Le cycle électoral du printemps 2022 s'est achevé avec la réélection sans enthousiasme d'Emmanuel Macron et une majorité relative pour l'alliance présidentielle. Les articles de ce numéro n'analysent pas seulement la nouvelle géographie électorale des forces politiques mais aussi le rôle des acteurs, les rivalités de pouvoir entre forces politiques adverses ou au sein d'une même famille politique et leurs stratégies pour prendre le leadership national ou le contrôle de telle ou telle circonscription. C'est pourquoi nous traitons dans ce numéro de cas illustrant leur résistance ou leur fragilité et pouvant entraîner des bouleversements dans le système de pouvoirs national - croissance continue du vote d'extrême droite, e?ondrement du PS, succès de la stratégie de Jean-Luc Mélenchon, abstention massive - et aussi local, avec des études de cas qui nous semblent emblématiques ou singuliers : Seine-Saint-Denis, Marseille, Corse, Guadeloupe, Pyrénées-Orientales et quelques autres. Les auteurs sont tous des chercheurs ?ns connaisseurs des situations géopolitiques locales étudiées, condition nécessaire à leur juste interprétation.
Depuis une dizaine d'années, les enquêtes fondées sur l'exploitation de sources ouvertes et de traces numériques se développent au point de devenir déterminantes dans la documentation des conflits contemporains, au premier rang desquels figure la guerre en Ukraine. Généralement désignées sous le sigle Osint (open source intelligence), ces pratiques d'investigation sont rendues possibles par l'omniprésence de capteurs qui numérisent une part grandissante des activités humaines et en produisent des traces. Si ces sources sont largement exploitées par des services de renseignement, des journalistes ou des activistes, les réflexions menées pour les intégrer à la « boîte à outils » du chercheur travaillant sur les phénomènes géopolitiques sont encore embryonnaires, et méritent d'être enrichies. Dans ce numéro, plusieurs articles reviennent sur les enjeux épistémologiques que pose l'enquête numérique et d'autres proposent l'amorce d'un canevas méthodologique. Il en résulte la possibilité d'un terrain « augmenté » par le numérique, dont le recours se révèle particulièrement fécond dans les contextes de terrains difficiles ou inaccessibles.
Ce numéro est un tour d'horizon géopolitique des conséquences de la pandémie de Covid-19. Ainsi, démarrée en Chine, elle s'est révélée une remarquable opportunité pour Xi Jinping qui a pu montrer au reste du monde l'efficacité, voire la supériorité, du système politique chinois pour contrôler une pandémie et venir rapidement en aide non seulement aux pays africains en développement mais aussi aux pays développés comme l'Italie. L'Union européenne a, contre toute attente, connu des avancées notables parmi lesquelles la mise en place d'un fonds européen pour la relance afin d'atténuer les effets de la crise ; un bouleversement majeur des règles européennes. Plusieurs études de cas (Inde, Vietnam, Espagne, Italie, France) éclairent les situations sanitaires, économiques et politiques créées par la pandémie.
Malgré le cessez-le-feu signé à Genève le 23 octobre 2020 entre les différents groupes armés libyens, la situation en Libye en 2021 reste tellement complexe qu'il faut bien lui consacrer un numéro d'Hérodote pour essayer de la clarifier. Le « chaos libyen » s'inscrit dans ce processus global d'impasse du mouvement contestataire du « printemps arabe ». Il ne peut être appréhendé que placé dans ce contexte. La complexité de la situation géopolitique libyenne résulte de la multiplicité des acteurs à la tête de groupes armés, du fait de l'extrême fragmentation de la société. Au gré de l'évolution des rapports de forces sur le terrain, les alliances se font et se défont sans stratégie politique clairement définie mais selon les avantages qui en sont attendus ou espérés pour les groupes armés et/ou les groupes locaux concernés. À cette situation interne confuse et complexe s'ajoutent les nombreux acteurs internationaux (Russie, Turquie, Égypte, Émirats arabes unis, Jordanie, Arabie saoudite), chacun poursuivant ses propres intérêts. La Libye constitue désormais un terrain d'affrontement et/ou de coopération entre puissances régionales et extra-régionales.
