Le catholicisme, hier encore religion de la très grande majorité des Français, n'est plus ce qu'il était. Un tel changement, qui n'est pas achevé, a des conséquences majeures, aussi bien pour cette religion que pour le pays tout entier, façonné par cette longue imprégnation catholique.
Cet essai se penche sur certaines de ses manifestations contemporaines : la mutation anthropologique qu'entraîne le fait de mourir sans croire pour la génération des baby-boomers et ses descendants ; la diffusion de la crémation ; les recompositions de l'ascèse sous la forme du running ; les inquiétudes suscitées par l'islamisme ; la montée des « sans-religion et l'intérêt largement répandu pour la « spiritualité » ; la manière dont, dans la longue durée, l'Église s'adapte plus ou moins à la modernité.
In fine, l'auteur pose la question de savoir si l'on n'a pas plus à perdre qu'à gagner à cette mutation.
Le recul du catholicisme en France entre le milieu des années 1960 et aujourd'hui est l'un des faits les plus marquants et pourtant l'un des moins expliqués de notre histoire contemporaine. Comment expliquer une telle mutation et un tel déclin de la pratique religieuse ?
Guillaume Cuchet a repris l'ensemble du dossier : il propose l'une des premières analyses de sociologie historique de cette grande rupture religieuse, identifie le rôle déclencheur de Vatican II (1962-1965) dans ces évolutions et les situe aussi bien dans le temps long de la déchristianisation que dans le contexte des évolutions démographiques, sociales et culturelles des décennies d'après-guerre.
Si le purgatoire est « né » au Moyen Âge, il n'a jamais été aussi populaire qu'au XIXe siècle. Comment expliquer ce phénomène qui fit de la dévotion aux âmes du purgatoire l'une des pratiques les plus répandues de l'Europe catholique ? Aux sources de cette renaissance, on trouve la force du « culte des morts », la nécessité de répondre aux revendications affectives des fidèles et au discrédit massif de l'enfer, enfin la volonté de l'Église de contrecarrer l'expansion du spiritisme. On a beaucoup insisté alors sur le rôle d'intercesseur des âmes du purgatoire, sur la sollicitude à l'égard des « âmes délaissées », car sans famille ici-bas ou trop pauvres pour payer des messes.
Or, au début du xxe siècle, au terme de cette ultime phase de prospérité, le purgatoire s'efface peu à peu des consciences et des représentations. À l'origine de cette révolution des mentalités : la Grande Guerre, et ses millions de disparus.
Le xixe siècle a-t-il été ce fameux temps de déclin religieux ? Le rationalisme y triomphait-il autant qu'on l'a dit ? Le positivisme y régnait-il en maître ?
Guillaume Cuchet démontre que le xixe siècle a été une époque d'intenses ferveurs religieuses, à la mesure des bouleversements politiques qu'il a connus, aussi bien à l'intérieur des cultes existants, comme le catholicisme, qu'en dehors. Tout un New Age précoce de croyances et de pratiques hétérodoxes a rencontré un grand succès, notamment dans les rangs d'une gauche loin d'être entièrement sécularisée. Apparitions mariales, contestation de l'enfer, renouveau du purgatoire, nouvelles conceptions du paradis, culte de la tombe et des morts, définition de nouveaux dogmes comme l'Immaculée Conception ou l'Infaillibilité pontificale, succès des « philosophies religieuses », vogue des tables tournantes et du spiritisme, essor de la piété « ultramontaine », sont autant de manifestations de cette effervescence.
À travers toutes ces pratiques pour le moins surprenantes se dessine le visage d'un autre xixe siècle, plus intime et plus complexe, dans lequel croyants et incroyants se ressemblent souvent, là même, parfois, où ils s'opposent le plus.
Un essai détonnant.
Dans un ouvrage au titre suggestif, Guillaume Cuchet cherche à percevoir, sous l'obscure aura de mystère qui nimbe le spiritisme et ses plus célèbres tenants (Edgar Allan Poe, Victor Hugo.), les phénomènes, les rapports, les conflits socio-culturels qui se cachent à la lumière du jour.Dès le début des années 1850, la France se passionne pour ce phénomène venu tout droit d'Amérique, au point que toute la société, bientôt, se met à faire tourner les tables. Moment lui-même inscrit dans un contexte d'industrialisation, de progrès des sciences, d'essor des communications, qui donnera au spiritisme son nouveau nom de baptême, " télégraphe spirituel ". Cependant, le spiritisme ne forme pas une entité unique selon les milieux et les classes sociales qui s'y adonnent.Guillaume Cuchet va ainsi proposer une tripartition entre spiritisme de récréation, de consolation et de conviction, sans qu'il soit impossible de passer de l'un à l'autre ou d'embrasser l'un et l'autre. La montée d'une société des loisirs, la crise de foi qui gagne alors l'ensemble de l'Europe, l'intérêt pour les sciences occultes en réaction au positivisme ambiant sont quelques-uns des phénomènes que l'incroyable engouement pour le spiritisme éclaire d'un jour nouveau.
