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Éditions de Minuit
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" quand, dans la société primitive, l'économie se laisse repérer comme champ autonome et défini, quand l'activité de production devient travail aliéné, comptabilisé et imposé par ceux qui vont jouir des fruits de ce travail, c'est que la société n'est plus primitive, c'est qu'elle est devenue une société divisée en dominants et dominés, en maîtres et sujets, c'est qu'elle a cessé d'exorciser ce qui est destiné à la tuer : le pouvoir et le respect du pouvoir.
La division majeure de la société, celle qui fonde toutes les autres, y compris sans doute la division du travail, c'est la nouvelle disposition verticale entre la base et le sommet, c'est la grande coupure politique entre détenteurs de la force, qu'elle soit guerrière ou religieuse, et assujettis à cette force. la relation politique de pouvoir précède et fonde la relation économique d'exploitation.
Avant d'être économique, l'aliénation est politique, le pouvoir est avant le travail, l'économique est une dérive du politique, l'émergence de l'etat détermine l'apparition des classes. "
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Capitalisme et schizophrénie Tome 2 ; mille plateaux
Gilles Deleuze, Félix Guattari
- Éditions du Minuit
- Critique
- 1 Octobre 1980
- 9782707303073
L'espace lisse, ou nomos : sa différence avec l'espace strié.
- ce qui remplit l'espace lisse : le corps, sa différence avec l'organisme.
- ce qui se distribue dans cet espace : rhizome, meutes et multiplicités. - ce qui se passe : les devenirs et les intensités. - les coordonnées tracées : territoires, terre et déterritorialisations, cosmos.
- les signes correspondants, le langage et la musique (les ritournelles). - agencement des espaces-temps : machine de guerre et appareil d'etat.
Chaque thème est censé constituer un " plateau ", c'est-à-dire une région continue d'intensités.
Le raccordement des régions se fait à la fois de proche en proche et à distance, suivant les lignes de rhizome, qui concernent les éléments de l'art, de la science et de la politique.
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Capitalisme et schizophrénie Tome 1 ; l'anti-Oedipe
Gilles Deleuze
- Éditions de Minuit
- Critique
- 1 Mars 1972
- 9782707300676
Qu'est-ce que l'inconscient ? Ce n'est pas un théâtre, mais une usine, un lieu et un agent de production. Machines désirantes : l'inconscient n'est ni figuratif ni structural, mais machinique. - Qu'est-ce que le délire ? C'est l'investissement inconscient d'un champ social historique. On délire les races, les continents, les cultures. La schizo-analyse est à la fois l'analyse des machines désirantes et des investissements sociaux qu'elles opèrent. - Qu'est-ce qu'oedipe ? L'histoire d'une longue -erreur -, qui bloque les forces productives de l'inconscient, les fait jouer sur un théâtre d'ombres où se perd la puissance révolutionnaire du désir, les emprisonne dans le système de la famille.
Le " familialisme " fut le rêve de la psychiatrie ; la psychanalyse l'accomplit, et les formes modernes de la psychanalyse et de la psychiatrie n'arrivent pas à s'en débarrasser. Tout un détournement de l'inconscient, qui nous empêche à la fois de comprendre et de libérer le processus de la schizophrénie.
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« La joie est, par définition, illogique et irrationnelle. La langue courante en dit là-dessus plus long qu'on ne pense lorsqu'elle parle de «joie folle» ou déclare de quelqu'un qu'il est « fou de joie ». Il n'est effectivement de joie que folle ; tout homme joyeux est à sa manière un déraisonnant.
Mais c'est justement en cela que la joie constitue la force majeure, la seule disposition d'esprit capable de concilier l'exercice de la vie avec la connaissance de la vérité. Car la vérité penche du côté de l'insignifiance et de la mort, comme l'enseignait Nietzsche et l'enseigne aujourd'hui Cioran. En l'absence de toute raison crédible de vivre il n'y a que la joie qui tienne, précisément parce que celle-ci se passe de toute raison.
