Abandonné par sa mère, un enfant se retrouve confié à son vieux grand-père, un paysan vivant seul dans une petite ferme provençale. Depuis cette scène, si simple, Mathieu Belezi réussit à dire la vérité d'un monde. L'indifférence répétée des saisons, la cruauté, l'absurdité des destins, la violence des désirs, le besoin d'amour, tout est là et brûle dans ce bref roman, dont la beauté et la puissance font écho à celles d'Attaquer la terre et le soleil, Prix littéraire du Monde 2022.
Roman sidérant d'une centaine de pages, Le Petit Roi se révèle un chef-d'oeuvre. À l'instar d'oeuvres comme Jeux interdits, Sa majesté des mouches ou encore Les 400 coups, il réussit à dire avec force le vertige de l'enfance, loin de toute mièvrerie. La musicalité et la fulgurance des phrases que déploie ce texte nous font vivre de façon bouleversante l'attente et la désillusion d'un enfant qui n'aspire qu'à être aimé.
Publié une première fois en 1998, et inexplicablement oublié depuis, Le Petit Roi est le premier roman de Mathieu Belezi. Il réaffirme, si cela était encore nécessaire, l'importance de cet écrivain, dont le Tripode entreprend à partir de 2023 la réédition de toute l'oeuvre.
Attaquer la terre et le soleil narre le destin d'une poignée de colons et de soldats pris dans l'enfer oublié de la colonisation algérienne, au dix-neuvième siècle. Et en un bref roman, c'est toute l'expérience d'un écrivain qui subitement se cristallise et bouleverse, une voix hantée par Faulkner qui se donne.
Depuis plus de vingt ans, Mathieu Belezi construit une oeuvre romanesque d'une cohérence étonnante, à la phrase ciselée. La musicalité qui frappe dès les premières lignes d'Attaquer la terre et le soleil fait écho à Le Petit Roi, son premier roman publié en 1998 aux éditions Phébus. Quant à son thème, il renvoie évidemment à sa grande trilogie algérienne, publiée successivement aux éditions Albin Michel (C'était notre terre, 2008) et Flammarion (Les vieux Fous, 2011 ; Un faux pas dans la vie d'Emma Picard, 2015). Est-ce la constance de ce parcours qui explique la fulgurance de ce nouveau roman ? Écrit en quelques mois, Attaquer la terre et le soleil dit en tout cas avec une beauté tragique, à travers les voix d'une femme et d'un soldat, la folie, l'enfer, que fut cette colonisation.
Six membres d'une famille au bord de l'implosion crient leur révolte. Certains veulent encore croire en un monde meilleur quand d'autres veulent dynamiter le mensonge et l'hypocrisie d'une époque sans rédemption possible. Le portrait d'une société qui laisse les égoïsmes l'emporter sur toute idée sociale ou morale
Aux derniers jours du règne colonial, Albert Vandel n'a pas renoncé. Barricadé dans son bordj, il devient fou comme un roi qui se meurt, revivant le temps des pionniers, des conquêtes algériennes, alors qu'il versait le sang pour « civiliser les peuples », « pacifier les territoires ». Pourquoi renoncerait-il, puisque les ors de la République lui ont donné le pouvoir et que les Présidents et autres ministres de la France républicaine ont honoré sa table cent années durant ? Avec ce nouveau roman, Mathieu Belezi, dans une langue prophétique, remue les entrailles d'une mémoire obscène que certains préféreraient oublier.
" Nous allumions des cigares aussi longs que la main, pendant que les mâchoires des lézards se régalaient de l'imprudence des papillons.
Je posais des questions qui nous faisaient tourner en rond. "
" J'ai vu l'enfant courir sur le quai, plonger dans la mer du soir.
Sa chair nue et noire s'est prise un court instant aux rayons du soleil avant de disparaître sous la vague. Je suis resté assis jusqu'à la nuit, dans l'absence de ces bruits de machine qui, ailleurs, saoulent et dévastent. Ne troublait le silence que le remue-ménage des hommes sur la plage, sorte de rauquement fauve et lointain, habituel à cette heure de partage du poisson. J'ai fumé une dernière cigarette, regardé avec calme le village de Sal Rei s'engouffrer dans les ténèbres océanes.
