Filtrer
Support
Langues
Jean Luc Marion
-
Ce volume rassemble quatre essais parmi les plus significatifs et connus de Jean-Luc Marion, publiés entre 1977 et 2018, et un inédit en français, L'Apparition de l'invisible. Ils portent tous sur deux questions privilégiées : Dieu et l'amour.
Mais ces deux questions dépendent d'une interrogation, plus large, plus évidemment actuelle - celle du nihilisme. Depuis que Nietzsche a annoncé, à la fin du XIXe siècle, que le nihilisme campait aux portes de l'Europe, nous avons constaté non seulement qu'il a franchi ces portes et occupe toute la vieille Europe, mais surtout - l'Europe elle-même ayant aussi envahi le reste du monde - qu'il règne désormais universellement. Comment ce règne s'accomplit-il ? Nietzsche l'identifiait au triomphe du nihilisme - situation où " les plus hautes valeurs se dévalorisent ". Heidegger a radicalisé cette analyse en voyant le nihilisme comme le manquement de l'être, comme l'enfermement du monde dans la logique impérialiste de l'arraisonnement technologique. Nous y sommes, sans doute pour longtemps encore.
Déchirer le nuage mortel du nihilisme est possible en considérant d'abord la question de Dieu et ensuite la question de l'amour.
Ces deux mouvements, avec les paradoxes qu'ils impliquent et imposent peut-être comme des épreuves, se rejoignent pour ouvrir une ultime figure de la distance : celle où un autrui d'exception révélerait la distance même de Dieu.
L'Idole et la distance révolutionna à sa parution la pensée théologique traditionnelle en bousculant la " mort de Dieu " énoncée par la métaphysique. Prolongée dans Dieu sans l'être, Prolégomènes de la charité et Le Phénomène érotique, la manière de " penser Dieu " que développe le philosophe chrétien se montre ici dans une évidence qui s'impose encore : dans la distance de Dieu, qui est une proximité nouvelle pour l'homme. Cette distance se parcourt avec l'amour, un élément jusque là considéré secondaire par la philosophie, auquel Jean-Luc Marion confère le statut de question centrale, de véritable concept qui se déploie avec rigueur et logique, à l'instar de tout concept philosophique, mais possède cette qualité singulière : il est à l'origine de tout et condition de l'impossible rendu possible. -
Qu'est-ce que la philosophie ? Cette question, chaque génération de philosophes débutants doit se la poser. Mais, comme les réponses théoriques divergent trop pour convaincre, il vaut mieux se demander comment se pratique la philosophie. Et de ce point de vue, les choses s'éclairent. En trois directions.
D'abord, on ne peut, au contraire des sciences positives, pratiquer la philosophie sans pratiquer, en profondeur, l'histoire de la philosophie, dans ses textes et selon ses langues : pour atteindre les choses mêmes, il faut les voir, et on ne peut rien voir si l'on manque des mots pour le dire. Ces mots, encore faut-il les apprendre.
Ensuite, ces mots pour voir, ont pris, pendant plusieurs siècles, une figure dominante devenue un standard sous le titre de métaphysique. Cette figure a une origine, une constitution, des principes et, elle le proclame elle-même, des limites. A l'intérieur de ces limites elle triomphe toujours, et encore aujourd'hui. Mais, en vertu de ces limites, elle ne comprend que ce qu'elle rend objectif, que ce qu'elle parvient à constituer comme un objet. Or nous savons par expérience pouvoir connaître des choses qui ne se réduisent pas en objets. Nous sommes entrés dans de nouveaux espaces.
A la fin, pour les explorer, il faut donc doubler et dedoubler la métaphysique. En fait, la philosophie vraiment créative ne pense plus, au moins depuis Nietzsche et Heidegger, dans les limites de la pure métaphysique - même si elle n'en a pas toujours une claire conscience. Fixer les modes d'une pratique post-métaphysique de la philosophie, la phénoménologie l'a déjà entrepris. A condition de redoubler aussi la phénoménologie elle-même.
