Les articles qui composent ce volume privilégient un aspect peu exploré des pratiques guerrières : les régimes de traitement du corps, celui des meurtriers comme celui des victimes qui leur sont associés. Parmi les manières dont on intervient sur le corps de «â€‰l'autre » afin de reproduire sa propre identité, on trouve la pantomime des guerriers Ayoré au retour de leurs expéditions victorieuses, ainsi que la mise à mort de l'âme de l'ennemi déjà tué en le représentant par un dessin tracé sur le sol ; le traitement du captif chez les Tupinambas avant qu'il ne soit dévoré, ainsi que les contraintes rituelles auxquelles est soumis son bourreau ; la danse qui allège le corps des Guarani pour qu'ils puissent atteindre la terre sans mal, et la fête du miel et de l'amour chez les Achés-Guayakis qui confirme la relation lévi-straussienne entre guerre et mariage.
Salvatore D'Onofrio est professeur à l'Université de Palerme et membre du Laboratoire d'anthropologie sociale du Collège de France, où il coordonne les Cahiers d'anthropologie sociale. Parmi ses dernières publications : Le sauvage et son double (2011), Les fluides d'Aristote (2014) et Lévi-Strauss face à la catastrophe (2018). Il a édité deux ouvrages de Françoise Héritier : Une pensée en mouvement (2009) et Sida : un défi anthropologique (2013).
Composé à partir d'articles, de communications et de préfaces, d'entretiens et de rapports, et de textes inédits, ce livre retrace, de par la date des écrits et la variété des matériaux, une partie significative de la réflexion sur le sida qui eut lieu dans les années 1990, pendant lesquelles l'auteur fut présidente (de 1989 à 1995) du tout nouveau Conseil national du sida. Il permet de prendre la mesure des progrès accomplis dans le traitement de la maladie, mais aussi du chemin parcouru dans les représentations mentales de celle-ci : après avoir révélé la permanence de redoutables questions au coeur des relations humaines, politiques et sociales, cette épidémie a également donné lieu à des évolutions qui conduisent et font appel à la tolérance et à la connaissance, et non plus à la peur ou à l'exclusion. Augmenté d'une introduction nouvelle, le présent recueil rassemble des textes choisis et organisés par Salvatore D'Onofrio.
Françoise Héritier, anthropologue, professeure honoraire au Collège de France et à l'EHESS, est l'auteur notamment de Masculin/Féminin I et II (Odile Jacob, 1996 et 2002), Les deux Soeurs et leur mère (Odile Jacob, 1994), Une Pensée en mouvement (Odile Jacob, 2009), Retour aux sources (Galilée, 2010). Elle vient de publier Le Sel de la vie (Odile Jacob, 2012).
Salvatore D'Onofrio est professeur à l'Université de Palerme et membre du Laboratoire d'anthropologie sociale à Paris. Auteur de nombreux ouvrages, il a publié aux Belles Lettres Le Sauvage et son double (2011).
Nous vivons dans un « temps de catastrophes » que le progrès technologique ne semble plus à même de contrer. Or, les crises écologiques récentes (de Tchernobyl à la « vache folle ») ne seraient-elles pas liées à d'autres événements qui ont marqué à jamais le destin de l'humanité - comme les génocides qui suivirent la Conquête de l'Amérique, ou encore la Shoah ? Voilà la question à laquelle s'attaque ce livre, à travers une lecture originale de l'oeuvre de Claude Lévi-Strauss. Dressant un portrait intellectuel inédit de l'anthropologue français, Salvatore D'Onofrio montre en quoi les idées de cet intellectuel rebelle et non consensuel fournissent des clés pour penser à la fois l'avènement de la catastrophe et les possibilités d'en sortir. Véritable manifeste anthropo-écologique, ce livre propose d'envisager un nouveau rapport à la nature. C'est ce que Lévi-Strauss avait appris au contact des Amérindiens du Brésil et dont l'humanité a grandement besoin.
En 2009, l'Unesco inscrit Norouz, la fête du Nouvel An iranien et celle des autres peuples qui faisaient partie de l'Empire persan, sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l'humanité. En 2010, c'est l'Assemblée générale des Nations unies qui reconnaît le 21 mars comme Journée internationale de Norouz, encourageant ainsi tous les pays du monde à s'inspirer des traditions printanières de cette fête pour promouvoir la paix. Norouz intéresse trois cents millions de personnes. Lors des célébrations auxquelles la fête donne lieu, des tables rituelles sont dressées avec sept éléments, des pousses (de blé, d'orge, de lentilles et d'autres graines) que les femmes font germer dans les maisons pour marquer un nouveau commencement : « Le matin des dieux ». Ce livre interroge les possibles origines zoroastriennes de ce rituel, de sa diffusion et déclinaison de l'Inde jusqu'à l'Europe. Il en résulte un voyage passionnant dans le temps, de la Grèce ancienne au Liban, en passant par la Sicile et la Sardaigne, jusqu'à la Provence française, qui nous révèle les similitudes, surprenantes, entre ces différentes traditions.