Face à l'irrationalisme de la joie, toute forme d'optimisme raisonné n'oppose que des forces débiles et dérisoires, qu'« un misérable espoir emporté par le vent » pour reprendre les termes de Lucrèce. Fût-il le plus parfait et le plus juste, il laisserait encore tout, ou presque, à désirer. En ces temps de prédictions volontiers catastrophiques, on se garde pourtant d'envisager la pire des hypothèses, - je veux dire celle d'un monde devenu, contre toute attente, absolument satisfaisant. Car ce serait là un monde dont personne au fond ne veut ni n'a jamais voulu : on pressent trop qu'aucun des problèmes qui font le principal souci de l'homme n'y trouverait de solution. C'est pourquoi ceux qui travaillent sans relâche à son avènement n'attendent en fait de leur labeur qu'un oubli momentané de leur peine, et rien de plus. Et on peut parier qu'ils montreraient moins d'ardeur à la tâche s'ils n'étaient soutenus par la conviction secrète que celle-ci n'a aucune chance d'aboutir. » Clément Rosset
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Cinéma Tome 1 : l'image-mouvement
Gilles Deleuze
- Éditions du Minuit
- Critique
- 1 Octobre 1983
- 9782707306593
Cette étude n'est pas une histoire du cinéma, mais un essai de classification des images et des signes tels qu'ils apparaissent au cinéma. On considère ici un premier type d'image, l'image-mouvement, avec ses variétés principales, image-perception, image-affection, image-action, et les signes (non linguistiques) qui les caractérisent. Tantôt la lumière entre en lutte avec les ténèbres, tantôt elle développe son rapport avec le blanc. Les qualités et les puissances tantôt s'expriment sur des visages, tantôt s'exposent dans des " espaces quelconques ", tantôt révèlent des mondes originaires, tantôt s'actualisent dans des milieux supposés réels. Les grands auteurs de cinéma inventent et composent des images et des signes, chacun à sa manière. Ils ne sont pas seulement confrontables à des peintres, des architectes, des musiciens mais à des penseurs. Il ne suffit pas de se plaindre ou de se féliciter de l'invasion de la pensée par l'audio-visuel ; il faut montrer comment la pensée opère avec les signes optiques et sonores de l'image-mouvement, et aussi d'une image-temps plus profonde, pour produire parfois de grandes oeuvres.
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Comment l'image-temps surgit-elle ? sans doute avec la mutation du cinéma, après la guerre, quand les situations sensori-motrices font place à des situations optiques et sonores pures (néo-réalisme).
Mais la mutation était préparée depuis longtemps, sous des modes très divers (ozu, mais aussi mankiewic, ou même la comédie musicale). l'image-temps ne supprime pas l'image-mouvement, elle renverse le rapport de subordination au lieu que le temps soit le nombre ou la mesure du mouvement, c'est-à-dire une représentation indirecte, le mouvement n'est plus que la conséquence d'une présentation directe du temps : par là même, un faux mouvement, un faux raccord.
Le faux raccord est un exemple de " coupure irrationnelle ". et, tandis que le cinéma du mouvement opère des enchaînements d'images par coupures rationnelles, le cinéma du temps procède à des ré-enchaînements sur coupure irrationnelle (notamment entre l'image sonore et l'image visuelle).
C'est une erreur de dire que l'image cinématographique est forcément au présent. l'image-temps directe n'est pas au présent, pas plus qu'elle n'est souvenir.
Elle rompt avec la succession empirique et avec la mémoire psychologique, pour s'élever à un ordre ou une série du temps (welles, resnais, godard...). ces signes de temps sont inséparables de signes de pensée et de signes de parole. mais comment la pensée se présente-t-elle au cinéma et quels sont les actes de parole spécifiquement cinématographiques ?
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A travers des séries de paradoxes antiques et modernes, ce livre cherche à déterminer le statut du sens et du non-sens, et d'abord leur lieu.
Où se passe exactement ce qu'on appelle un " événement " ? la profondeur, la hauteur et la surface entrent dans des rapports complexes constitutifs de la vie. les stoïciens furent un nouveau type de philosophes. lewis carroll fut un nouveau type d'écrivain, parce qu'il partait à la conquête des surfaces. il se peut que cette conquête soit le plus grand effort de la vie psychique, dans la sexualité comme dans la pensée.