Un peu plus de deux ans après l'élection de Jair Bolsonaro, où en est le Brésil ? Il est dans une mauvaise passe avec une situation sanitaire désastreuse - c'est le deuxième pays au monde par le nombre de décès causés par l'épidémie de Covid-19 - et celle-ci révèle et en aggrave les inégalités. La situation environnementale de l'Amazonie s'est fortement dégradée et le Brésil a perdu sa crédibilité internationale dans sa capacité à gérer en pleine souveraineté son environnement. Quant à la situation politique interne du Brésil, il semble que les plus solides soutiens à la politique de Bolsonaro commencent à se fragiliser, comme celui de l'armée qui craint pour son prestige si elle est associée de près aux conséquences politiques de certains choix, et même celui des évangéliques déçus de ne pas influencer davantage la politique familiale ou scolaire. Les plus fidèles sont les grands éleveurs dont le poids économique leur permet de se faire entendre par le gouvernement et les institutions qui les concernent. La libération de l'ancien président Lula da Silva, à la suite d'une décision de la Cour suprême, pourrait annoncer une réélection difficile pour Bolsonaro si Lula décidait de se présenter contre lui.
En avril-mai 2019, l'Inde a conduit ses dix-septièmes élections générales qui ont vu le Bharatiya Janata Party reconduit au pouvoir avec une majorité accrue. Rédigé dans les semaines qui ont précédé la plus vaste consultation démocratique au monde (900 millions d'électeurs inscrits), ce numéro d'Hérodote dresse un bilan géopolitique du premier mandat de Narendra Modi et brosse le portrait d'une Inde en mouvement qui se hausse au rang de cinquième puissance économique mondiale, dépassant ainsi la France et le Royaume-Uni, sans être encore, comme le nationalisme hindou le souhaiterait, une grande puissance incontestable. Sans négliger les dynamiques internes du BJP et l'impact du fédéralisme sur la politique économique, l'essentiel du numéro porte sur l'insertion du pays dans sa région et dans le monde incertain d'aujourd'hui : état présent des questions anciennes mais toujours décisives que sont les relations avec le Pakistan et avec la Chine ; politique de défense et stratégie nucléaire face à ces deux rivaux ; nouveaux horizons que sont les espaces océaniques de l'Indo-Pacifique et l'Afrique. Est interrogée aussi la posture diplomatique indienne vis-à-vis du multilatéralisme, alors que le pays plaide toujours pour une réforme lui ouvrant les portes du Conseil de sécurité de l'ONU.
Experts chevronnés ou jeunes auteurs, l'équipe réunie pour ce numéro entend éclairer une Inde incontestablement émergente dont les interrogations s'inscrivent dans le grand concert contemporain, entre nationalisme identitaire, volonté d'autonomie, quête de puissance et multipolarité.
Dans ce numéro sont abordés les problèmes géopolitiques complexes de l'Algérie, du Maroc et de la Tunisie. L'un des problèmes les plus graves auxquels ces trois pays, et plus particulièrement l'Algérie, ont dû faire face est l'islamisme politique à partir des années 1990. Qu'en est-il vingt-cinq ans plus tard ? Dans aucun de ces pays la mouvance islamiste n'a totalement disparu, mais elle est plus ou moins sous contrôle selon des moyens spécifiques à chacun d'eux. Ils affrontent dans des situations économiques difficiles la pandémie de la Covid-19, qui a imposé un contrôle sanitaire strict donnant l'occasion de renforcer un contrôle politique tout aussi strict. Par exemple, le gouvernement algérien en a profité pour interdire les manifestations du Hirak, espérant ainsi y mettre un terme, mais au vu de la profondeur de la contestation, il est possible que celle-ci reprenne.