J.-L. M. -
Jean-Luc Marion Le Phénomène érotique « L'amour, nous en parlons toujours, nous l'expérimentons souvent, mais nous n'y comprenons rien, ou presque. La preuve : nous le déchirons entre des contraires - eros et agapé, jouissance brute et charité abstraite, pornographie et sentimentalisme. Il en devient absurde ou insignifiant. L'explication : la philosophie nous a persuadés de l'interpréter à partir de la conscience de soi, comme une variante, dérivée et irrationnelle, de la claire pensée. Il se rabaisse au rang de la «passion», maladive, irrationnelle, toujours douteuse.
Je conteste ici ce verdict. L'amour ne dérive pas de l'ego, mais le précède et le donne à lui-même. On doit donc tenter de décrire les figures de la conscience à partir de cette situation originaire : la nécessité absolue qu'on m'aime et mon incapacité radicale à ne pas me haïr moi-même ; mon avancée unilatérale dans le rôle de l'amant ; le serment entre les amants qui fait surgir le phénomène érotique, unique et pourtant commun ; l'échange où chacun donne à l'autre la chair érotisée, que lui-même n'a pas, mais qu'il reçoit en retour ; l'acte sans fin, et pourtant toujours fini, de s'avancer chacun dans l'autre sans résistance.
L'amour, dans toutes ces figures, ne se dit et ne se fait qu'en un seul sens. Le même pour tous, Dieu compris. Car l'amour se déploie aussi logiquement que le plus rigoureux des concepts. » J.-L. M.
-
-
« On peut invoquer, bien sûr, « l'âme de la France», même si l'on ne croit plus guère sans doute à la réalité de sa propre âme à soi. Mais si, comme responsable politique, l'on prend ce risque, il faut mesurer ce que l'on dit et surtout ce que l'on ne peut pas dire. Seuls les chrétiens, donc d'abord les catholiques, peuvent mettre en jeu leur âme dans la communauté française, parce qu'eux seuls savent ce que c'est que de la donner, pour donner une communion à une communauté, qui, sans eux, ne serait plus une et indivisible. Il se pourrait que, contre toute attente et toutes les prédictions des sages, des experts et des élites supposées, nous allions au-devant d'un extraordinaire moment catholique de la société française. Ou plutôt, il se pourrait qu'un tel moment, décidément hors de portée du pouvoir et de la rationalité positiviste de la politique contemporaine, constitue la seule option raisonnable qui nous reste, tandis que nous nous approchons du coeur du nihilisme... » Y a-t-il un « destin catholique » dans la France actuelle ? Faut-il parler de laïcité ou de séparation ? Peut-on penser « l'utilité de la communion » ? N'ayez pas peur, disait Jean-Paul II au balcon de l'histoire ; N'ayez pas peur de nous ! affirme Jean-Luc Marion, qui nous offre une méditation littéraire et philosophique, une traversée politique sans équivalent dans le monde actuel.
-
« Des révélations, nous en avons tous eu : tranchant sur l'insignifiance quotidienne, elles seules, inoubliables, décident de notre vie réelle. Mais nous ne savons pas ce que signifie une révélation, parce qu'elle ne peut ni se commander ni se reproduire, donc jamais s'objectiver. Ainsi restons-nous muets devant ce qui nous caractérise le mieux. Les ignorant, nous nous ignorons. Ce livre voudrait nous les rendre accessibles.
Le lieu privilégié de la révélation se trouve dans ce que la tradition juive et chrétienne a reçu et médité à partir des deux Testaments. Nous y sommes donc allés voir, malgré leur technicité et les limites de toute science.
Pourtant il faut d'abord déconstruire, car aucun terme biblique ne correspond exactement au concept moderne de Révélation. Plus étonnant encore : ce terme ne s'est imposé que tardivement (Thomas d'Aquin) dans l'opposition de la connaissance rationnelle à connaissance inspirée de Dieu. La modernité (les Lumières jusqu'à Kant) n'eut donc aucun mal à récuser la Révélation biblique au nom de sa trop étroite appréhension de la rationalité.
