Avec ce livre sur une guerre sainte qui a durement frappé la France, Sylviane Agacinski inscrit sa réflexion dans le temps long de l'histoire des religions et des relations entre le religieux et le politique.
La France d'aujourd'hui, dit-elle, n'a pas un problème avec l'islam ni avec les musulmans mais bien avec le jihad armé et la montée des islamismes qui placent une « loi divine » intangible à l'abri des interprétations et au-dessus des lois humaines. La philosophe met ainsi en cause le concept politique d'islamophobie fait pour masquer le prosélytisme islamiste.
Elle s'insurge en outre contre l'intolérable promotion du voilement des femmes, pratique discriminatoire venue du fond des temps et véritable casus belli dans une République établie sur le principe d'égalité devant la loi.
Au-delà d'un universalisme messianique arrivé à épuisement, Sylviane Agacinski interroge la capacité de la France à assumer sa singularité historique, politique et culturelle, à la fois nationale et européenne, en résistant au modèle habermassien du multiculturalisme.
«Notre corps charnel nous est propre, mais il ne nous appartient pas comme un bien, autrement dit une propriété aliénable, que l'on peut donner ou vendre, comme un vélo ou une maison. La confusion fatale entre les deux est délibérément entretenue par l'idéologie ultralibérale qui veut nous persuader que, puisque notre corps nous appartient, nous sommes libres de l'aliéner. Admirons le paradoxe. Sylviane Agacinski. L'homme moderne veut dominer la nature, changer sa nature, et s'affranchir de la chair, de la mort et de la génération sexuée. Grâce à la puissance scientifique et technique, certains rêvent de changer de corps et de produire leur descendance en laboratoire. L'homme futur sera-t-il sexuellement indifférencié ? Naîtra-t-il sans père ni mère ? Aux dépens de qui ? À la veille du débat au Parlement, et alors que la «bioéthique» semble perdre tout repère, ce Tract nous alerte sur les dangers d'un ultralibéralisme dont le modèle, en ce domaine, est la Californie.
Les grands mythes chrétiens dessinent une histoire des sexes. Un drame dans lequel la femme sépare le premier homme de Dieu: la création d'Adam tourne à la catastrophe par la faute d'Eve. Mais si Eve éloigne l'homme de Dieu, Marie rapproche Dieu de l'homme. C'est d'elle que naît le nouvel Adam : Jésus. En philosophie, en théologie, les grands textes fondateurs font le récit d'une vision masculine de l'histoire: la femme diffère de l'homme, jamais l'inverse. Comme si le point de vue viril était l'unique et l'universel - tandis que la femme demeure toujours l'autre, le genre différent. " Il n'y a ni mâle ni femelle ", écrit pourtant saint Paul. Le christianisme aurait-il l'ambition de renverser la " fatalité " de la condition sexuée ? Paul poserait-il ici les fondements d'un universalisme chrétien en annonçant l'égalité des sexes ? Sylviane Agacinski montre au contraire que, comme dans la philosophie grecque, la pensée chrétienne des premiers siècles identifie l'esprit et l'intellect à l'homme, la chair et le péché à la femme. Dans ce livre, Sylviane Agacinski décrit un régime de pensée masculin, qui substitue à la génération sexuée une régénération spirituelle.
« Une peinture de Fra Angelico représente saint Côme, patron des chirurgiens, et son frère Damien, au chevet d'un sacristain auquel ils sont en train de greffer la jambe d'un Maure.
Comment les célèbres médecins s'étaient-ils procuré la jambe de l'Africain ? La fable ne le dit pas. Était-il donneur ? Mort ou vif ? Avait-il vendu un de ses membres ? Ou bien s'était-on simplement emparé de la jambe d'un homme de peu d'importance ?
Ce personnage manque dans la scène. Ni médecin ni malade, il est le tiers dont le corps est requis par la transplantation : je l'appellerai le tiers-corps».
S. A.
Au cours de ses réflexions sur la transplantation, dans sa dimension à la fois technique et sociale, Sylviane Agacinski souligne l'ambiguïté d'une pratique médicale qui sauve de nombreuses vies mais crée aussi une « demande d'organes » : comment y répondre ?
D'abord, soutient l'auteur, en protégeant le corps des vivants face aux ultra-libéraux, partisans d'un marché légal des organes, et aux trafiquants dont les miséreux et les réfugiés sont victimes, lorsque les États laissent faire. Ensuite, en privilégiant le don de soi post mortem, librement consenti, plutôt qu'en maintenant le stratagème du « consentement présumé du défunt ». Sylviane Agacinski s'appuie ici sur Marcel Mauss pour en appeler à une société solidaire, dans laquelle chacun peut à son tour recevoir ou donner et, quelquefois, transmettre la vie par-delà la mort.
