Oliver Quintyn articule pragmatisme et théorie critique dans le champ de la théorie littéraire et de la philosophie contemporaine de l'art. Pour ce faire, il met en évidence les préoccupations opérationnalistes et interventionnistes d'un art conçu comme un outil d'émancipation, pourvu de conséquences sociales et collectives.
À l'heure d'un capitalisme mondial hyperfinanciarisé et violemment inégalitaire, ce livre connecte vocabulaire pragmatiste (John Dewey, Richard Rorty, Wittgenstein) et outils de description marxistes (hérités notamment de Walter Benjamin et Theodor Adorno) pour saper la conception fétichiste, spéculative, sublimante et souvent faussement démocratique de l'art, prédominante au sein des institutions et du marché artistique.
Sont ainsi mises à bas les définitions essentialistes (qui situent des propriétés esthétiques «?réelles?» dans des objets), au profit d'une conception opérationnaliste de l'art comme processus collectif d'intervention sur des médiations symboliques. En lieu et place d'une série d'objets figés et consacrés, Olivier Quintyn donne à penser l'art comme «?concept essentiellement contesté?» dont l'action se caractérise par le fait de réagencer, amplifier, redistribuer des processus et capacités présents dans notre environnement social, servant ainsi à refaire de l'intérieur la géographie de nos usages.
Conçu à l'origine comme une postface à la traduction française de La Théorie de l'avant-garde de Peter Bürger, ce livre propose de reconstruire un concept d'avant-garde artistique de nature à s'inscrire dans une théorie critique de l'art contemporain et de ses institutions, intégrées au capitalisme néolibéral. Pour cela, il interroge les valences du concept d'avant-garde, c'est-à-dire ses connexions possibles à d'autres éléments, en examinant la manière dont ce concept s'articule à des ressources émancipatrices actuelles, au-delà des formes historiques qui ont été les siennes (futurisme, dadaïsme, constructivisme) comme des « néo-avant-gardes » de la deuxième moitié du XXe siècle (pop art, minimalisme, art conceptuel).
Si le projet de dépassement de l'art dans la vie qui fut celui de l'avant-garde ne peut être transposé tel quel dans notre culture globalisée, il peut cependant servir d'analyseur de la situation politique de l'art. Utilisant à la fois les instruments de la critique de l'idéologie marxiste (Herbert Marcuse, Theodor Adorno), ceux de l'analyse institutionnelle de René Lourau, et ceux du pragmatisme esthétique (John Dewey, Nelson Goodman), Olivier Quintyn évalue la réussite et les échecs des pratiques artistiques qui visent à critiquer l'« institution Art » (Art & Language, Michael Asher, Tania Bruguera). Il en tire des conséquences sur le plan philosophique, en procédant à une analyse approfondie des définitions institution nelles de l'art d'Arthur Danto et de George Dickie, et de leur caractère paradoxalement conservateur.
À l'opposé d'un certain paradigme post-conceptuel spectaculaire de l'art contemporain, incarné dans les biennales, les foires et les expositions blockbusters (Pierre Huyghe, Anish Kapoor), ces Valences de l'avant-garde esquissent un modèle de critique ou d'analyse transinstitutionnelle où l'art sort délibérément de sa nature instituée pour devenir un laboratoire de formes de critique sociale réinstituante.