Puisque les théologiens modernes ont maintenu le terme de Révélation sans le re-penser à fond, il fallait tenter de le redéfinir à partir de la phénoménalité. Car les textes bibliques offrent d'abord et surtout des récits de phénomènes, à la fois simples et hors du commun : manifestations, apparitions, signes et miracles, éblouissements, des ténèbres obscures et une Résurrection. On peut par principe les récuser comme des fables, mais en stricte philosophie et phénoménologie tout ce qui se manifeste doit, avant qu'on juge de son (in-) existence, se décrire.
D'où l'essai de décrire ce que les textes bibliques proposent obstinément à voir. Ainsi s'est ouverte une nouvelle définition de la connaissance : non plus accepter ce que l'on a d'abord cru comprendre, mais voir (on non) ce que d'abord on accepte (ou refuse) de recevoir, en renversant l'ordre de l'entendement et de la volonté. Ce qu'Augustin a thématisé d'une formule : « On n'entre dans la vérité que par la charité ».
Et alors, même l'être et le temps peuvent se recevoir comme ils se donnent : non dans la clôture de notre monde, mais comme un don d'ailleurs. Car c'est dans cet ailleurs que nous vivons, respirons et même sommes. »J.-L. M. -
-
étant donné ; essai d'une phénoménologie de la donation (2e édition)
Jean-Luc Marion
- Puf
- Quadrige
- 14 Septembre 2013
- 9782130624813
La démarche de l'auteur est, premièrement, de décrire le phénomène réduit à sa donation puis, dans un second temps, de redéfinir le don, contre son interprétation économique, à partir de la pure donation, afin de déterminer les caractères du phénomène comme un strict donné ; enfin, de distinguer les degrés de donation du donné. Étant donné constitue ainsi le premier élément d'un triptyque formé par Réduction et donation (Puf, rééd. 2004), complété et commenté par De surcroît, études sur les phénomènes saturés (Puf, rééd. 2010).
-
Au lieu de soi ; l'approche de Saint Augustin
Jean-Luc Marion
- Puf
- Epimethee
- 15 Septembre 2008
- 9782130544074
Saint augustin ne parle pas la langue "grecque", ni celle des philosophes, ni même celle des pères de l'église.
Il ignore la moderne distinction entre théologie et philosophie, n'entendant en cette dernière que l'amour de la sagesse, donc de dieu et du christ. il n'appartient pas à la métaphysique, du moins entendue en son sens littéral et historique, le seul digne de discussion. et c'est pourquoi sa pensée reste toujours controversée et incertaine, d'autant plus que progresse l'érudition et les interprétations - parce qu'on lui a imposé, consciemment ou non, des lectures métaphysiques qui lui faisaient violence, ou parce qu'au contraire son étrangeté résistait à la métaphysique.
Il se pourrait donc qu'aujourd'hui il nous précède, nous qui sortons à peine de la métaphysique, lui qui n'y est sans doute jamais entré. il faut donc le lire à partir de ses propres critères et intentions: en l'occurrence à partir de ce qu'il nomme la confessio - parler une parole non pas produite, mais reçue et, une fois écoutée, rendue, afin de ne pas tant parler de dieu, que parler à dieu, soit dans l'aveu des fautes, soit surtout dans la louange (chap.
Ii. a partir de cet écart originaire à l'intérieur de la parole, il devient possible, inévitable plutôt, d'envisager l'accès à soi et son aporie. car, ici, la certitude d'exister conduit (au contraire du cogito cartésien) à l'inconnaissance de soi. l'habite précisément hors du soi: dans la mémoire (l'immémorial, plus encore que l'inconscient) (chap. ii). ainsi j'habite dans le découvrement non pas théorétique mais érotique de la vérité, qu'il faut aimer pour la connaître (chap.
Iii). ainsi j'éprouve, au moment d'aimer (ou de haïr) la vérité, l'indisponibilité de ma propre volonté à elle-même et mon exposition incessante à la tentation (chap. iv). l'altérité du soi à soi ne pourra jamais se dépasser, mais elle peut se penser. il faut pour cela identifier l'écart qui fait de je son autre le plus proche, mais le plus définitif. cet écart se déploie dans l'événement du temps lui-même, oú ce que je suis se déploie précisément et inéluctablement dans la distance, la distraction et l'écart l toute la difficulté consiste alors à user cette distance comme d'un élan hors de soi, non comme une dispersion en soi (chap.
