Pas une année ne passe sans que le souvenir de Vichy ne fasse irruption dans le débat public et politique. Les éditorialistes comme les politiques utilisent souvent le souvenir de ces quatre années si importantes et mal connues comme marqueur idéologique, ou simplement objet de polémique voire de pouvoir.
Il s'agit ici de comprendre ce que fut le régime du Maréchal Pétain, ses singularités, ses continuités et ruptures, son absence de démocratie, mais aussi les causes profondes de son succès initial auprès de Français épuisés par la débâcle. Ainsi pourronsnous comprendre les fl uctuations de sa mémoire, la fabrique de son histoire et son omniprésence actuelle, même à travers le déni ou les relectures commodes. Car son déroulement comme sa mémoire sont révélateurs des ambivalences du rapport du pays à son histoire et, surtout, de son incapacité à affronter pleinement les brûlures et tragédies de son passé, à l'heure du retour du « roman national ». En cela, Vichy comme sa mémoire fl uctuante sont une histoire très française entre dénis, résilience, amnisties, relectures, instrumentalisation et mythes concurrents.
En ces temps de crise identitaire, alors que toutes les certitudes sont remises en cause par la mondialisation et la crise sociale, il importe plus que jamais d'affronter lucidement ce « passé qui ne passe pas » et ainsi mieux affronter les défi s du siècle nouveau.
De Tarascon à Cherbourg en passant par Lyon, Elbeuf, Yvetot, Angoulême, et même Alger : avec plus de 5 000 kilomètres parcourus entre 1848 et 1870, Louis Napoléon Bonaparte, élu président de la République et devenu Empereur, sillonne l'ensemble du territoire français.
Trajets en train ou bateau, arrivée en fanfare, sonneries de cloches, bruits de troupes, feux d'artifice et bals : aucun détail de ces déplacements n'est laissé au hasard, par celui qui cherche à conforter son pouvoir dans une France à peine sortie de révolutions incessantes où la parole publique peine encore à s'incarner. Ainsi se dessine un populisme autoritaire fondé sur le lien direct entre le chef et son peuple conditionné, que l'on retrouve tout au long de l'histoire - jusqu'aux campagnes présidentielles actuelles.
L'histoire de la «?drôle de guerre?», qui a mobilisé cinq millions de soldats français de 1939 à la défaite de juin?1940, a longtemps été réduite, dans notre mémoire nationale, au Fernandel de La vache et le prisonnier ou aux aventures de la Septième compagnie.
Quatre-vingts ans après cette «?étrange défaite?», les héros de Dunkerque ou de la ligne Maginot, captifs manipulés par Vichy et oubliés dans les Stalags ou Oflags, restent des marginaux de l'histoire officielle.
En étudiant le parcours d'une centaine de ces anonymes ou célébrités et en utilisant les travaux les plus récents, Rémi Dalisson tente de comprendre la fabrique de ce dénigrement commencé dès 1939. Car la République et la société ont préféré les ignorer ou les moquer, malgré leur nombre et leur rôle dans la reconstruction du pays. Tous les moyens étatiques comme l'école, les décorations, les monuments ou les noms de rues, mais aussi la chanson, le cinéma ou la télévision les ont longtemps marginalisés. Cependant, à l'initiative de quelques spécialistes des Memorial Studies et des passionnés d'histoire, les soldats de 1940 semblent enfin sortir de l'oubli.
Les leçons du destin d'une génération méconnue, «?tombée pour la France?», et qui attend encore sa juste reconnaissance.
Cet ouvrage revient non pas sur la guerre d'Algérie (qu'on appelait pudiquement à l'époque "les événements"), il existe sur ce sujet une abondante littérature, mais bien sur la mémoire et les commémorations liés à ce conflit.
Pourquoi cette mémoire reste-t-elle controversée jusqu'à nos jours ? En raison des liens particuliers unissant la France à ce pays, département français depuis 1830 ? Peut-on et doit-on commémorer cette guerre ?
L'auteur apporte son éclairage sur la question en s'interrogeant et en nous interrogeant sur cette "impossible commémoration".
Preuve en est, le choix par le président Hollande du 19 mars, date des accords d'Evian et du cessez-le-feu, qui a fait polémique (la guerre a continué malgré ces accords et ce pendant deux ans encore). La date du 5 décembre avait aussi été avancée, celle du 25 septembre concernant aussi les Harkis.
Ces commémorations officielles de la guerre d'Algérie sont selon l'auteur un excellent moyen pour comprendre le traumatisme que furent ces combats, sa mémoire enfouie et ses non-dits dans un pays aujourd'hui en quête identitaire.
Elles permettent de revenir sur le rapport entre histoire et mémoire et de mieux comprendre comment une nation se construit à travers les lectures et les perceptions de son histoire, mais aussi ses rituels commémoratifs.
Tour à tour instrumentalisée ou mal perçue de la part des Français, cette mémoire est au coeur des débats actuels, comme le rappelle cet essai.