Dans un numéro sur le Maghreb, il va de soi que les relations avec la France ont toute leur place, d'autant plus qu'elles sont ô combien plus intenses et étroites qu'elles ne l'étaient pendant la colonisation.
En France, l'Allemagne est vue par certains responsables économiques et politiques comme un modèle : faible taux de chômage, fort excédent budgétaire, organisation politique décentralisée, succès de la Réunification illustré par le rattrapage presque achevé du retard économique qu'avaient pris les Länder de l'Est. Néanmoins, la « crise » migratoire de l'été 2015 et l'accueil de près d'un million de réfugiés ont eu des conséquences politiques négatives. L'AfD a profité de cette arrivée soudaine et « massive » pour défendre l'identité de la nation allemande que ses leaders estiment menacée ; et faire une percée forte et rapide. L'Allemagne rejoint ainsi les États européens confrontés à des partis d'extrême droite nationalistes et hostiles aux institutions européennes. En outre, la situation économique est-elle si solide que les excédents budgétaires le laissent supposer ? L'industrie allemande est dépendante de ses exportations hors pays européens. Elle subit donc directement le ralentissement économique de la Chine, qui, de plus, commence à produire elle-même les biens qu'elle importait jusqu'à présent. Par conséquent, le troisième (et dernier) mandat d'Angela Merkel se déroule dans un contexte moins favorable que les précédents et elle n'apparaît plus comme la leader incontestable de l'Union européenne. La question militaire, à travers l'adhésion à l'Otan, interroge aussi le rôle de l'Allemagne dans la politique internationale.
Qu'en est-il réellement de l'Allemagne en 2019, trente ans après la chute du Mur ? La prospérité économique cache-t-elle quelques faiblesses ? Ce numéro a été réalisé avec la collaboration de Boris Grésillon, chercheur au Centre Marc-Bloch de Berlin, et de Christophe Strassel, professeur associé à l'université de Lille.
Les Français sont inquiets, même si l'élection d'Emmanuel Macron à la présidence de la République en 2017 les a un temps rassurés, du moins une partie d'entre eux. Il est vrai que l'époque est incertaine : bouleversements dans l'organisation du travail avec la révolution numérique, menace sur la santé avec l'aggravation des pollutions, tensions géopolitiques susceptibles de concerner la France directement ou indirectement.
L'incertitude géopolitique du monde actuel oblige à réinvestir sérieusement dans les moyens de défense du territoire. Garantir la sécurité nationale nécessite la mise en place de forces armées efficaces - et sans doute d'une défense européenne commune. Mais est-ce un projet réaliste ? Compte tenu de l'approfondissement des divisions au sein de l'Union européenne, lié à la « crise des migrants », probablement pas.
L'Europe reste-t-elle l'avenir de la France ? Quoi qu'il en soit, c'est à l'État de réduire les fractures de la société française, et ce dès demain pour éviter de les aggraver.
Il y a vingt-six ans qu'Hérodote interroge cette question complexe des rapports entre migrations et nations qui posent des problèmes géopolitiques tels que les rapports entre États du Nord et du Sud - mais aussi entre États du Sud, ce que l'on a parfois tendance à négliger -, ou encore des questions de frontières, d'étrangers, de nationaux. L'immigration met aussi en jeu des rivalités de pouvoir sur des territoires et alimente par le biais des médias des débats entre citoyens. Enfin, elle fait l'objet de représentations mobilisatrices : parmi elles, la menace que ferait planer l'immigration sur l'identité nationale est suffisamment puissante pour contraindre les responsables politiques d'adapter leur politique migratoire, en particulier en renforçant le contrôle des frontières. Dans ce numéro, nous ne nous sommes pas limités à la situation européenne en analysant plus largement la question des migrations afin de prendre en compte les conséquences des départs pour certains pays. Ce qui distingue les pays, c'est la possibilité ou non d'y acquérir la nationalité, d'en devenir des citoyens de plein droit, qu'il s'agisse de réfugiés demandant le droit d'asile ou de migrants économiques. Cette possibilité offerte aux migrants de devenir citoyen est celle qui change l'approche de la question de l'immigration et de la nation car elle permet de passer d'une émigration temporaire de travail à une immigration définitive de peuplement.