Et que, dans le sens et le non-sens, " le plus profond c'est la peau ".
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La condition postmoderne : rapport sur le savoir
Jean-françois Lyotard
- Éditions du Minuit
- Critique
- 1 Septembre 1979
- 9782707302762
Contribution à la discussion internationale sur la question de la légitimité : qu'est-ce qui permet aujourd'hui de dire qu'une loi est juste, un énoncé vrai ? Il y a eu les grands récits, l'émancipation du citoyen, la réalisation de l'Esprit, la société sans classes. L'âge moderne y recourait pour légitimer ou critiquer ses savoirs et ses actes. L'homme postmoderne n'y croit plus. Les décideurs lui offrent pour perspective l'accroissement de la puissance et la pacification par la transparence communicationnelle. Mais il sait que le savoir quand à devient marchandise informationnelle est une source de profits et un moyen de décider et de contrôler. Où réside la légitimité, après les récits ? Dans la meilleure opérativité du système ? C'est un critère technologique, il ne permet pas de juger du vrai et du juste. Dans le consensus ? Mais l'invention se fait dans le dissentiment. Pourquoi pas dans ce dernier ? La société qui vient relève moins d'une anthropologie newtonienne (comme le structuralisme ou la théorie des systèmes) et plus d'une pragmatique des particules langagières. Le savoir postmoderne n'est pas seulement l'instrument des pouvoirs : il raffine notre sensibilité aux différences et renforce notre capacité de supporter l'incommensurable. Lui-même ne trouve pas sa raison dans l'homologie des experts, mais dans la paralogie des inventeurs. Et maintenant : une légitimation du lien social, une société juste, est-elle praticable selon un paradoxe analogue ? En quoi consiste celui-ci ?
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Kafka ; pour une litterature mineure
Gilles Deleuze, Félix Guattari
- Éditions du Minuit
- Critique
- 1 Avril 1975
- 9782707300584
Force de kafka.
Politique de kafka. déjà les lettres d'amour sont une politique où kafka se vit lui-même comme un vampire. les nouvelles ou les récits tracent des devenirs-animaux qui sont autant de lignes de fuite actives. les romans, illimités plutôt qu'inachevés, opèrent un démontage des grandes machines sociales présentes et a venir.
Au moment même où il les brandit, et s'en sert comme d'un paravent, kafka ne croit guère à la loi, à la culpabilité, à l'angoisse.
à l'intériorité. ni aux symboles, aux métaphores ou aux allégories. il ne croit qu'à des architectures et à des agencements dessinés par toutes les formes de désir. ses lignes de fuite ne sont jamais un refuge, une sortie hors du monde. c'est au contraire un moyen de détecter ce qui se prépare, et de devancer les "puissances diaboliques" du proche avenir. kafka aime à se définir linguistiquement. politiquement, collectivement, dans les termes d'une littérature dite "mineure".
Mais la littérature mineure est l'élément de toute révolution dans les grandes littératures.
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Devant l'image : question posée aux fins d'une histoire de l'art
Georges Didi-Huberman
- Éditions du Minuit
- Critique
- 4 Avril 1990
- 9782707313362
Ce livre développe une question critique posée et reposée à nos certitudes devant l'image.
Comment regardons-nousoe pas seulement avec les yeux, pas seulement avec notre regard. voir rime avec savoir, ce qui nous suggère que l'oeil sauvage n'existe pas, et que nous embrassons aussi les images avec des mots, avec des procédures de connaissance, avec des catégories de pensée.
D'où viennent-elles, ces catégoriesoe c'est la question posée ici à la discipline de l'histoire de l'art, dont le développement actuel - la finesse de ses outils, son impressionnante capacité d'érudition, sa prétention scientifique, son rôle dans le marché de l'art - semble autoriser le ton de certitude si souvent adopté par les professionnels de l'art, les savants de l'image.