Vous croyez savoir de qui il s'agit quand on parle des femmes. Erreur : le doute s'est installé depuis que Monique Wittig déclara que « les lesbiennes ne sont pas des femmes ». Avec Judith Butler, la Queer theory regarde la distinction entre homme et femme comme l'expression d'une « binarité artificielle », construite par une « culture hétérosexuelle dominante ». Il n'y a plus de sexes, rien qu'une prolifération de genres (gays, lesbiennes, transsexuels...), flottant au dessus de sexes disparus - à moins qu'ils ne deviennent les produits de techniques biomédicales.
Ce livre montre les impasses d'un tel discours.
Sylviane Agacinski rappelle la dissymétrie des corps sexués, c'est à dire vivants, mais enrôlés dans des institutions, une culture et une histoire. Elle décrit les formes spécifiques de la servitude des femmes, qu'elles soient anciennes (la famille), modernes (le marché biologique des cellules et des organes), ou les deux à la fois (la prostitution).
Pour Sylviane Agacinski, « femme » et « homme » en tant que genres sont des catégories impersonnelles. En tant que personne, « je » ne suis ni un sexe ni un genre. Le sexe est moins un facteur d'identité que d'altérité.
Selon l'auteure, l'homme moderne assiste à l'éclatement de sa vie et à la fragmentation de sa personne : production d'enfants en laboratoire, marchandisation des cellules, des tissus et des organes du corps humain... Une réflexion sur la dignité de la personne, le respect du corps féminin et sur l'usage des mères porteuses.
Les sociétés interprètent diversement la différence sexuelle. Partout, on cultive cette différence et on établit une hiérarchie entre les sexes : le masculin domine le féminin et même l'efface pour figurer à lui seul le genre humain. Contre cet effacement, y compris dans sa forme moderne "universaliste", Sylviane Agacinski propose une philosophie de la mixité qui rompt avec les modèles masculins et avec cette honte du féminin qui a caractérisé pendant un temps le féminisme. S'écartant de Simone de Beauvoir, l'auteur soutient qu'il n'y a plus de contradiction entre la liberté des femmes et leur fécondité, qui n'est pas seulement un "destin biologique". La relation entre les hommes et les femmes ne dépend d'aucune vérité éternelle : elle résulte d'une longue histoire dom les débats sur la parité révèlent un nouvel enjeu.
Pourquoi le rapport entre les sexes est-il aussi dramatique ? Pourquoi, entre eux, le drame, toujours ? La question me poursuit, depuis l'enfance.
Suivant une vision théâtrale de l'homme et de la femme, il y a l'amour, il y a les conflits, les scènes, et l'issue fatale : le retournement du bonheur en malheur.
Le rapport à l'autre sexe est-il nécessairement frappé d'une malédiction? Les femmes en sont-elles les principales victimes, comme chez Ibsen ou bien, comme chez Strindberg, le malheur frappe-t-il aussi les hommes ? Les deux, bien sûr, car c'est toujours de l'autre que vient le drame, comme dans le cinéma de Bergman. Pour ce grand metteur en scène du couple, rien n'est plus réel que l'amour, ce qui ne l'empêche pas de faire dire au diable, dans un de ses films : « Que serait l'enfer, sans le mariage ? » Le théâtre de la conjugalité ne se joue jamais d'un seul côté, il a lieu entre les deux. C'est le jeu, entre les passions, que donne à contempler le drame, sur la scène, laissant la parole aux deux parties.
S.A.
Ce livre s'efforce de soustraire l'architecture à quelques réappropriations philosophiques et politiques pour mieux décrire l'irréductible expérience de l'espace à laquelle elle nous engage, sans recul possible.
Car l'espace partage notre existence - subjective ou collective - de telle sorte qu'il n'est jamais tout à fait propre ni tout à fait étranger. L'oeuvre architecturale n'est donc jamais pour nous un objet.
L'architecture ne se laissera penser ici ni -simplement - comme oeuvre d'art, soumise aux impératifs de représentation et d'expression que l'esthétique voudrait lui voir respecter, ni comme gardienne monumentale de la mémoire, ni comme modèle d'une pure construction rationnelle.
On examinera d'autre part comment, depuis les Grecs, l'architecture a pu passer pour une métaphore du pouvoir politique, et pourquoi, dans l'Allemagne des années trente, un tyran moderne a pu s'identifier à une figure autoritaire et volontariste de l'architecte.
L'expérience du temps se modifie : l'être n'est plus pour nous le permanent mais l'événement pur d'un passage.
