À l'aube des temps modernes, le christianisme occidental était une économie du bien-être autant que du salut. La France comptait alors des milliers de sanctuaires à miracles où des foules innombrables venaient chercher un remède aux difficultés de la vie.
Images, statues, reliques, autant de médiateurs d'une puissance divine dont les croyants espéraient une aide tangible. Rien n'était alors moins anecdotique que le surnaturel. Et lorsque vint le temps de la Réforme et des guerres de Religion, il gagna encore en importance. Les catholiques en firent leur arme maîtresse : miracles opérés par les saints et la Vierge, par les reliques et les images, autant de preuves tangibles que Dieu avait choisi leur camp. Pour les protestants, au contraire, ces faits n'étaient rien d'autre que des supercheries, voire des illusions fomentées par Satan pour abuser les hommes et les détourner de la vraie foi. Élevé au rang de révélateur des choix de Dieu, le surnaturel se trouvait ainsi placé au coeur des luttes confessionnelles.
Rompant avec les histoires linéaires qui font du XVIe siècle et de la Réforme une étape majeure dans le processus de rationalisation des croyances religieuses à l'oeuvre en Occident, ce livre donne à voir combien grande était alors l'emprise du surnaturel sur la vie et l'esprit des hommes.
Ce livre est l'histoire d'une erreur qui fut une vérité mille années durant. Petite ville, Chartres a donné naissance à une cathédrale qui fait aujourd'hui toute sa célébrité. Mais elle généra aussi un monument d'un genre différent : un mythe de fondation. Cette cathédrale imaginaire était aussi ambitieuse que son alter ego de pierre puisqu'elle faisait de l'église chartraine le fruit d'une prophétie : instruits de la future naissance d'une vierge destinée à enfanter le rédempteur, les druides carnutes lui élevèrent une statue et l'adorèrent, chrétiens avant même le christianisme. Premiers parmi les peuples des Gaules à être instruits dans la foi, ils furent également les premiers à édifier une église en l'honneur de la Mère de Dieu. Et afin de sceller cette alliance, ils lui envoyèrent une ambassade. Elle leur répondit par une lettre écrite de sa propre main où elle les assurait de son éternelle protection.
Loin d'être une supercherie forgée dans l'ombre d'un cloître, ce mythe était le résultat d'une patiente quête des origines menée par des générations d'érudits tout au long du Moyen Âge et de l'époque moderne. Au début du XXe siècle encore, il avait ses défenseurs. Écrire son histoire c'est retracer les méandres d'une création mythographique étirée sur près d'un millénaire, reconstituer les évolutions et les permanences d'un certain type de rapport au passé mais aussi, et tout simplement, raconter la vie et la mort d'une vérité.Né en 1982, Nicolas Balzamo est docteur en histoire.
Toutes les images ne se valent pas.
Dans le christianisme, comme dans bien d'autres religions, il existe une catégorie d'images créditées d'un statut et de pouvoirs particuliers : les fidèles viennent de loin pour les vénérer, ils implorent leur aide et leur attribuent des prodiges. Initié durant les derniers siècles du Moyen Âge, ce phénomène a marqué de son empreinte l'histoire du christianisme occidental et ses conséquences sont encore perceptibles aujourd'hui.
Comment et pourquoi naît un culte à l'endroit d'une image bien précise ?
Quelles sont les conditions pour que ce culte perdure et quelles conséquences le passage du temps lui fait-il subir? Existe-t-il un déterminisme d'ordre esthétique qui pourrait expliquer le fait que des images, ou des catégories d'images, en viennent à être créditées d'un statut spécifique ? Quel était le rôle de la matérialité des objets dans les phénomènes surnaturels qui leur étaient attribués ? Qu'étaient, aux yeux des croyants, ces icônes, ces tableaux et ces statues qu'ils venaient vénérer et implorer : de simples représentations d'intercesseurs absents ? Des êtres d'un genre particulier ? Des objets chargés d'un pouvoir propre et pérenne ?
En apportant des réponses à ces questions, cet ouvrage offre la première vue d'ensemble d'un phénomène qui a marqué de son empreinte l'histoire religieuse européenne.