Or, qu'est-ce qu'un savoir lorsque le savoir porte sur ce protée que l'on nomme une imageoe la question exige de mettre à jour la "philosophie spontanée" ou les modèles discursifs mis en jeu lorsque nous cherchons, devant un tableau ou une sculpture, à en tirer, voire à en soutirer une connaissance. entre voir et savoir se glissent bien souvent des mots magiques, les philtres d'une connaissance illusoire: ils résolvent les problèmes, donnent l'impression de comprendre.
Ces mots magiques, vasari, le premier historien de l'art, au xvie siècle, en a inventé de fameux, qui traînent encore dans notre vocabulaire. panofsky, le "réformateur" de l'histoire de l'art, au xxe siècle, les a critiqués dans un sens, à l'aide d'un outil philosophique considérable - la critique kantienne de la connaissance -, mais il les a restaurés dans un autre sens, au nom de l'humanisme et d'un concept encore classique de la représentation.
C'est du côté de freud que l'on a cherché ici les moyens d'une critique renouvelée de la connaissance propre aux images. l'acte de voir s'y est littéralement ouvert, c'est-à-dire déchiré puis déployé: entre représentation et présentation, entre symbole et symptôme, déterminisme et surdétermination. et, pour finir, entre la notion habituelle du visible et une notion renouvelée du visuel. l'équation tranquille - métaphysique ou positiviste du voir et du savoir laisse place dès lors à quelque chose comme un principe d'incertitude.
Quelque chose comme une contrainte du regard au non-savoir. quelque chose qui nous met devant l'image comme face à ce qui se dérobe: position instable s'il en est. mais position qu'il fallait penser comme telle pour la situer malgré tout dans un projet de connaissance - un projet d'histoire de l'art.
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La peinture incarnée ; Le chef-d'oeuvre inconnu
Georges Didi-Huberman, Honoré de Balzac
- Éditions du Minuit
- Critique
- 1 Février 1985
- 9782707310095
Ces « pensées détachées » sur la peinture ont un fil conducteur : c'est une lecture du Chef-d'oeuvre inconnu de Balzac, récit qui fonctionne comme un mythe, admet une multiplicité d'entrées. Mythe sur l'origine, les moyens et l'extrémité de la peinture. C'est de tout cela qu'il est question.
Partant de l'« exigence de la chair » qui traverse tout le drame du peintre Frenhofer, une sorte d'histoire se reconstitue : c'est celle du problème esthétique de l'incarnat en peinture, depuis Cennini jusqu'à Diderot, Hegel, Merleau-Ponty.
Or, ce problème met en jeu le statut même du rapport qu'entretient la peinture figurative - un plan, des couleurs - avec son objet - une peau, des humeurs. Ce rapport est analysé comme une « aliénation », une perte au regard desquelles les notions d'objet et de sujet en peinture échoueront toujours à se stabiliser.
Si l'objet de la peinture - la peau - se perd irrémédiablement dans le plan, que reste-t-il ? Il reste un éclat, que le récit de Balzac met en scène de façon précise et bouleversante. Double est cet éclat : il est détail, hiératisation : le bout d'un pied de femme, « vivant », mais marmorisé. Et il est pan (selon le mot de Proust), c'est-à-dire la violence propre et quasi tactile d'un moment de pure couleur. Violence qui porte le peintre à dire « Rien, rien ! » tout en regardant son tableau. Violence qui porte le peintre vers son suicide. Distinguer conceptuellement le détail et le pan relève ici d'un projet et d'un questionnement : comment parler de la peinture aujourd'hui, entre la théorie sémiotique, la psychanalyse, et l'exigence d'une phénoménologie ?
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Il n'y a probablement de pensée solide - comme d'ailleurs d'oeuvre solide quel qu'en soit le genre, s'agît-il de comédie ou d'opéra-bouffe - que dans le registre de l'impitoyable et du désespoir (désespoir par quoi je n'entends pas une disposition d'esprit portée à la mélancolie, tant s'en faut, mais une disposition réfractaire absolument à tout ce qui ressemble à de l'espoir ou de l'attente). Tout ce qui vise à atténuer la cruauté de la vérité, à atténuer les aspérités du réel, a pour conséquence immanquable de discréditer la plus géniale des entreprises comme la plus estimable des causes.
