En 1973, un journal de Trelew, en Patagonie, organise un numéro spécial pour fêter son cinquantième anniversaire. Chaque journaliste doit retrouver un événement mémorable de 1923 et en faire la chronique. Verani, journaliste sportif, choisit le combat de boxe historique entre Luis Angel Firpo, un Argentin surnommé le Taureau sauvage des Pampas, et Jack Dempsey, Américain, champion du monde. Le combat pour le titre mondial des poids lourds a lieu à New York et une erreur de l'arbitre, alors que l'Argentin avait envoyé l'Américain dans les cordes, permet à Dempsey de gagner. Le journaliste des pages culturelles, Ledesma, choisit de raconter le concert donné au théâtre Colón par l'orchestre philarmonique de Vienne, dirigé par Richard Strauss, où ce soir-là fut jouée pour la première fois en Argentine la Première Symphonie de Gustav Mahler. Le roman se structure ainsi autour des dix-sept secondes durant lesquelles Jack Dempsey fut envoyé hors du ring par Luis Angel Firpo, et de deux personnages antagoniques : Verani et Ledesma. Le premier est un pauvre crétin inculte et le second un homme instruit. Leurs discussions sur la boxe et l'engouement des foules pour le sport d'une part, la musique comme art suprême et la relation Strauss/Mahler d'autre part, servent au narrateur à réfuter l'idée très postmoderne qu'il n'y a pas de réelles frontières entre la culture élitiste et la culture de masse. Un mort retrouvé pendu dans une chambre d'hôtel ce même jour de 1923 - et qui, dans la presse, ne fait l'objet que d'une brève - obsède Verani, le journaliste sportif, ouvre une histoire policière dans le roman et alimente les discussions entre Verani et Ledesma, dont le thème central devient celui de l'invasion des médias. Verani avance l'hypothèse que l'homme de l'hôtel s'est suicidé ou a été tué parce que le combat Firpo/Dempsey ayant soulevé l'enthousiasme de l'Argentine tout entière, le pauvre n'aurait pu supporter la défaite du boxeur argentin. Ledesma se demande jusqu'où il est possible de se soustraire à l'influence des médias, le sport comme spectacle étant une aliénation dont s'est bien servi le fascisme.
Buenos Aires, juin 1978. Un conscrit lit le message téléphonique qu'il doit transmettre de toute urgence au capitaine Messiano, le médecin militaire dont il est le chauffeur, parti assister à un des matchs de la coupe du monde de football. Il s'agit d'une question terrible, brutale, posée par un autre médecin militaire, et dont dépend la vie d'une prisonnière et de son bébé. Après avoir corrigé une faute d'orthographe et soucieux de bien accomplir son devoir, le conscrit parcourt la ville à la recherche de son chef pour qui il s'est pris d'affection et dont il admire les valeurs morales d'ordre et d'obéissance. Le contenu de la question posée n'éveille en lui aucune interrogation,de même qu'il reste aveugle à la violence qui règne en dehors des murs du stade où se déroule la fête sportive. et sourd à un autre message, celui de la prisonnière qui le supplie d'alerter sa famille et un avocat.Construit comme une froide mécanique mathématique, le roman de Martin Kohan est un des plus grands textes littéraires jamais écrits sur ce qui conduit un individu ordinaire à intérioriser la violence politique et à prendre parti pour la répression.
Une tension narrative extrême, une écriture sobre et froide, un lieu clos, caractérisent ce roman très fort et très dérangeant qui dénonce l'intromission de la morale fasciste dans la vie quotidienne de l'Argentine à l'époque de la dictature militaire.Le Colegio Nacional de Buenos Aires, lieu de formation des futures élites du pays, était à l'époque connu pour sa rigueur disciplinaire et sa cruauté psychologique. Il était censé préserver les élèves de tout ce qui se passait hors de ses murs. Le roman se centre sur deux personnages : Maria Teresa la jeune surveillante, timide, ignorante, à la sexualité réprimée, qui vit avec sa mère et dont le frère a été mobilisé pour être envoyé aux Malouines, et son supérieur hiérarchique M. Biasutto, implacable maître des cérémonies, dont on comprend au passage qu'il a organisé des listes noires (pendant la dictature plusieurs élèves de ce collège ont disparu). Maria Teresa, qui admire Biasutto, va s'efforcer d'appliquer les consignes à la lettre et croyant percevoir une vague odeur de tabac sur un de ses élèves, s'enferme dans les toilettes des garçons pour tenter de le piéger et de le dénoncer. Peu à peu elle prend plaisir à espionner les élèves, à les écouter uriner, à uriner en même temps qu'eux, à tenter de voir leur sexe, toujours dans l'obsession d'en prendre un en flagrant délit de fumer. Jusqu'au jour ou Biasutto la surprend et fait d'elle la victime de ce système qu'elle avait elle-même cautionné sans s'en rendre compte.