Cette interrogation de fond, qui traverse mon travail, il me semble qu'on peut la résumer sommairement de la manière suivante : comment la société française, qui est l'une des plus sécularisées du monde, mais qui a été par le passé si profondément façonnée par le catholicisme, en est aujourd'hui très largement "sortie", au sens où Marcel Gauchet parle de "sortie de la religion", c'est-à-dire comme cadre structurant de sa vie collective, de ses lois, de ses moeurs, de ses valeurs et de sa culture ? À quels rythmes, selon quelles voies, jusqu'à quel point, moyennant quelles compensations et décompensations ?
On ne lit plus guère Alphonse Gratry et c'est dommage, non seulement parce qu'il fut l'un des penseurs religieux les plus marquants du XIXe siècle, mais aussi parce qu'il était un écrivain de talent et un témoin averti de son temps. Issu d'un milieu anticlérical de serviteurs de l'Empire napoléonien, converti au catholicisme sous la Restauration, polytechnicien, directeur du collège Stanislas à Paris, puis aumônier de l'École normale supérieure, il a contribué, en 1852, à refonder l'Oratoire de France.
Catholique inclassable, pionnier du dialogue oecuménique, militant de la paix, il était persuadé que l'Église de son temps vivait un "moment solennel" de son histoire, comparable en importance à celui de ses origines, duquel dépendrait en grande partie son avenir dans les sociétés occidentales. Philosophe, il est à l'origine du système de pensée le plus complet et le plus caractérisé que le monde catholique français ait produit au XIXe siècle, qui a influencé tout une lignée de penseurs indépendants du thomisme. La fin de son existence a cependant été très assombrie par les conséquences de ses prises de position retentissantes contre l'infaillibilité pontificale en 1870, même si son ralliement in extremis au dogme lui a permis d'échapper à une damnatio memoriae qui aurait pu être définitive, mais qui n'a finalement été que provisoire.
Le but de cet ouvrage est de faire redécouvrir cette figure majeure de l'histoire religieuse et intellectuelle du XIXe siècle, à travers un essai biographique, la première édition critique et intégrale de ses souvenirs et une anthologie de textes représentatifs de la diversité des thèmes de sa pensée comme des formes de son écriture.
De Michelet à Michel de Certeau, il semble qu'on ait à peu près tout dit du rapport des historiens à la mort et aux morts. Mais peut-être n'a-t-on pas assez souligné à quel point la découverte, au détour d'un dossier d'archives, d'un manuscrit exceptionnel comme Philosophie de la mort de frédéric Ozanam, fait partie des bonheurs de la recherche. Tout à coup, sans crier gare, dans ce monde souvent caduc où l'historien de la culture et de la religion promène son regard distancié d'ethnologue du passé.
Une voix se fait entendre : insolite, émouvante, irréductible. On a trouvé un " texte " parmi les " sources ". Mieux : un vivant parmi les morts. Pas n'importe quel vivant en l'occurrence, puisqu'Ozanam est une figure majeure de l'histoire religieuse, intellectuelle et politique du XIXe siècle qui est abordée dans cet ouvrage à travers le prisme de sa vie spirituelle et de son rapport à la mort. Questions cruciale s'il en est pour ce chrétien soucieux de " ne pas sortir inutile de ce monde ", mort à tout juste quarante ans, au beau milieu d'une existence pleine de dons et de promesses, des suites d'une longue maladie qui lui a laissé le temps de se confronter douloureusement au problème.
En bonne théologie chrétienne, les conciles sont censés être « inspirés » ou « assistés » par le Saint-Esprit, mais force est de constater que leurs annales sont pleines de conflits, coups de théâtre, manoeuvres, aussi bien dans la conduite des assemblées que la rédaction des documents qui en sont issus. Vues de près, les opérations du Saint-Esprit paraissent bien humaines. Cet ouvrage étudie, dans la longue durée et à des échelles différentes, les ressorts historiques de cette « dramatique conciliaire ». Comment comprendre que les acteurs des conciles aient pu être à la fois des tacticiens rompus aux usages de la mécanique des assemblées et des croyants sincères, convaincus que le Saint-Esprit pilotait en sous-main les opérations et que ce combat en apparence politique était en réalité spirituel ? Qu'est-ce que ces convictions nous disent de la nature de ces assemblées si particulières que sont les conciles ?