Réfléchissant sur cette question, je me suis demandé si on pouvait mettre en évidence un certain nombre de principes régissant cette « éthique de la cruauté », - éthique dont le respect ou l'irrespect qualifie ou disqualifie à mes yeux toute oeuvre philosophique. Et il m'a semblé que ceux-ci pouvaient se résumer en deux principes simples, que j'appelle « principe de réalité suffisante » et « principe d'incertitude ».
Le Principe de cruauté est paru en 1988.
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L'objet absolument singulier est incapable de décliner son identité, puisqu'il n'est rien qui lui soit identique : il est à la fois unique et étrange, et pour la même raison.
Tel est le monde dans son ensemble : " un être unilatéral dont le complément en miroir n'existe pas " (ernst mach). et telle est la réalité en général, composée d'objets singuliers, ensemble indéterminé d'objets non identifiables. objets proprement indescriptibles, mais d'autant plus évocateurs du réel que la description en est plus malaisée. ainsi, par exemple, les objets du rire, de la terreur, du désir, du cinéma, de la musique donnent-ils lieu à d'étranges et exemplaires appréhensions du réel.
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Pourquoi « économie libidinale » ? Pour montrer ce qu'il y a de passionnel dans l'économie politique et accessoirement de politique dans les passions. On se place par-delà une philosophie du sujet et par-delà un matérialisme, on se place dans un « lieu » qu'il faut imaginer sans pouvoir le concevoir, nommé ici « la grande pellicule éphémère ».
On rompt donc avec toute sémiotique, toute dialectique, toute critique même, qui sont des pensées du négatif. On affirme les intensités d'affects qui se dissimulent dans « la pensée » et la recherche des significations. Et l'on veut effectuer cette rupture par simple déplacement du ton plutôt que par critique : ton déplacé par la véhémence, qui n'exclut pas à l'occasion une certaine sophistication.
Cette problématique s'engendre d'expériences affectives et politiques et d'une longue fréquentation des textes marxistes et freudiens. Avec l'idée d'économie libidinale, volée à Freud, et détournée sur des parcours où l'on rencontrerait Deleuze, Klossowski, Guyotat, Lyotard propose une approche du capital telle que l'impact des affects dans le jeu de ce dernier n'en soit pas rejeté a priori, comme c'est le cas avec les notions d'aliénation ou d'oppression.
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Aujourd'hui.
En me proposant de publier en livre ce qui fut d'abord un article de journal, Jérôme Lindon m'a donné à réfléchir l'alliance d'un hasard et d'une nécessité. Jusqu'alors, je n'avais pas prêté une attention suffisante au fait qu'un article, L'Autre cap , visiblement assiégé parles questions du journal et du livre, de l'édition, de la presse et de la culture médiatique, avait certes été publié dans un journal (Liber, Revue européenne des livres, octobre 1990, n°5), mais dans un journal singulier qui tente d'échapper à la règle, puisqu'il est simultanément inséré, de façon inhabituelle, dans d'autres journaux européens et simultanément en quatre langues. Or, il se trouve, de façon apparemment fortuite, qu'un autre article, La Démocratie ajournée , traitant au fond de problèmes analogues, et d'abord de la presse et de l'édition, du journal, du livre et des médias (dans leur rapport à l'opinion publique, aux libertés, aux droits de l'homme, à la démocratie - et à l'Europe) avait été lui aussi publié l'année précédente dans un autre journal qui fut aussi le même, à savoir Le Monde, et encore à part, dans le supplément d'un numéro singulier : le premier numéro du Monde de la Révolution française (janvier 1989) qui parut douze fois l'année du bicentenaire. Au-delà du partage des thèmes et en raison de cette situation (un journal dans le journal mais aussi un journal comme tiré à part), j'ai donc imaginé qu'il y avait quelque sens à replacer ces deux articles tels quels, côte à côte et sous le même jour. Le jour, justement, la question ou la réflexion du jour, la résonance du mot aujourd'hui, voilà ce que ces articles de journal gardent de plus commun - à leur date, au jour d'alors. Les hypothèses et les propositions ainsi risquées s'en trouvent-elles pour autant datées aujourd'hui, au moment où les problèmes du droit, de l'opinion publique et de la communication médiatique, entre autres, connaissent l'urgence et la gravité que l'on sait ? Au lecteur d'en juger.