En 1997, Yves Lacoste proposait à Roland Pourtier, géographe spécialiste de l'Afrique subsaharienne francophone, de contribuer à la réalisation d'un numéro d'Hérodote sur cette région qu'il intitulait Géopolitique d'une Afrique médiane. Vingt-trois ans plus tard nous reprenons ce thème, toujours avec la collaboration de Roland Pourtier et celle de deux autres auteurs déjà sollicités dans le précédent numéro. Leur participation prouve que la situation géopolitique de cette région reste délicate et complexe même si ce ne sont pas exactement les mêmes territoires qui sont en jeu. Dans ce vaste ensemble au coeur duquel la République démocratique du Congo occupe une place centrale, avec ses 2 350 000 km2 et ses plus ou moins 85 millions d'habitants, l'un des enjeux majeurs est de comprendre les raisons de la persistance de ces situations géopolitiques compliquées et conflictuelles. Plusieurs auteurs montrent combien le raisonnement géographique est indispensable pour décortiquer les situations géopolitiques : nécessité de combiner les différents niveaux d'analyse spatiale et de prendre en compte les milieux physiques sans tomber dans un déterminisme simpliste ; nécessité de combiner les temps longs et les temps courts. Comme le disait Élisée Reclus : « la Géographie n'est autre chose que l'Histoire dans l'Espace, de même que l'Histoire est la Géographie dans le Temps. »
L'Asie du Sud-Est étant au programme de l'agrégation de géographie de 2020, Hérodote, revue de géographie et de géopolitique, y consacre ce numéro, sur une proposition de Benoît de Tréglodé, politologue, et de Nathalie Fau, géographe, qui l'ont aussi pensé et dirigé. L'approche géographique et géopolitique est particulièrement adaptée à l'étude de cette région. En effet, pour l'analyser correctement, il est indispensable de prendre en compte ses caractéristiques géographiques exceptionnelles : 4 500 000 km2, 650 millions d'habitants, des étendues marines plus vastes que les terres émergées, elles-mêmes constituées d'une succession de péninsules, de détroits, d'archipels parsemés de milliers d'îles et d'îlots, le tout étant divisé en État péninsule (la Malaisie), en États archipels (les Philippines et l'Indonésie) ou encore en État insulaire (Singapour). Ce vaste espace relève aussi d'une analyse géopolitique singulière car, situé entre deux océans, Pacifique et Indien, il joue un rôle central dans la circulation maritime mondiale tant sur le plan géostratégique qu'économique. En outre, il est d'une extrême diversité : diversité linguistique - cinq familles de langues, comparées à une seule en Europe -, diversité religieuse - musulmans, chrétiens, bouddhistes - et enfin espace où les complémentarités, les relations et bien évidemment les rivalités sont très anciennes. De quoi fournir un terrain d'études riche et passionnant, au coeur des enjeux et défis contemporains.
Belgique ont aussi connu la percée de partis politiques d'extrême droite, revendiquant la préférence nationale, dénonçant le cosmopolitisme, le multiculturalisme et, plus directement encore, la présence des étrangers. Les démocraties de l'Europe du Nord, en particulier scandinaves, qui semblaient échapper à cette poussée politique nationaliste, sont à leur tour touchées.
Et si les scores de l'extrême droite sont encore faibles en Grande-Bretagne et en Espagne, les conditions de leur essor sont bien présentes, surtout si la crise économique s'installe durablement. Les ressorts communs à la montée de l'extrême droite en Europe que sont l'immigration musulmane, la mondialisation (à laquelle la désindustrialisation et la montée du chômage sont associées) et l'Union européenne ne suffisent cependant pas à effacer les particularités des situations nationales de chaque Etat.
