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« J'étais sorti de prison depuis cinq ans. J'avais déjà quatre livres publiés et je venais de terminer mon premier courtmétrage, tourné avec l'équipe de La Bande du Rex, dont j'avais coécrit le scénario. J'avais vachement souffert parce qu'on était tenus pour la rédaction des séquences à un cahier des charges qui ne me plaisait pas du tout, mais bon, mon fils venait de naître, j'avais besoin de fric, alors j'avais signé. Pendant les préparations du film, le producteur, qui nous avait invités à manger chez lui, s'est fait cambrioler. "Ça serait pas Nan ?" qu'il a demandé. Encore une fois mon passé me poursuivait. J'ai haussé les épaules et j'ai continué ma route. » Nan Aurousseau poursuit la narration de ses souvenirs entamée avec Quartier charogne. Dans ce récit où la gravité et l'émotion côtoient le comique et le burlesque, on retrouve le monde de la prison, de la démerde, mais on croise aussi François Truffaut, on dîne avec Claude Berri, on boit du Ricard avec Gainsbourg, dans cette autre vie d'Aurousseau, moins connue que celles du taulard et de l'écrivain, celle d'un cinéaste atypique et déterminé.
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À la prison d'Étry, jour du printemps, c'est la mutinerie chez les jeunes détenus de l'unité 221. Au début, il s'agit juste de demander deux heures de promenade, en refusant de réintégrer les cellules. Mais les événements dégénèrent. Et ça fait mal. Policiers à l'hosto, surveillants enragés. La mutinerie est matée par les groupes d'intervention, et les meneurs envoyés au quartier disciplinaire des adultes. Se retrouvent alors en cellule isolée : un jeune braqueur déterminé, mais non dépourvu d'idéalisme ; une graine de mafia capable de tuer avec un stylo ; un étudiant apeuré, qui n'a rien à faire là ; un dangereux illuminé, échappé du quartier de haute sécurité. Face à eux : un sous-directeur un peu dépassé, obnubilé par une vengeance personnelle, un surveillant-chef proche de la retraite et des éducateurs sans moyens.
Là où règne la loi du plus fort, beaucoup tentent de sauver leur peau. Comme partout ailleurs.
Le ciel sur la tête est un roman noir, qui nous plonge avec violence et crudité dans l'univers carcéral. À travers une description saisissante de la prison, il pointe les échecs du pouvoir politique, le manque de moyens des éducateurs, le problème des jeunes en prison. Âpre, sans concessions, c'est un livre profondément humain. -
Cela ressemble à une histoire vraie. Ça tombe bien, c'est une histoire vraie. Enfin, à peu près, puisqu'il s'agit d'un roman, le premier roman de Nan Aurousseau, plombier, chauffagiste, maçon, ferronnier, scénariste et auteur de films. « Douze métiers, treize misères », disait le grand Céline. Après avoir raconté de vive voix à ses amis autour d'une table ses aventures dans le bâtiment, Nan Aurousseau a décidé, un beau jour de chômage, de les coucher sur le papier. Dans une langue qui est la sienne, drue et bouillante à la fois, notre OHQ (ouvrier hautement qualifié) n'épargne personne. Espérons que Dolto, son patron, ne se procure jamais les pages de ce livre, ni Dujardin, ni Louise, commis dans la même entreprise, ni tous les autres qui gravitent autour de lui, architectes, man½uvres, intérimaires. Un jour, Nan Aurousseau a peut-être eu de la chance quand il est allé réparer, par hasard, deux radiateurs chez Jean-Patrick Manchette. Ce matin-là, Manchette lui révèle un secret de fabrication : « Si d'aventure vous voulez écrire, inspirez-vous des vaches : il faut mâcher longuement pour faire du bon lait. » Nan Aurousseau a suivi à la lettre le conseil de l'écrivain, n'oubliant pas au passage d'adopter les règles du polar auquel son premier roman finit par s'apparenter. Écrit et porté par une énergie spectaculaire, Bleu de chauffe ne ressemble décidément à aucun roman du paysage littéraire français.
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« Est-ce que notre enfance est importante pour quelqu'un d'autre que nous-même ? C'est la question que je me suis posée avant d'écrire les premières lignes de Quartier charogne. Pourtant, une fois la première phrase jetée, le reste a suivi. Je ne voulais surtout pas faire un livre sur toute ma vie d'un coup, c'est pour ça que j'ai choisi la tranche de six à quinze ans, de notre arrivée rue des Maraîchers dans le XXe, le quartier Charonne, jusqu'à notre expulsion un matin de juin, quand ils nous ont jetés sur le trottoir, ma mère et nous, les cinq gosses, sans nulle part où aller. J'ai essayé d'être le plus franc possible, ça n'a pas été toujours facile, il y a des choses qu'on préférerait garder secrètes, d'autres qu'on aurait tendance à romancer, on est tenté de faire des petits arrangements avec sa mémoire. J'ai vraiment tout fait pour être au plus près de ce qui s'est passé pendant ces neuf années. » N. A.Et c'est bien comme ça qu'il l'a écrit, ce livre, Aurousseau. Le parler brut et sans fioritures de l'ancien taulard fait revivre le gamin en culottes courtes dans le Paris populaire des années 1950. Tout y est, les couleurs, les senteurs, les marchands de quatre saisons, les petits bals et l'accordéon, les fêtes foraines, les bars et les poivrots, les voyous et les bastons. Quartier charogne est le récit d'une enfance marquée par l'amour d'une mère courage, l'alcool et la violence d'un père raté mais pardonné, le basculement progressif dans la délinquance. Quand on referme le livre, on est un peu triste, on aurait voulu que ça dure encore. On a ri (le braquage de la libraire de la place de la Réunion est un morceau d'anthologie), on a pleuré, et, surtout, on s'est attaché. C'est qu'on n'est pas près de les oublier, le grand Serge, la grosse Josée, le copain Jo, Jacky le Bordelais, Marco, Schtoro, Jojo Lezard et les autres...