V). l'écart ambivalent de sa temporalité assigne en fait le soi à sa finitude, ou plus exactement à son statut de créature (chap. vi): en tant que tel, l'homme n'a pas d'autre essence ni définition que sa référence à dieu, que son statut d'image renvoyée à la ressemblance de dieu. ce qui prend la place du soi, à savoir ce renvoi même à l'image et ressemblance, ne l'abolit donc pas, mais le reconduit à son lieu unique - à plus que soi, autre que soi, mais plus soi que soi, interior intimo meo.
A moins que cet excès sur soi, le soi de l'homme ne trouve pas de lieu oú se poser.
-
à vrai dire : une conversation avec Paul-François Paoli
Jean-Luc Marion
- Cerf
- 12 Mai 2021
- 9782204139939
Pourquoi Dieu sans l'être ? Que nous dit Éros sur l'amour et le don ? Qu'est-ce que la Révélation ?
Que signifie philosopher aujourd'hui au regard de la Bible et de la théologie, de la poésie et de la littérature ?
Pourquoi faut-il en finir avec la métaphysique ? Comment repenser Descartes et Husserl, réviser Nietzsche et Heidegger, relire Levinas et Derrida ? Quelle langue neuve peut dire l'invisible, l'inouï, l'inattendu ?
Qu'est-ce que le nihilisme ? En quoi éclaire-t-il l'époque ? Où va le monde ? Où en est l'Église ? Que penser du déclin de l'Amérique, du réveil de l'islam ? Quel avenir ont la France et l'Europe ?
Pourquoi l'Évangile reste-t-il plus que jamais d'actualité ?
Telles sont, parmi d'autres, les questions de Paul-François Paoli auxquelles Jean-Luc Marion a consenti à répondre au cours de cette libre conversation comme le siècle n'en connaît plus guère.
De la rue d'Ulm et de la Sorbonne à l'université de Chicago et à Rome, de l'aventure de Communio à l'engagement antitotalitaire, sur fond de rencontres et de portraits, d'enjeux et de combats, ce sont la clé d'une destinée et la fabrique d'une pensée qui, ici, se dévoilent. Celles du philosophe français vivant le plus lu, le plus commenté et le plus traduit au monde.
Une démonstration éblouissante de l'intelligence en acte. Une invitation, surtout, à l'espérance. Un antidote au malaise contemporain.
-
La peinture à l'oeil signifie à la fois une peinture gratuite et une peinture qui représente ce que l'artiste voit. Cet essai montre Courbet comme un artiste révolutionnaire et moderne.
-
Presque vingt ans après sa parution, Étant donné (Puf, 1997), au-delà des premiers débats, a imposé la question du donné et de la donation. Reprise du donné prolonge ces nouvelles interrogations.
D'abord la question de la réduction : définit-elle vraiment le principe dernier de la phénoménologie ? Si tel était le cas, la formule « autant de réduction, autant de donation » peut-elle se justifier (en discussion avec la critique de Michel Henry) ?
Ensuite la reconnaissance du donné comme instance première et dernière de la phénoménalité peut-elle encore faire droit à l'herméneutique (en discussion avec Hans-Georg Gadamer) ? Dans ce cas, comment se déplie le pli de la donation avec la manifestation ?
Et encore, le monde peut-il se manifester comme l'un des phénomènes donnés, et même comme la totalité du donné ? Ou ne faut-il pas lui reconnaître une donation par exception, celle de la possibilité de toute donation (sur la ligne de Jan Patocka) ?