C'est pourquoi Hérodote a choisi de présenter diverses situations européennes pour mieux les comprendre, sans oublier de s'intéresser à la Russie.
Le désamour envers l'Union européenne atteint désormais presque tous les pays qui en font partie et, si tous ne souhaitent pas en sortir, le vote des Britanniques pour le Brexit a confirmé la méfiance grandissante envers l'Europe libérale et la tentation d'un retour vers l'État-nation que la crise des réfugiés a encore renforcée.
L'Union européenne risque-t-elle pour autant de se déconstruire ? Rien n'est moins sûr tant le contexte géopolitique externe est préoccupant. Poutine continue de faire peser quelque menace sur les pays baltes, membres de l'Otan et de l'UE, et cherche à influencer en sa faveur les opinions publiques de son étranger proche. Quant au nouveau président des États-Unis, il a clairement laissé entendre que son pays ne dépenserait plus autant pour assurer la sécurité des pays européens qui, désormais, leur incombait.
La date de parution de ce numéro, octobre 2017, ne doit bien sûr rien au hasard, cent ans après la révolution d'Octobre. Pour la première fois dans l'histoire, un empire disparaissait car son centre, la Russie, décidait de faire sécession. Après la fin des années Eltsine qui laisse la Russie dans une situation géopolitique interne chaotique et très affaiblie sur le plan international, Vladimir Poutine a décidé de remettre la Russie en ordre et de lui redonner son rang international. Cette politique offensive assortie d'une incontestable atteinte aux libertés publiques inquiète les Occidentaux.
En 2017, quels sont les problèmes géopolitiques que pose la Russie au monde ? Les commentateurs sont nombreux à dire qu'avec l'intervention russe en Syrie, ce grand pays a retrouvé la place qui est historiquement la sienne parmi les grands pays avec lesquels il faut compter ; quels sont ceux posés à son étranger proche, en particulier à l'Ukraine et enfin à elle-même ? C'est à ces questions compliquées que ce numéro double tente partiellement de répondre.
La révolution numérique provoquée par l'adoption massive des technologies numériques et l'interconnexion mondiale des systèmes d'information et de communication connaît une accélération fulgurante depuis deux décennies. Elle bouleverse nos économies et nos modes de vie et ouvre de nouveaux horizons de développement encore largement inexplorés. Elle transforme également en profondeur l'environnement stratégique et la manière dont les grandes puissances se mesurent et s'a?rontent désormais. La notion de datasphère, tout juste émergente, permet d'englober dans un même concept les enjeux stratégiques liés au cyberespace et, plus généralement, à la révolution numérique, pour mieux appréhender les dé?s présents et à venir de la dépendance croissante aux technologies et aux données numériques dans un monde de plus en plus gouverné par les algorithmes et l'intelligence arti?cielle. Ce numéro réunit - entre autres - un grand nombre d'auteurs issus de l'équipe Géopolitique de la datasphère (), un centre de recherche et de formation dédié à l'étude des enjeux géopolitiques et stratégiques de la révolution numérique, porté par l'équipe de l'Institut français de géopolitique de l'université Paris 8.
Le retrait des Américains d'Irak en 2011 a permis à l'Iran d'être un acteur majeur de la dynamique géopolitique moyen-orientale. 2011 est aussi la date à partir de laquelle le gouvernement iranien décide de soutenir sans faille son fidèle allié syrien. Cependant, bien avant 2011, l'Iran était présent au Moyen-Orient : dès 1982, à la suite de l'invasion israélienne du Sud-Liban où les chiites sont nombreux, le gouvernement iranien décide de les soutenir en créant le Hezbollah. Doit-on pour autant parler d'un axe chiite Téhéran-Bagdad-Damas-Beyrouth contrôlé par l'Iran ? L'image de l'archipel est sans doute plus juste. En revanche, le risque d'un engrenage géopolitique dans la région est possible, tout comme le dérapage des tensions - jusqu'ici contrôlées - entre Iran et Israël, à la suite du non-renouvellement de l'accord nucléaire par Donald Trump, soutenu par le roi d'Arabie saoudite. Quelle sera l'attitude des autres dirigeants signataires de cet accord (France, Allemagne, Russie, Chine) ?