Le sang, le lait et le sperme maintiennent et reproduisent la vie, mais sont aussi les substances que les cultures humaines manipulent, du point de vue symbolique, pour affirmer la domination masculine. Du lait d´épaule au lait de coeur, du miracle du sang de saint Janvier de Naples à la consommation des « os de morts » sous forme de gâteaux en Sicile, de l'attribution des "cornes" aux époux trompés, au versement de sang des Vattienti de Calabre en l´honneur de la Vierge, ce livre aide à comprendre le rôle des fluides du corps dans les mythes, les croyances et les rites du Sud de l´Italie. Ce livre permettra au lecteur d'avoir une vue d'ensemble sur un phénomène complexe dont les traits particuliers se lient à des évidences élémentaires - donc universelles - de la culture humaine.
Le sauvage et son Double est une étude comparative de quelques figures de double dans la littérature mythique de l'Occident. Du Poème de Gilgamesh à l'Odyssée, de la Bible à la Chanson de Roland, beaucoup de textes racontent l'histoire dramatique de deux amis ou deux ennemis, deux jumeaux ou deux frères dont l'un d'entre eux, souvent figuré en sauvage, doit mourir de mort violente ou bien subir des mutilations permanentes afin que l'autre puisse fonder une civilisation. L'introduction propose de regrouper ces textes sous l'intitulé de littérature mythique en discutant les choix de méthode et des sujets abordés. Les cinq chapitres du livre analysent respectivement les couples 1) Gilgamesh et Enkidu ; 2) Ulysse et Polyphème, comparé surtout avec le couple mésopotamien ; 3) Jean-Baptiste et Jésus, précédé par l'étude de quelques figures de double de l'Ancien Testament, de Caïn et Abel à Jacob et Esaü ; 4) Renart et Ysengrin, dont l'opposition est étudiée dans le cadre du rapport incestueux du renard avec la louve Hersent ; 5) Roland et ses doubles, dont en particulier l'oncle-père Charlemagne. La lecture de ce livre peut nous aider à mettre au jour les racines profondes de nos attitudes vis-à-vis d'autrui, ou de ce sauvage éternel qui est en nous.
Qu'ont en commun la Chanson de Roland, le Roman de Renart, le rôle revendiqué par le compte Spencer auprès de ses neveux lors des obsèques de sa soeur, la princesse Diana, ou la place de saint Joseph dans les tables des saint siciliennes ? Cette apparente devinette pour initiés, qui ressemble à un inventaire à la Prévert, a pour solution d'une intéressante situation anthrpologique...
Révélée par Salvatore D'Onofrio sous l'intitulé : inceste du troisième type, ajoutant ainsi d'une extension nouvelle à la définition de l'inceste... C'est, pour le situer dans sa forme centrale, le rapport sexuel possible entre un " compère " et une " commère ", c'est-à-dire entre le parrain d'un enfant et la mère de celui-ci... Ce type de relation spirituelle, équivalente à la relation frère-soeur dans ses effets, s'inscrit dans un nouvel atome de parenté où le parrain prend la place structurellement occupée par l'oncle maternel.
Dans de très nombreuses sociétés à Etat, la civilisation commence avec la maîtrise de la fermentation, étape décisive, mais toujours incertaine, qui lui permet de s'extraire de l'état de nature tout en préservant des liens privilégiés avec celle-ci.
Elément vivant utilisé dans un but festif ou alimentaire, source d'énergie disponible en toutes saisons, le produit fermenté - qu'il s'agisse de boissons alcoolisées ou de pains - entretient un rapport symbolique, voire analogique avec le sang. On le retrouve ainsi dans de très nombreux sacrifices, rites funéraires ou fêtes de fertilité. Produit à l'élaboration toujours aléatoire, il symbolise tout à la fois l'importance de la technique humaine et le respect dû aux dieux.
La boisson fermentée est un cadeau divin, elle est parfois la divinité elle-même, et j'homme civilisé l'ingère selon certaines règles pour se nourrir, communier avec son dieu, et se réjouir avec ses semblables. Les détenteurs du pouvoir terrestre se sont toujours efforcés de la contrôler pour se légitimer mais aussi pour en maîtriser les abus, dommageables pour l'ensemble de la collectivité. C'est lorsque la boisson se désacralise qu'elle se désocialise et remet enjeu l'avenir du peuple.
En collaborant à l'étude de ce Ferment divin, anthropologues et historiens nous font suivre de manière originale et passionnante le parcours de notre culture, depuis son origine indo-européenne - avec le soma et son substitut -jusqu'à la rencontre avec le Nouveau Monde où seront mis en évidence les effets destructurants de nos boissons distillées venues prendre la place des liqueurs fermentées traditionnelles.