Enfin, la reprise du phénomène à partir de la donation n'impose-t-elle pas de substituer décidément au modèle de l'objet, constitué à l'identique et pour lui, celui de l'événement, qui surgit à partir de soi seul, sans cause ni a priori (en faisant droit à Claude Romano) ? - See more at: https://www.puf.com/content/Reprise_du_donn%C3%A9#sthash.lCsB0zXt.dpuf
-
Après avoir parcouru la théorie de la connaissance cartésienne (Sur l´ontologie grise de Descartes, Vrin, 1975), reconstitué sa doctrine métaphysique du fondement (Sur la théologie blanche de Descartes, Puf, 1981) et articulé sa double onto-théo-logie (Sur le prisme métaphysique de Descartes, Puf, 1986), on entreprend ici de réintégrer dans ce développement les questions, encore obscures et souvent laissées à part de l´ensemble, de la morale et des passions. Cette intégration dépend de la découverte du mode passif de la cogitatio, tel qu´il apparaît dès la VIe Méditation, anticipant d´ailleurs sur le concept phénoménologique de chair (Husserl, Henry). C´est à partir de ce « corps mien », « meum corpus » que se déploient en toute cohérence une morale et une union substantielle de l´âme avec le corps qui livrent vraiment les derniers fruits de la métaphysique cartésienne.
-
Sur la théologie blanche de Descartes (2e édition)
Jean-Luc Marion
- Puf
- Quadrige ; Essais Debats
- 4 Novembre 2009
- 9782130575986
Descartes déploie donc une théologie, pour satisfaire à l'instance théiologique de sa métaphysique, bref pour assurer un fondement à l'ontologie grise.
Cette théologie, nous la qualifierons de théologie blanche. Blanche parce que anonyme et indéterminée, comme un blanc-seing, qui qualifie son bénéficiaire sans spécifier pour quelle entreprise, ou comme un chèque en blanc, qui ne précise pas le montant du crédit que pourtant il accorde. La théologie de la méta-physique cartésienne reste blanche d'abord parce que son bénéficiaire (ou son porteur) reste, finalement, anonyme.
Jean-Luc Marion
-
L'interprétation des Regulae ad Directionem Ingenii soulève un problème spécifique. La plupart des critiques ont tenté de le comprendre à partir de la problématique du Discours de 1637. D'où d'évidentes impasses, puisque les concepts originaux des Regulae, précisément, disparaissent dans le moment postérieur qu'ils ont rendu pourtant possible. Il restait une voie : déterminer les Regulae comme un dialogue avec un interlocuteur jamais nommé, avec lequel la pensée du jeune Descartes, à l'aurore d'elle-même, devait s'expliquer pour devenir cartésienne; cet interlocuteur, c'est Aristote.
En retrouvant les textes aristotéliciens qu'interrogent chacune des Regulae on dégage une polémique. Elle contribue déjà à éclairer le point de départ de la doctrine cartésienne de la science. Mais il y a plus : l'épistémologie ne s'établit pas en réfutant une autre épistémologie, mais en récusant l'ontologie d'Aristote. Descartes conquiert donc, avec son épistémologie, rien moins qu'une ontologie, ontologie grise, parce qu'elle ne s'avoue pas comme telle.
-
Cette somme d'interventions au fil des circonstances montre la face cachée de l'oeuvre du grand philosophe français de réputation internationale : une magistrale façon inactuelle de traiter de l'actualité.
Avec Paroles données, J.-L. Marion reprend quarante entretiens sur une trentaine d'années, tenant parole sans se dédire. Il s'agit, en les rassemblant, de défendre l'art de la conversation contre les idéologies qui transforment le débat public en champ de ruines. Mais aussi de se faire une idée assez juste de son parcours. Les Rétrospections livrent une auto-interprétation où les livres se relient dans un projet au fur et à mesure plus conscient de lui-même. Dans De la philosophie, on sonde cette discipline sur les points où elle se met en crise. Dans De l'amour, il s'agit de retrouver la puissance de cette " raison merveilleuse et imprévue " (Rimbaud), à peine aperçue par la philosophie. Dans De quelques penseurs, on esquisse les figures les plus significatives, donc d'abord Heidegger et Levinas. Dans De la situation des chrétiens, ce que l'on dit en tant que chrétien s'adresse cependant à tous puisque, par définition, le catholicisme a vocation à l'universalité. Enfin, on ajoute des contributions à la revue Le Débat, diagnostiquant un parcours au sein de l'époque du nihilisme. -
Descartes sous le masque du cartésianisme Tome 3 ; questions cartesiennes
Jean-Luc Marion
- Puf
- Epimethee
- 5 Mai 2021
- 9782130585787
L'interprétation de la pensée cartésienne résulte toujours, comme il est normal, du rapport entre ses textes et les préjugés de ses lecteurs. En conséquence, certains points décisifs restent toujours voilés par les divers " cartésianismes " dont l'historiographie les a recouverts. On tente ici de dégager successivement le statut positif du scepticisme, le caractère non substantiel (ni réflexif) de l'ego cogito, la complexe élaboration de l'idée d'infini, le rôle de l'estime comme mode de la cogitation, etc.