En outre, cette suspension probable de l'accord nucléaire aura certainement des conséquences sur la situation intérieure de l'Iran : les Iraniens verront leur souveraineté menacée par les Occidentaux, ce qui risque de renforcer le sentiment nationaliste. Cela participerait à diluer les revendications économiques et sociales exprimées à la fin de l'année 2017, au moins pour quelques temps, mais redonnerait de la force aux conservateurs opposés à cet accord. Toutefois, la société iranienne continue d'évoluer y compris dans son fonctionnement politique, en particulier au niveau local.
En 2006, Hérodote publiait Amérique latine : nouvelle géopolitique. Nouvelle, parce qu'au libéralisme triomphant des années 1990 succédait une période favorable aux gouvernements de gauche. C'est le temps du retour de l'État, du nationalisme économique. Toutefois, Hérodote restait plutôt circonspect et à juste titre au vu de l'actualité. La situation vénézuélienne est des plus catastrophiques comme le prouve l'exil d'une partie de la population qui touche désormais toutes les classes sociales qui fuient la pauvreté, les pénuries alimentaires et de médicaments. La situation géopolitique des États de l'Amérique centrale est tout aussi préoccupante : crises politiques à répétition, situation économique dégradée qui pousse à l'émigration vers le Mexique en espérant atteindre les États-Unis. En revanche, la situation de la Colombie paraît se normaliser depuis l'accord signé en août 2016 à La Havane avec les Farc. Un point commun réunit tous ces États d'Amérique latine, c'est la place de la Chine dans leurs économies de rente. Les gouvernements de gauche latino-américains pensant se libérer de l'impérialisme étasunien se sont tournés avec enthousiasme vers la Chine, perçue comme un État ayant appartenu dans un passé pas si lointain au Tiers-Monde, tout comme eux, et hostile aux États Unis, sans peut-être mesurer leur passage à une autre forme d'hégémonie économique. Les résultats des présidentielles brésiliennes ont stupéfié avec l'élection du candidat d'extrême droite, Bolsonaro. Le besoin de sécurité et la volonté de sortir de la corruption massive des élites politiques précédentes expliquent ce mouvement de « dégagisme ». Autre changement d'importance, religieux cette fois, la montée des Églises évangélistes au détriment de l'Église catholique même si le pape François, argentin d'origine, peut la limiter. C'est donc une fois encore à une nouvelle géopolitique de l'Amérique latine qu'est consacré ce numéro d'Hérodote.
Comme l'explique ce numéro d'Hérodote, qui revient sur cette histoire méconnue, les événements contemporains ont fait de la région une zone de tensions géopolitiques majeure : révolution khomeyniste en Iran (1979), suivie par l'embargo américain, guerre Irak-Iran (1980-1988), puis invasion du Koweït et « guerre du Golfe » (1990-1991).
Avec l'arrivée de Barack Obama au pouvoir, la redéfinition de la politique américaine en Afghanistan, sous le concept d'« AfPak », a souligné plus encore combien la politique régionale pakistanaise était partie prenante du brûlot afghan. Mais, pour comprendre cette relation, il faut revenir aux origines, à la Partition de l'Empire des Indes qui fait naître un Pakistan séparé de l'Inde indépendante, les deux pays s'affrontant aussitôt sur la question toujours irrésolue du Cachemire.