"
Emma Picard et ses quatre enfants se sont installés entre Sidi Bel Abbes et Mascara à la fin des années 1860. Le gouvernement tentait de peupler l'Algérie récalcitrante et offrait aux colons des terres agricoles. L'auteur fait revivre cette période effroyable pour les colons pauvres confrontés à une avalanche de catastrophes naturelles.
Le domaine de Montaigne, quelque part en Kabylie : 600 hectares de collines, de champs de blé, d'orangers, d'oliviers et de vignes. La terre de la famille de Saint-André depuis un siècle Au coeur de ce petit royaume, une maison de maître et ses dépendances entourées de palmiers, d'acacias, de pins et de figuiers.
Six personnages : le père, la mère, les trois enfants (dont un a embrassé la cause du FLN) et la domestique kabyle. Tout au long du roman, leurs voix s'interpellent et se répondent, se prennent pour ce qu'elles ne sont pas, tempêtent, supplient, invectivent des fantômes, se souviennent. Le passé, c'est le quotidien du colon dans sa colonie, cette façon de régner en maître sur un pays qu'il a " fait " et des gens à qui il " apporte la civilisation ". Le présent de ces voix, c'est la difficulté et l'amertume de l'exil dans une France hostile, bien peu disposée à ouvrir les bras. Et c'est aussi la souffrance d'un déracinement insurmontable.
Saga des de Saint-André -avant, pendant et après l'indépendance de l'Algérie-, composé de scènes fortes - guerre, sexe, sentiments exacerbés, haines viscérales-, ce roman, comme ceux de Faulkner, traduit le chaos de la grande histoire, se dit à travers les passions de ceux qui font la petite.
Le souffle qui porte de bout en bout cette saga, la profonde originalité de sa structure polyphonique et de son rythme incantatoire donnent à l'oeuvre un caractère unique : on croit entendre, en la lisant, le chant funèbre des déracinés de tous les temps.
Malgré son désir de revenir dans la normalité, un homme d'une quarantaine d'années s'enfonce davantage dans la misère économique, sexuelle et morale.
Chômeur en fin de droits, divorcé et asthmatique, il ne trouve de courts instants de bonheur que dans un tube de Ventoline ou les visites de sa fille, avec laquelle il s'échappe les dimanches en imitant le vol des oiseaux dans les dunes. Dans un style à la fois réaliste et poétique, Mathieu Belezi évoque les détails quotidiens de cette chute irrémédiable ponctuée de moments de grâce. Mais à travers cette confession d'un médiocre, c'est le miroir à peine déformé d'une société impitoyable qu'il nous renvoie.
Je vole est le roman de la dignité perdue des hommes sans travail et sans amour.
Un homme et une femme.
Un fils et sa mère. Pour elle, il était l'enfant de l'abandon, son unique amour en ce monde. Pour lui, elle représentait la seule femme aimée. Entre eux, c'était à la vie, à la mort. " Je ne devrais pas l'être, et pourtant je suis un assassin ", avoue le narrateur à regret. Comment devient-on meurtrier lorsqu'on est un instituteur sans histoire à Saint-Gabriel ? Romain, avant d'atteindre la quarantaine, a longtemps cherché un père.
Elevé par une mère possessive et frivole, il n'a jamais connu d'autre femme. Mais aujourd'hui Hélène est morte et Romain se retrouve seul. Seul dans la maison maternelle, seul face au vide, seul avec son secret. Pourtant cet été-là au village, sa rencontre avec Françoise va tout bouleverser. Grâce à son amour pour elle, il va enfin se libérer de son terrible fardeau et pouvoir commencer à vivre. Dans ce récit en forme de double confession, Mathieu Belezi tresse le destin de deux êtres liés dans leur chair par le malheur et mus par leur haine du monde.
Avec ce roman, ses personnages prennent place aux côtés de ceux de Simenon ou de Mauriac, dans la cohorte des humiliés et offensés luttant avec rage pour échapper à leur malédiction, mais sans cesse gouvernés par le remords.