Aujourd'hui se trouve être le premier, non le dernier mot de La Démocratie ajournée . Il entre peut-être en correspondance avec ce qui résonne étrangement dans l'apostrophe de Paul Valéry, citée à l'ouverture de L'Autre cap et relancée de loin en loin : Qu'allez-vous faire AUJOURD'HUI .
Jacques Derrida, le 29 janvier 1991.
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Avec Le Différend, Lyotard donne ce qu'il appelle « son livre de philosophie », après neuf ans de travail. Livre composé d'une suite de réflexions, ordonnée par numéros, interrompue selon l'opportunité par des notices de lecture de textes philosophiques (de Gorgias à Levinas), découpée en sections (différend, référent et nom, présentation, résultat, obligation, genre et norme, signe d'histoire). Au début, une brève fiche de lecture définit le titre, l'objet, la thèse, la question, le problème, le contexte, le prétexte, le mode, le genre, le style, le lecteur, l'auteur, et l'adresse. À la fin, index des oeuvres citées, des noms, des termes, une table des matières. Lecture aisée ; notices plus « techniques ». Kant et Wittgenstein particulièrement allégués (et détournés ?) La réflexion part de la polémique relative à l'existence des chambres à gaz (Faurisson, Vidal-Naquet). Elle s'étend lentement à la question du différend en matière de réalité, d'être et de temps, de devoir et de politique. Le différend est un conflit qui ne peut pas être tranché équitablement faute d'une règle de jugement applicable aux deux argumentations en présence. Peu à peu se dégage l'idée des « phrases » comme seul objet de la réflexion, des régimes divers (montrer, ordonner, raisonner, connaître, etc.) selon lesquels elles sont formées, et des genres de discours qui déterminent les fins en vue desquelles elles sont enchaînées (savoir, enseigner, être juste, séduire, etc.). Les régimes de phrases entre eux, les genres de discours entre eux sont hétérogènes. Il n'y a pas de langage en général, et pas de sujet qui userait du langage. Le problème est donc : si l'on ne peut éviter les conflits et si l'on ne peut éviter d'enchaîner une phrase sur une autre, - si donc on ne peut ni être pacifiste en matière de phrases, ni être indifférent, comment se guider par rapport à l'événement qui est l'occurrence d'une phrase ?
Le contexte de ce livre est le « tournant langagier » des philosophies occidentales et le déclin des métaphysiques universalistes (dont le retrait du marxisme et la « crise de la théorie » sont des aspects). Il ne s'agit de rien de moins qu'établir une pensée qui soit à la « hauteur » de la « post-modernité », celle-ci conçue non pas comme l'abandon du projet moderne, mais comme une autre figuration de l'être et du phraser.
Lecteur possible : n'importe qui, s'il n'est pas pressé de conclure ; le livre concerne les philosophes, les historiens, les linguistes, les anthropologues, les politologues, les économistes.
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Trois essais psychanalytiques sur la face négative du complexe d'å'dipe dans la tragédie antique, élizabéthaine, classique.
Le meurtre de la mère par le fils, tel que le mettent en scène eschyle dans l'orestie, sophocle et euripide dans etectre, offre l'occasion d'une confrontation entre les trois tragiques traitant le même thème du matricide et de sa sanction. le meurtre de la femme par l'époux est vu à travers la folie jalouse d'othello, oú shakespeare dévoile, par la structure de la tragédie, le procès de la paranoïa.
Le meurtre de la fille par le père est celui du sacrifice d'iphigénie en aulide, oú racine fait, par rapport à euripide - celui de l'iphigénie à aulis et celui des bacchantes -, l'économie du sacrifice. un prologue sur la lecture psychanalytique des tragiques, fixant la ligne de cette contribution à là critique littéraire, et un épilogue oú sont examinées les relations entre le mythe d'å'dipe et la vérité qui s'y fait jour à travers les déformations qu'elle subit, encadrent ces trois essais.