Avec la photographie, le cinéma, la télévision, notre époque est celle des fantômes. Non seulement les êtres passent, mais ils repassent, ils peuvent revenir. Le passeur de temps est donc notre contemporain : guéri de la nostalgie de l'éternel et des promesses de l'histoire, il éprouve la " passagèreté " de l'être. Aussi, dans son livre, Sylviane Agacinski propose-t-elle une éthique de l'éphémère qui réponde du présent.
Le temps médiatique impose son emprise au rythme de la vie sociale et politique : plutôt que de succomber au regret des formes anciennes, la démocratie devra se redéfinir en tenant compte des médias, même si elle doit faire valoir son droit à la patience. Au plus fort du mouvement qui nous pousse en avant, se pose ainsi la question de ce qui demande du temps et de ce qui mérite de durer.
24 janvier.
Je ne suis aujourd'hui d'humeur à rien. Ni à parler du temps, ni à parler d'autre chose. C'est pourquoi, après avoir ouvert mon portable pour préparer cette fichue conférence, j'ai bizarrement envie de confier à ma machine l'expression de mon désarroi présent.
La campagne électorale est loin d'être commencée et, déjà, je la sens envahir le temps qui vient.
14 mars. Je n'éprouve pas d'angoisse, mais l'idée que l'avenir est en train de se jouer.
Que les dés sont jetés, que la roulette est en train de tourner avant de s'arrêter sur un chiffre, cette idée me trouble et me fait sentir intensément le passage des jours.
S. A.
Philosophe, Sylviane Agacinski n'oublie ni la politique ni le sexe. Ses divers engagements, inséparables d'une réflexion sur la nature corporelle et sexuée de notre existence, la conduisent à refuser la commercialisation des corps dont les femmes sont particulièrement menacées par les développements de la bio-technologie. L'auteur interroge ici la dissymétrie des sexes, les formes historiques de leur inégalité politique et défend le principe de la parité. Montrant que la diversité des sexualités n'efface pas la dualité des sexes, Sylviane Agacinski souligne aussi que l'idée d'individu abstrait ne permet pas de comprendre les conflits entre eux. De même, la question des " genres " éclaire la diversité des masculinités ou des féminités, mais elle ne permet pas d'éviter la
question des sexes : car ce sont des corps de femmes qui sont aujourd'hui dans le monde enfermés, violentés, vendus ou cachés sous des burkas. Et c'est à des corps de femmes que s'intéresse le
marché de la prostitution ou celui des utérus.
Comment vivre en tant que femme sur la planète des hommes ? A chaque époque, sa réponse. Mais toujours le même présupposé : ce sexe-là est le faible, l'inférieur, le subordonné. De la Préhistoire à nos jours, voici, racontée par quatre femmes d'exception, l'histoire de la condition féminine, dans un dialogue audacieux, sans jargon ni tabous. Un combat inouï contre l'ordre - moral, social et sexuel - imposé par des générations de monarques, prêtres, pères, maris, qui est loin d'être terminé.
De Cro-Magnonne à nos jours, voici, racontée par quatre femmes d'exception, l'histoire de la condition féminine, dans un dialogue mené et écrit par l'une d'elles, l'historienne Nicole Bacharan.Avec l'anthropologue Françoise Héritier, elle remonte aux origines de la " nature " féminine. A quel moment les femmes ont-elles glissé dans la subordination ? Très vite, les hommes ont voulu maîtriser leur " privilège exorbitant d'enfanter ". Ils ont enfermé les femmes dans leur prétendue infériorité. On apprend ici que le matriarcat ne fut qu'un fantasme, et la prostitution, jamais un métier...Avec l'historienne Michelle Perrot, on parcourt 2000 ans de la vie des femmes en observant chaque âge : bébé, fillette, fille à marier, épouse, mère, grand-mère... Etre une fille, c'était se voir refuser l'éducation, mariée souvent de force, surchargée d'enfants, exposée au viol et aux violences. Les rebelles, elles, payaient le prix fort...Avec la philosophe Sylviane Agacinski, nous voilà, aujourd'hui, au temps de l'égalité et de la parité. Après la révolution de la contraception, comment faire pour que l'universelle différence des sexes ne soit plus hiérarchie ? Comment construire un monde vraiment mixte ?En plongeant dans l'intimité des femmes, l'ouvrage retrace leur combat pour s'exprimer, créer, voter, aimer... C'est aussi un bel hommage aux femmes et à leur courage.
Françoise Héritier est anthropologue, professeure honoraire au Collège de France.Michelle Perrot est historienne, spécialiste de l'histoire des femmes.Sylviane Agacinski est philosophe.Nicole Bacharan est historienne et politologue.,