On compare aussi les thèses cartésiennes authentifiées avec leurs interprétations, critiques ou partisanes, chez ses interlocuteurs contemporains (Pascal, Hobbes, Spinoza, etc.). Il résulte de ces enquêtes que Descartes n'appartient pas moins à notre avenir qu'à notre passé.
-
Les phénomènes apparaissent-ils toujours selon la calme adéquation en eux de l'intuition avec la signification, voire, plus souvent, avec un déficit d'intuition ? Ou bien certains les phénomènes saturés n'apparaissent-ils pas plutôt grâce au surcroît irrépressible de l'intuition sur tous les concepts et toutes les significations que l'on voudrait leur assigner ?
Cette question avait surgi du principe « Autant de réduction, autant de donation » (dans Réduction et donation. Recherches sur Husserl, Heidegger et la phénoménologie, 1989) et conduit à dégager la donation, telle qu'elle déplie ce qui se donne et ce qui se montre (avec Étant donné. Essai d'une phénoménologie de la donation, 1997).
Reste, une fois ces acquis répétés, à étudier en eux-mêmes chacun des quatre types de phénomènes saturés : l'événement (saturé selon la quantité), l'idole ou tableau (saturé selon la qualité), la chair (saturée selon la relation) et enfin l'icône ou visage d'autrui (saturé selon la modalité). Il devient alors pensable d'étudier leur combinaison dans ce qu'on doit thématiser comme un phénomène saturé à la puissance, un paradoxe des paradoxes le phénomène de révélation. En l'occurrence, il s'agit de comprendre (contre une féconde critique de J. Derrida) les trois moments de la théologie mystique (affirmation, négation, hyperbole) non seulement comme l'accomplissement d'un phénomène saturé exemplaire, mais encore comme la répétition de toute phénoménalité de l'excès.
De surcroît donc. Parce qu'il s'agit de l'excès du donné qui se montre. Parce qu'il s'agit aussi de l'exposer une nouvelle fois.
-
« Je tenterai de reconstruire l'itinéraire de mon travail, en rassemblant ses diverses régions, histoire de la philosophie, phénoménologie, théologie [...]. Me frappe aujourd'hui rétrospectivement la cohérence de l'ensemble, que dominent la question de l'événement, l'approche de la présence à partir du présent entendu comme un don. Ce qui importe toujours advient. Ainsi se dégage la rigueur, mais la rigueur des choses, non celle que nous leur imposons, ou imaginons pouvoir leur imposer. » Jean-Luc Marion revient ici sur les grandes figures qui ont marqué sa vie (Ferdinand Alquié, Hans-Urs von Balthasar, Jean Beaufret, Louis Bouyer, Jean Daniélou, Jacques Derrida, Michel Henry, Emmanuel Levinas, Jean-Marie Lustiger, et d'autres). Il évoque les grandes étapes et les grands dossiers de son travail, et rend compte de la dynamique de sa recherche. Penseur phare du catholicisme français et co-fondateur de l'édition francophone de la Revue catholique internationale Communio (1975-), il apporte pour finir un éclairage original sur l'état de l'Eglise et sur le dialogue judéo-chrétien.
Ces entretiens, remarquablement menés par Dan Arbib, constituent la première introduction en français à son oeuvre.
Portrait de Jean-Luc Marion par Jean-Luc Bertini © Flammarion
-
Selon le mot de Heidegger, quand il s'agit de phénoménologie, la possibilité va au-delà de l'effectivité. Ce qui ne signifie pas seulement que le nouveau commencement de la philosophie qu'inaugurent les Recherches logiques ouvre à la « percée » de Husserl - penser le phénomène en tant qu'il se donne et comme il se donne -, mais aussi que la méthode de la réduction peut et doit se déployer jusqu'à son terme, sans aucune limite.
