Fille du désert et du manque, sans cesse alertée par la solitude et l'absence, telle est la poésie arabe, cultivée quinze siècles durant par une succession de génies remuants, iconoclastes, gourmands des mille et une saveurs du verbe - et des mille et une images (licites ou illicites) qu'éveille dans le coeur de l'homme l'aiguillon du désir.
Fontaines destinées à réjouir les coeurs altérés, jardins parfumés, filles offertes, tendres éphèbes aux yeux de gazelle, nuits éclairées de lune où circule la coupe de vin ambré : le poète nous murmure que cela est tout... et rien - puisque la seule richesse vraiment désirable, pour l'homme bien né, est celle des mots.
L'innocent lecteur n'est pas au bout de ses surprises audaces verbales quasi rimbaldiennes, érotisme dévoilé sans honte, impertinences et inconvenances de tout bord - l'écriture revendique ici une modernité contre laquelle le temps., dirait-on, n'a pas de prise.
Cette riche anthologie désormais classique - la seule en langue française à embrasser aussi largement son sujet - donne de la civilisation arabe, on l'aura compris, une image qui prend à contre-pied les sinistres clichés véhiculés par notre époque. où la poésie apparaît comme l'insurrection première de la soif et du désir.
Cet ouvrage, écrit cent ans avant Machiavel, est à sa façon - non la moins divertissante - la meilleure réponse aux Occidentaux étonnés qui découvrent aujourd'hui, avec une stupéfaction que n'excuse guère leur scandaleuse ignorance, l'extraordinaire habileté politique des responsables du monde musulman : ministres mandatés par les puissances du pétrole, émirs du désert à la tête de fortunes de plusieurs milliers de millions de dollars, porte-parole de pays « pauvres » bien décidés à prendre leur revanche aux dépens des pays « riches » qui les ont d'abord exploités.
Chacun feint la surprise : « Ils n'ont pas mis longtemps à apprendre. » Erreur : « Ils savaient déjà ! » Et depuis des lustres.
Découvert et publié en 1976 par René R. Khawam, et considéré aujourd'hui comme un classique, Le Livre des Ruses est un fin tissu d'histoires colorées dont les subtils enseignements s'entrecroisent pour la plus grande édification du lecteur.
Au commencement était le désert.
C'est lui qui a d'abord façonné l'imaginaire arabe. Par ses violences contraintes, il lui a dicté les règles de conduite extrêmes : nécessité absolue du court chemin, de l'approche fulgurante, essentielle, mépris voué aux arts encombrants au bénéfice exclusif de la poésie et de la musique. Par ses refus, par son austérité, par le vide qu'il impose aux âmes comme aux corps affamés, il lui a appris à faire ample provision d'images - licites et illicites - : fontaines et jardins, filles offertes et tendres éphèbes aux yeux de gazelle, nuits éclairées de lune où circule la coupe de vin ambré...Car pour l'homme bien né, la vraie richesse est celle des mots.
Caressés par les doigts du scribe ou des lèvres du diseur, ils sont un bien désirable entre tous : bon à partager avec l'ami de rencontre, à offrir à la délectation du prince, à transmettre aux générations en peine d'émerveillement. Ainsi le désert, peuplé d'images paradoxales, devient source : où s'est abreuvée près de vingt siècles durant (dès avant l'islam) l'inspiration des poètes, lieu d'efflorescence de la plus haute parole, de toutes les possibilités du dire.
Audaces verbales quasi rimbaldiennes, érotisme dévoilé sans honte, impertinences et inconvenances, culte enamouré de la beauté sous toutes ses formes, recherche savante du plaisir, transmutation exaltée de la douleur et du manque : telle est la poésie arabe, cultivée jusqu'à nos jours par une succession de génies remuants, iconoclastes, gourmands des mille et une saveurs du verbe. Cette riche anthologie - la seule en langue française à embrasser aussi largement son sujet - donne de la civilisation arabe une image qui prend à contre-pied les sinistres clichés véhiculés par notre époque : la poésie y apparaît comme l'insurrection première de la soif et du désir, comme la quête toujours recommencée de notre impossible - et pourtant nécessaire liberté.
Ce livre est d'abord un témoignage. Celui de la foi des chrétiens d'Orient, en fait ceux du Proche-Orient de culture arabe. Ils sont de plus en plus nombreux parmi nous, victimes - une fois de plus - des remous de l'histoire. Nous avons de la peine à les comprendre ; leurs traditions, leurs manières d'exprimer et de vivre leur foi diffèrent de celles qui nous sont plus familières. Ils se répartissent selon plusieurs communautés dont nous connaissons mal les origines et l'histoire. C'est pour nous y introduire, pour nous en faire mieux apprécier les richesses, que René Khawam a écrit ces pages. Il est l'un d'entre eux, et nul n'était mieux préparé à décrire l'univers culturel des chrétiens d'Orient : tous ces poètes, ces philosophes, ces théologiens, ces papes, même, qui ont inscrit leur nom dans l'histoire ; tous ces chrétiens qui n'ont cessé de chanter, de prier, de penser, d'écrire et de souffrir, jusqu'à aujourd'hui. Sont-ils désormais voués à l'extermination ? Leur foi et leur amour du prochain les sauvent, à l'ombre de la croix, sous la protection de la vierge compatissante, de saint Éphrem et de saint Jean Damascène enfin, que cet ouvrage célèbre tout spécialement.
Composées dès le viiie siècle (le siècle d'or de baghdâd au temps du khalife haroun al-rachid), ces aventures sont une leçon tout ensemble de rêve et de géographie.
A la différence de sindbad le marin, qui cherchait à gagner la chine par la voie maritime, son homonyme le terrien se lance sur la vieille route de la soie - non moins fertile en embûches et en merveilles - et traverse les solitudes désolées du ferghana, de la mongolie et du sin-kiang. avant de pousser jusqu'aux rivages du lointain japon.