Définie par l'armée pakistanaise et ses services secrets, le paradigme stratégique pakistanais, qu'analyse ce numéro sous ses multiples déclinaisons, cherche à garantir la sécurité du pays, mais multiplie pour ce faire les risques, en faisant de l'opposition à l'Inde et de la politique d'influence en Afghanistan le pivot d'une politique qui joue à la fois de la dissuasion nucléaire, de l'instrumentalisation des groupes islamistes armés, de la gestion incertaine des particularismes ethniques et du contrôle, incertain, de divers groupes talibans. Etat pivot sur un axe des crises, voisin des grands émergents que sont l'Inde et la Chine, aux portes de l'Iran et de la route du pétrole, le Pakistan déstabilisateur est à la fois incontournable et menacé d'être à son tour déstabilisé. Quel Islam pour quelle nation ? La vieille question originelle se repose donc aujourd'hui, avec une acuité aiguisée.
1970-2010, quarante ans de mouvement féministe : "Hérodote" a choisi de marquer cet anniversaire en publiant le présent numéro. Ce qui peut surprendre, car en quoi l'approche géopolitique mise en oeuvre dans cette revue, c'est-à-dire l'étude des rivalités et rapports de pouvoirs sur des territoires pour en prendre le contrôle et celui des populations qui s'y trouvent, peut-elle utile être pour rendre compte des situations que connaissent les femmes de par le monde ? Personne ne contester que les situations de domination qui s'exercent sur les femmes existent sous toutes les latitudes, mais créent-elles pour autant des situations géopolitiques ? C'est à cette question délicate que les auteurs de ce numéro tentent de répondre.
Après plus de vingt ans d'existence, Hérodote publie son premier numéro sur les Etats-Unis et s'interroge sur l'état de la nation américaine.
Essentiellement constituée d'immigrés, celle-ci a montré et montre encore une forte capacité d'intégration, mais elle est aussi profondément raciste et xénophobe. Et depuis quelques années, le débat sur l'identité américaine et la question raciale s'est de nouveau radicalisé, traduisant une aggravation des tensions géopolitiques internes.
Si les représentations de la nation furent toujours diverses, du melting pot au multiculturalisme, celles-ci s'opposent de plus en plus fortement.
Ainsi, l'aggravation de la situation économique et sociale d'une partie de la population noire marque l'échec de la politique " des ségrégations " amorcée dans les années soixante : elle accentue, d'une part, le racisme des classes moyennes blanches, hostiles à toute aide à ces " éternels assistés " jugés trop coûteux ; et, d'autre part, celui d'une partie des Noirs, convaincus de l'impossible égalité et intégration au sein de la population américaine, les plus extrémistes comme Louis Farrakhan réclamant un développement séparé.
A cela s'ajoutent les rivalités politiques et territoriales entre minorités ethniques noire, hispanique et asiatique liées à l'arrivée massive et continue des Latinos et à celle plus récente des Asiatiques.
Souvent utilisé de façon métaphorique (« pillage du tiers monde », « pillage de l'Afrique »), c'est dans le sens classique du terme que le pillage est d'actualité, à savoir un acte de guerre avec vols massifs, destruction, fréquemment accompagné du viol des femmes des vaincus. Qu'il s'agisse d'affrontements internes entre tribus destinés à garder ou conquérir le pouvoir, de piller les richesses minières, qu'il prenne une connotation géopolitique au nom de la lutte contre le néocolonialisme des multinationales, la misère et la désorganisation sociale en sont dans tous les cas le terreau.
Quant à la piraterie, elle est également en forte hausse. La piraterie contemporaine est lourdement armée et s'attaque aux navires de commerce comme aux bateaux de plaisance. Si la forte augmentation du trafic maritime et la pauvreté sont les principales causes de la piraterie, celle-ci ne peut néanmoins se développer que dans certaines conditions. Le butin doit pouvoir être mis à l'abri rapidement, ce qui suppose des zones peu contrôlées, voire de non-droit, ce qui est le cas dans des États confrontés à de graves troubles politiques et pour lesquels combattre la piraterie n'est pas une priorité. Ce numéro d'Hérodote évoque enfin l'existence de nouvelles formes du phénomène, telles la biopiraterie ou celle du cyberespace, même si ces appellations sont plus métaphoriques