De 1940 à 1944, le régime de Vichy voulut affirmer une autorité sans partage et imposer aux Français un programme réactionnaire et antirépublicain. Il lui fallut mettre en place un appareil de propagande efficace, masquer la réalité d'un pays occupé et d'un régime policier derrière l'image exaltante d'une nation en pleine Révolution nationale. Les fêtes allaient jouer un rôle central dans ce dispositif. Elles résumaient, à elles seules, la doctrine du Maréchal, centrée sur les trois termes de la devise vichyste : le « Travail » (autour du 1er Mai), la « Famille » (avec la fête des Mères) et surtout la « Patrie » (des cérémonies de la Légion française des combattants à la fête de Jeanne d'Arc, en passant par la Quinzaine impériale).
Jusqu'au bout, cette conquête des esprits et des coeurs mobilisa les énergies et attira les foules. Elle donna lieu à plus d'un détournement, à plus d'un geste de contestation implicite ou manifeste. Les fêtes du Maréchal illustrent toute la complexité d'une période dont l'héritage est encore présent dans l'imaginaire français et l'identité nationale.
Il n'est pas en France un village ou une ville qui ne possède un, voire plusieurs monuments aux morts de la Grande Guerre. Tous les ans, le 11 novembre commémore son achèvement et l'on ne compte plus les livres, bande dessinées, films, sites Internet, chansons, colloques, conférences, expositions et documentaires télévisés ou autres consacrés à 14-18, alors que son centenaire bat son plein en France comme ailleurs. Et il n'est pas jusqu'au langage populaire et aux paysages qui n'aient hérité de traces de ce conflit qui marque au fer rouge un pays et ses habitants depuis 1914. La mémoire de la terrible Grande Guerre sourd dans toute la France et son centenaire hante l'imaginaire national, sa mémoire comme son histoire. Le succès de la Grande collecte organisée avec le Centenaire en témoigne régulièrement : chaque famille porte en elle cette mémoire tragique, tout autant que la nation elle-même. Mieux, cette mémoire est une permanence qui n'a jamais disparu du débat national, même aux heures les plus sombres de notre histoire et a provoqué bien des controverses encore actuelles. Rémi Dalisson tente ici de comprendre cette mémoire, d'en faire l'histoire à travers sa genèse depuis 1914. Il en explique les évolutions, les contradictions et les enjeux actuels à l'heure où les questions sur l'identité du pays et son rapport à l'histoire sont plus pressants que jamais.
Commémorer la guerre. Une habitude que la France, depuis Sedan, n'a cessé d'entretenir pour célébrer ses glorieuses défaites ou ses retentissantes victoires. Il est peu de pays qui honore avec tant de soin, de persévérance et de moyens la mémoire des événements et des hommes, semant ici et là les monuments du souvenir.
Inventées après la déroute de 1870, ces fêtes nationales, parfois appelées « journées de guerre », se structurent tout au long de la IIIe République. Après la Grande Guerre, qui en fixe les rituels, ces célébrations deviennent le réceptacle de toutes les passions nationales. Même Vichy n'osera pas remettre en cause cet instrument d'assignation identitaire et de communion mémorielle dédié à l'écriture du roman national. La victoire des Alliés, puis les guerres coloniales, ne feront qu'enrichir et compliquer ces questions d'identité.
Menée à l'échelle du pays, mariant archives nationales et locales, l'étude de Rémi Dalisson raconte plus d'un siècle de « guerre des mémoires », mémoires toujours incandescentes, comme en témoigne la célébration polémique de la fin de la guerre d'Algérie. Il montre que les fêtes de guerre, à la différence d'autres commémorations nationales et en dépit de la disparition des acteurs, restent l'un des espaces centraux du débat politique national, l'un des lieux de mémoire primordiaux de la République.
Hippolyte Carnot n'a ni la gloire de son père, « l'organisateur de la victoire » de l'An II, ni le renom de son frère, l'inventeur de la thermodynamique, ni le destin tragique de son fils, président de la République assassiné en 1894. Il reste méconnu alors que sa vie couvre presque tout un siècle (1801-1888) et que son oeuvre et son influence sont considérables. À travers révolutions, coups d'État, monarchies, empires ou républiques, guerres et procès, ce ministre de l'Instruction publique de 1848, ami de Victor Hugo et de Jules Ferry, est en effet un bâtisseur et un inspirateur.
Il participe à tous les combats pour les libertés publiques et privées, jette les bases de la formation des professeurs et de l'école gratuite et obligatoire, y compris maternelle, crée l'ancêtre de l'ENA et défend les causes les plus avancées (scolarisation des filles, suffrage universel, lutte contre l'esclavage et abolition de la peine de mort).
Philosophe et journaliste, mémorialiste et ministre, franc-maçon et croyant, exilé politique et député, sénateur et membre de l'Académie, il incarne le xixe siècle.
La redécouverte d'une grande figure de notre panthéon républicain.