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Le philosophe et les sortilèges
Clément Rosset
- Éditions du Minuit
- Critique
- 1 Mars 1985
- 9782707310118
Toute forme d'exorcisme du réel joue du prestige fascinant et ambiguë de ce qui n'est pas par rapport à ce qui est, de e qui serait " autrement " par rapport à ce qui est ainsi, de ce qui serait " ailleurs " par rapporte à ce qui est ici.
Car le sortilège attaché à ces notions négatives est de faire miroiter, au-delà de leur propre négativité, l'illusion d'une sorte de positivité fantomale : comme si le fait de signaler que quelque chose n'est ni ici ni ainsi suffisait à établir que e quelque chose existe ou pourrait exister. cette illusion élémentaire, qui fait la fortune des charlatans, fait aussi parfois celle des philosophes qui s'y laissent prendre.
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« Celui que la psychanalyse a empoigné, elle ne le lâche plus », disait Biswanger. Pourquoi les fidèles de la psychanalyse sont-ils enfermés dans un discours qui n'est cohérent et rigoureux que pour eux-mêmes ? Pourquoi finalement la gent psychanalytique (analystes et analysants) se comporte-t-elle peu ou prou comme une secte ? Cela s'explique d'abord par la nature très particulière du discours de Freud. Il fallait donc étudier son style dans sa spécificité. Comment une théorie, reconnaissant qu'elle ne peut ni être prouvée, ni réfutée, réussit-elle à former un lecteur qui va se mettre progressivement à penser comme l'auteur ? Freud a su inventer une écriture particulière à cette fin.
Cela s'explique davantage encore par l'importance du transfert dans la cure. Freud estimait, non sans hésitation, que la technique de libre association, le tout dire, permettait de délivrer la psychanalyse de ce qui pouvait la rattacher à l'hypnose. Ses successeurs n'ont plus aucun doute à ce sujet. Pourtant on peut se demander si le véritable ressort du transfert n'est pas identique à celui de l'hypnose : la passion de se fondre dans l'autre et de l'absorber.
Est-il possible de trouver une issue à l'épaisseur de ces questions ? Peut-être faudrait-il d'abord ne pas se voiler la face pour ne rien voir des difficultés réelles et passer son temps à résoudre des problèmes d'écoles ? Si la psychanalyse renonçait à ses prétentions scientifiques, peut-être pourrait-elle lâcher quelques-uns de ses adeptes et leur permettre d'inventer leurs légendes, celles qui permettent d'errer et de rire.
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Philosophie par gros temps
Vincent Descombes
- Éditions du Minuit
- Critique
- 1 Septembre 1989
- 9782707312914
Comment la philosophie doit-elle traiter de l'actualité ?
De tous côtés, on invite les philosophes à se prononcer sur le sens de l'époque.
Mais en quoi un philosophe serait-il plus qualifié que d'autres pour rédiger l'éditorial de votre journal quotidien ?
En réalité, la notion d'un " discours philosophique de la modernité " doit être rejetée. le sujet de la modernité appartient aux écrivains, aux critiques des moeurs, aux sociologues de l'individualisme. c'est d'ailleurs ainsi que baudelaire l'entendait dans ses pages sur la poésie de la vie moderne.
A la racine des confusions sur le sens philosophique du temps présent, il y a une assimilation abusive du moderne au rationnel. ceux qui ont posé cette équivalence ont été partout placés devant un paradoxe : le rationnel tel qu'ils le définissent ne parvient plus à se distinguer de l'arbitraire que par une différence elle-même arbitraire. position connue aujourd'hui sous le nom générique de " post-structuralisme ".
Il appartient maintenant aux philosophes de concevoir autrement les principes de la raison, de façon à éviter l'outrecuidance d'en réserver l'intelligence à la disposition légitime aux seuls citoyens du monde moderne.
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Hermes v. le passage du nord-ouest
Michel Serres
- Éditions du Minuit
- Critique
- 1 Novembre 1980
- 9782707303202