Des choses, pas belles, se sont passées, en France, entre 2017 et 2020. Les femmes, par la main de déesses grecques surgies de l'Olympe (car les divinités sont immortelles), ont pris le pouvoir détenu par les hommes depuis des millénaires. L'Apocalypse, prédite pour décembre 2012, n'a pas eu lieu. Les déesses sont venues se mélanger à la société française contemporaine. Le Parti du Cercle a imposé ses règles. L'expérience a très mal tourné. Mais comment faire la lumière sur ces quatre années d'un règne éphémère et probablement sanglant, alors qu'une amnésie collective a été décidée par référendum au terme de cette page d'Histoire, en 2020 ? Une amnésie appelée le Grand Blanc, approuvée à l'unanimité de la population.C'est pour juger cette douloureuse parenthèse que s'ouvre un maxi procès dans ce qui fut longtemps le stade de France et qui abrite désormais le tribunal du grand Paris. Nous sommes en 2062. À la barre, la Sibylle, prophétesse de la révolution des femmes. Pièces à conviction à l'appui, elle déroule le fil de sa mémoire, et de la généalogie des événements. Petit à petit, on découvre la réalité de ces années spéciales, très spéciales.
Les Contes des Sages d'autres mondes et d'autres temps contiendront douze contes consacrés à la plupart des grands thèmes de la science-fiction : l'intelligence artificielle, la robotique, la rencontre avec l'extra-terrestre, le post-humanisme, la colonisation spatiale, la fin du monde ou le post-apocalyptique, le voyage dans le temps, le clonage, la manipulation génétique, l'immortalité, la surveillance globale... Pierre Bordage suivra un axe chronologique qui démarrera à notre époque et se prolongera par l'exploration spatiale jusqu'à ce que la Terre des origines ne soit plus qu'un lointain souvenir ou un mythe. De ces histoires traitées comme des contes se dégagera une forme de sagesse, une piste de réflexion, ou encore une invitation à modifier nos points de vue particulièrement signifiante dans cette période tourmentée que nous traversons.
Cela se passe au XXIIème siècle. La ville d'Oulang-Oulane est régie par un régime totalitariste où les mutations génétiques vont bon train. À l'exception de la classe dirigeante qui prône un capitalisme poussé à l'extrême, la population vit dans la misère. Mevlido, un policier de 49 ans, habite les bas-fonds de la ville, le quartier de Poulailler Quatre, où il est chargé de surveiller les bolchéviques qui menacent de renverser le pouvoir. Mais il est aussi une sorte d'agent-double qui soutient secrètement les révolutionnaires. Rêve ou réalité ? Prisonnier de ses souvenirs traumatiques, hanté par les images de la femme qu'il a aimée et qui a été assassinée par des enfants-soldats lors de la dernière guerre, Mevlido erre de cauchemars en réincarnations ; autour de lui, la lune est immense, des attentats terroristes se multiplient contre elle, et des pluies torrentielles alternent avec d'énormes chaleurs ; les hommes, dès leur plus jeune âge, ont des comportements brutaux et bestiaux; les oiseaux, s'humanisent et parlent. Les frontières temporelles ont été abolies, la vie, les rêves et la mort se croisent et se mélangent, dans une vision hallucinée.
Il est au onzième étage, à l'angle de Columbus Avenue et de la 81e rue.
Dehors, au-dessus des arbres, vent, tourbillons, fragments déchirés de journal en vol. Dedans, les radiateurs de la chambre sont bloqués, brûlants, la télévision est allumée en permanence, et la musique coule, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, dans tous les couloirs de l'hôtel. Pendant ce temps, un corps brûle. Il a lu ces mots dans un livre: " Si quelqu'un pleure pendant la crémation, le corps brûle moins vite.
" Il imagine ce corps en feu dans le vide. Il entend cette musique de fleurs artificielles qu'il confond avec celle des couloirs. Il vit ce ralenti jusqu'à l'écoeurement. Il vomit. Il se répète cette phrase et quelques autres dont il ne comprend pas le sens : " naître encore ", ou bien " je connais cet endroit ", ou bien " j'ai mangé un poisson de source ". Ce qu'il veut, c'est sortir. Descendre, sortir.
Se retrouver dans la rue. Avec les chiens. Etre chien. Apprendre à écrire comme un chien fait son trou. Alors il ouvre son cahier. Il apprend à écrire en prose. Il rédige un manuel de prose. Derrière la porte la musique continue de couler. On dirait qu'elle est dans les murs, ou le plafond, ou le papier du mur. Il écrit contre. Jean-Marie Gleize