandais Saenredam. Dans l'espace vide, ce qui résonne, c'est la totalité de la ville qui l'entoure, la skyline résolument au présent, souvent perceptible. Parce que le Petit Palais se retrouve soudain vide, décloisonné, on le revoit en chantier. Construit pour l'exposition universelle de 1900, le geste et l'idée qui ont présidé à son architecture
sont la trace d'un moment particulier de la ville. Les travaux du Petit Palais sont une chance d'archéologue : on met à jour, dans notre présent de 2005, la façon dont la ville en 1900 se transforme. Et cela passe par l'idée de palais, lieu séparé de la ville et de la vie ordinaires, que les herbes sauvages, les tapis usés et les plâtres pourtant nous réenseignent. Rare qu'il nous soit autant donné à rêver, c'est cela qu'il nous faudrait, pour nous-mêmes, expliquer ou comprendre. François Bon, décembre 2004. Le Petit Palais, Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris, ouvrira à nouveau ses portes deuxième quinzaine de novembre, après sa complète rénovation.
Le monde aurait donc si vite basculé qu'on devrait oublier ce qu'il était pour soi-même ? Le poste de radio Telefunken était massif : un meuble. Bois verni, toile plastifiée, oeil vert des stations grandes ondes entre les boutons larges, et sur le dessus, le pick-up. Nous avions à la maison trois disques : La Symphonie héroïque de Berlioz, des variétés (Georges Guétary je crois) et un comique (Fernand Raynaud, mais je n'en suis plus sûr).
Le poste servait aux informations, et le "Français, Françaises" de De Gaulle dans ces années de guerre d'Algérie et de Petit-Clamart, avant qu'arrive la télévision, ceux de ma génération n'échappent pas à s'en souvenir. (...) Banalités tout cela, au regard du bruit général. On ne sait même plus dater comment il est arrivé. Musiques dans les supermarchés, musique dans les voitures, musique sur les répondeurs téléphone - ou une fin de la musique ? J'ai dû me construire comme auditeur, ça a été difficile, parce que ce n'était pas une expérience enracinée dans l'enfance, et du coup cela s'est fait directement par d'autres biais que ce qu'on nomme jazz.
« Cet arbre est une explosion, il les ravale tous, et le jardin et le photographe. La photographie n'a pas de cadre, parce que l'arbre est forcément hors cadre : quand on veut un cadre, il faut en ap-porter un dans l'image. Dans l'arbre on peut même se dissimuler - sa nature tierce (souvenir de foudre, preuve de repousse ?) est déjà l'éclatement appelé de qui ici se présente, avec ses accessoi-res ou le dénuement au sens strict.
Qui sont-ils, ceux qui viennent ici ? Ils connaissent leur hôte, et lui offrent leur confiance. Il y a dialogue en amont sur ce qu'on va construire et qu'on va jouer. L'anglais dirait to perform : jouer à travers la forme, forme qui traverse le jeu. À un moment donné, c'est la vie du photographe lui-même qui vient se jouer dans son propre dispositif : la preuve que la question l'emporte sur toute idée d'exhibition (latin habere, avoir : mettre hors ce qu'on a).
Jouons à notre tour : ce qui est ici montré, par les sujets eux-mêmes, qu'en serait-il sans l'arbre, sur le fonds neutre d'un studio, ou dans la fausse jungle des films de Tarzan ? Qu'en serait-il si on faisait la même photographie un peu plus loin dans cette campagne de vent et d'eau, entre ville et mer, mais sans le mot habiter, et sans les murs clos du jardin qu'a bâti, au long des an-nées, le peintre-photographe ? »