Cet ouvrage, centré sur les fêtes publiques et officielles du XIXe siècle s'inscrit dans les nouvelles perspectives de l'histoire culturelle en France.
L'auteur étudie sur près de soixante ans, de 1815 à 1870, les innombrables célébrations par lesquelles cherchent à s'affirmer des régimes politiques fort différents mais tous marqués par l'idéal libéral. Une lecture exhaustive des Archives nationales, mais aussi celles de plus de vingt départements fort divers (Seine-Inférieure, Var, Gironde, Côtes-du-Nord, Rhône. ) permet de décrypter le langage symbolique des fêtes.
On y perçoit la cohérence des politiques culturelles de quatre gouvernements qui surent utiliser tous les médias, des plus anciens (chanson, théâtre, feux d'artifices) aux plus modernes (presse, sport, publicité). Tous ces viatiques permirent d'imposer des codes et de nouvelles sociabilités aux populations par la fête. Cependant, en retour, le public sut s'emparer des symboles proposés pour dialoguer avec le pouvoir et même promouvoir la démocratie, du drapeau tricolore aux aigles triomphales de Napoléon III, en passant par la figure progressiste de Marianne.
Lors de l'inauguration d'arbres de la liberté, sur les places où l'on dansait, dans la touffeur des cafés ou sur les premiers stades, mais aussi dans les caves où se préparaient chants, danses ou graffitis subversifs, l'auteur nous dévoile une nouvelle " sociabilité festive ". C'est la fête libérale et émancipatrice, que tous les pouvoirs finirent par reconnaître, que cet ouvrage nous offre de mieux connaître.
Le 14 juillet 1790, toute la France révolutionnaire se réunissait au Champ-de-Mars pour célébrer la prise de la Bastille et l'unité retrouvée d'un pays marchant vers une ère nouvelle. Mais à peine les lumières de la fête parisienne éteintes, Mirabeau se mit au travail pour préparer un rapport sur les « fêtes nationales » et choisir les dates et les thèmes à célébrer dans cette nouvelle France des Droits de l'Homme. Ainsi s'ouvrit une longue ère d'intenses commémorations qui vit la fixation des principales fêtes nationales comme le 14 juillet, la fête de Jeanne d'Arc ou le 11 novembre qui incarnèrent toutes plus ou moins la patrie jusqu'à nos jours.
Un peu plus de deux siècles plus tard, pendant toute une année, du 2 décembre 2005 (bicentenaire de la victoire d'Austerlitz) au 14 octobre 2006 (bicentenaire de la victoire de Iéna), les polémiques sur les célébrations et les fêtes firent pourtant de nouveau rage. On s'empoignait, on s'interrogeait sur les objectifs et la définition même de la politique festive du pays. C'était l'incertitude qui prévalait à présent : que devait-on célébrer, quel héros devait-on fêter ? Quelle serait la fonction de la mémoire dans l'identité de notre pays et la place de l'idée de nation dans les fêtes du début du xxie siècle ? Autrement dit devait-on continuer à célébrer et à incarner la nation dans des fêtes en ces temps de mondialisation et de réveil communautariste ?
L'auteur montre que l'histoire de ces fêtes nationales permet de mieux comprendre ce qui bâtit l'identité de la France et comment la culture festive peut à la fois souder le pays autour de ses dirigeants, incarner la nation, être objet de contestation et, en définitive, servir de boussole assez stable pour tous les Français. Pour cela, il analyse le langage de la fête, ses symboles, ses techniques de mise en scène, bref une « culture de la fête » qui perdure depuis 200 ans et séduit toutes les classes sociales grâce à l'ensemble des moyens d'information et de propagande, depuis les pamphlets du xviiie siècle à Internet, en passant par la radio et le cinéma.
La commémoration du 11 Novembre, jamais supprimée depuis 1922 même sous Vichy, mobilise et fédère. L'auteur, spécialiste des fêtes nationales, analyse la fonction fédératrice et identitaire des fêtes nationales dans le débat actuel autour des politiques mémorielles.
Qui n'a pas étudié dans un établissement scolaire Paul Bert ou habité rue Paul Bert ? Cependant, malgré cette omniprésence dans l'espace public, l'oeuvre de ce républicain est largement oubliée de nos jours.
Paul Bert fut pourtant l'un des plus grands scientifiques français du XIXe siècle et un des pères fondateurs de l'école laïque et républicaine. S'il a été un partisan de la colonisation, notamment en Indochine, on retiendra de lui le grand patriote, traumatisé par la défaite de 1870, compagnon de Gambetta, Ferry et Buisson qui a laissé une loi sur la généralisation des Écoles normales et rédigé un fameux manuel d'éducation civique.
Rémi Dalisson réhabilite ici la mémoire de ce savant engagé en politique, de ce libre-penseur qui voulait émanciper les consciences par la raison et l'école. Paul Bert pousse aussi à la réflexion sur la mémoire, sur la citoyenneté et sur l'éthique républicaine, dans le contexte d'un retour de la morale laïque et civique, alors que se multiplient les crispations identitaires.