Mais Husserl exerce la réduction à partir du seul Je transcendantal et exclusivement en vue de l'objectité de l'objet, au point de ne pouvoir vraiment penser la différence entre le mode d'être de l'objet et celui de la « région conscience ». Heidegger radicalise au contraire la réduction à partir du Dasein, moins constituant qu'exposé au monde, et en vue de la question de l'être, au point que la différence ontologique devienne le phénomène par excellence. Mais, justement, l'analytique du Dasein atteint-elle jamais, du moins selon la stricte rigueur phénoménologique, l'être comme un phénomène ? Produit-elle jamais la différence ontologique comme un donné véritable ? On tente de démontrer que, de fait, Sein und Zeit n'y parvient pas - d'où son achèvement essentiel.
-
-
Philosophie de Jean-Luc Marion : Phénoménologie, théologie, métaphysique
Jean-Luc Marion
- Hermann
- 17 Mars 2015
- 9782705689896
L'oeuvre de Jean-Luc Marion de l'Académie française s'est progressivement imposée sur la scène philosophique française et internationale depuis plus de trois décennies.
Lorsqu'il récapitule son itinéraire de recherche, J.-L. Marion distingue trois « moments » : les études cartésiennes, la phénoménologie et la théologie. De nombreux travaux, plusieurs thèses de doctorat lui ont été déjà consacrés dans ces différents champs où son oeuvre continue de s'élaborer, suscitant l'admiration, mais aussi, le plus souvent en raison de sa haute exigence conceptuelle, certaines incompréhensions. Le présent ouvrage, issu d'une séance publique de débats et intégrant les « réponses » du principal intéressé, n'a pas pour seule ambition de lever
celles-ci. Ce collectif, réunissant d'éminents spécialistes de J.-L. Marion, engage un dialogue direct avec l'auteur, interrogeant l'une des pensées philosophiques les plus fécondes de notre temps. -
Figures de phénomenologie ; Husserl, Heidegger, Levinas, Henry, Derrida
Jean-Luc Marion
- Vrin
- Bibliotheque D'histoire De La Philosophie
- 4 Avril 2012
- 9782711624225
Dans le triptyque, ouvert par Réduction et donation. Recherches sur Husserl, Heidegger et la phénoménologie, assuré dans Étant donné. Essai d'une phénoménologie de la donation et complété avec De Surcroît. Études sur les phénomènes saturés, nous avons procédé assez globalement pour qu'on nous permette ici de rassembler après-coup certains des travaux qui l'ont préparé et qui ont pris une importance renforcée lorsqu'il se fut agi de prolonger la phénoménalité de la donation par la description du phénomène érotique (Le phénomène érotique) ou de l'appliquer herméneutiquement à une oeuvre théologique (Au lieu de soi. L'approche de saint Augustin).
Ainsi reconnaîtra-t-on ici des recherches historiques sur le dépassement de l'horizon de l'objectité du phénomène imposé par la notion, nécessaire mais d'abord incomprise, de donation, où Husserl et Heidegger ont repris et enfin abordé de front ce qui, pour tous les néo-kantiens, restait une pierre d'achoppement. Puis on trouvera deux moments d'une discussion avec Emmanuel Levinas, commencée dès L'idole et la distance et les Prolégomènes à la charité mais restée en suspens, sur la légitimité de recourir à l'amour comme à un concept. Deux autres débats furent aussi essentiels, tant Henry et Derrida ont conduit plus avant dans la compréhension des questions de l'invisibilité phénoménale et de l'impossibilité comme une ouverture. Enfin les trois dernières études, en discussion serrée avec tous, fixent l'accès au soi par autrui, l'émergence du tiers comme second autrui accomplissant l'évasion hors de soi, et à la fin l'irréductible par excellence, celui que toute réduction atteste négativement. -
Questions cartesiennes ii. sur l'ego et sur dieu
Jean-Luc Marion
- Puf
- Epimethee
- 5 Octobre 2021
- 9782130830481