Le mythe cosmogonique, qui demande à la vie le secret de ses origines, oscille toujours, dans le recours à l'imaginaire, entre la théorie de l'évolution et celle de la construction du monde.
Pendant sept ou huit années, Jean-Pierre Otte s'est attaché à rassembler les mythes de l'origine et de la création du cercle Arctique (peuples esquimaux et sibériens), de l'Amérique du Nord, de l'Afrique noire, de l'Océanie et de l'Australie de l'« Ere du rêve ».
A découlé de cette recherche un premier volume, les Aubes sauvages. Ces dernières sont peu connues, inconnues, introuvables, dispersées ou fragmentaires ;
Souvent, elles n'ont jamais été traduites de la langue dans laquelle les grands voyageurs, les missionnaires, les premiers ethnographes les rapportèrent. Jean- Pierre Otte s'est efforcé d'amener progressivement cette tradition orale et disparate du monde de l'origine à l'existence écrite. Son travail dans la rigueur n'en est pas moins une transposition poétique, aussi vivante et passionnée que possible.
Un second volume, Les Aubes enchantées, poursuit l'entreprise étonnante menée par J-P Otte à travers la notion d'enchantement de l'auditoire, nécessaire à la transmission orale. Ces aubes sont aussi celles du désir et de l'amour, comme chez les Tucanos, où le premier homme s'unit à la fille de la Truite ; en Polynésie, c'est encore un héros qui, à chaque étreinte amoureuse, révèle une nouvelle réalité du monde.
Le rapprochement a été fait de longue date entre le personnage d'Ulysse et le dieu Hermès, très proche des humains : l'originalité du livre est de tenter d'aller plus loin que ce simple constat, en montrant comment les aèdes ont modelé Ulysse à l'image du dieu, selon les exigences de l'épopée. En le faisant « descendre » dans le monde des hommes, ils ont fait du dieu qui ne combattait pas (Hermès) un « guerrier » (Ulysse), bien piètre en réalité. Ils le dotèrent d'une « biographie » en l'établissant souverain d'un royaume improbable puisque localisé aux confins brumeux et presque infernaux de l'Occident hellénique archaïque ; polymorphe contradictoire, ils en firent un errant perpétuel et souffrant, à l'image d'Hermès : car le livre établit pour la première fois les souffrances du dieu dans les diverses manifestations de son culte (Hymne homérique, statues, rituels). Ces souffrances sont expliquées comme l'accompagnement nécessaire d'un cycle de disparitions suivies de retours à travers de perpétuelles métamorphoses. Il est alors proposé une clé de lecture de l'architecture souterraine de l'Odyssée, basée sur une allégorie lunaire très savante : le cycle de la lune sous-tend les aventures d'Ulysse, son voyage final de retour comme les douze étapes préalables dont il fait le récit chez Alkinoos.
« Phèdre à Hippolyte », trois mots pour évoquer l'aveu amoureux qui, à lui seul, concentre l'épisode joué par ces figures mythologiques. Toujours central au fil des variations, ses conséquences s'avèrent toujours fatales.
Au-delà des références que sont les tragédies d'Euripide et de Sénèque, des repères pourtant contradictoires, la démultiplication des trames s'enclenche dès que l'on ouvre sur les pièces perdues du même Euripide et de Sophocle, à travers les fragments ou un résumé récemment révélé par deux papyrus.
L'ajout d'un texte ancien peu connu, la Description d'une oeuvre d'art de Procope de Gaza, entraîne une nouvelle mise en perspective de l'aveu et une relecture de ces sources à travers la version inédite qu'il propose, mêlant références théâtrales et iconographiques. On le suivra au prisme chronologique de ses temps forts : l'amour / l'aveu / la mort, en élargissant encore à un choix éclectique de trois autres pièces - Phèdre de Tsvetaeva, Phèdre de Ritsos, Gibiers du temps de Gabily - qui servent de révélateur aux potentialités antiques de la trame mythique.
Une vaste enquête autour de la scène d'aveu et de ses possibles, théâtraux et figurés, voilà l'invitation des pages de Phèdre à Hippolyte, dans un pont entre l'antique et le contemporain qui fait le pari de leur enrichissement réciproque.
"Qu'un helléniste "dévie" de sa route pour qu'il s'intéresse à des japonaiseries peut étonner, voire scandaliser. On lui pardonnera cependant : chacun a droit à un jardin secret, pourvu qu'il soit de modeste dimension, et a donc licence de quitter de façon éphémère la Méditerranée source de toute culture. Je ne réclame cependant pas de circonstance atténuante. Les hommes instruits en choses mythiques savent qu'il y a d'étranges analogies entre deux déesses, Déméter la grecque et Amaterasu la nipponne : ce sont de bienveillantes déités, promotrices des diverses formes de l'élan vital, mais elles peuvent se muer en redoutables Mères la Colère qui anéantissent toute possibilité de vivre sur la terre. Et seul un acte magique peut les apaiser, les rendre à leur vraie nature : une jeune femme ou déesse dévoile son sexe et met fin à la rupture de l'ordre naturel en déclenchant un rire cosmique". Ainsi commence l'ouvrage de Pierre Lévêque, grâce à qui, pour la première fois, le lecteur français découvrira la structure, la genèse et le sens des mythes japonais.
Tome I « Les fables ne sont pas ce qu'elles semblent être », déclarait La Fontaine, après le fabuliste latin Phèdre. Il y a l'apparence et la réalité, la surface et les strates successives qui, de descente en descente dans les profondeurs du mythe, livreront peut-être au mythologue mué en spéléologue la signification la plus ancienne.
C'est ainsi que, grâce à l'étymologie se révèlent les traits primitifs de la personnalité de certains héros. Mais cette recherche nous mène plus loin encore, vers les origines du monde, les cosmogonies, les cataclysmes primordiaux, les naissances et renaissances d'une humanité sans cesse remise en question par le dieu suprême. Elle permet de découvrir, au-delà de l'admirable torse pivotant du Discobole de Myron, les dieux de la végétation bulbeuse que vénéraient les premiers hommes. Elle met en lumière la propension des Grecs à éloigner dans l'espace et dans le temps aussi bien le monde idéal (les pays au parfum où habitent les dieux, les contrées de justice, d'abondance et de bonheur des Hyperboréens et des Éthiopiens) que l'humanité qui s'entretue et s'entredévore, une humanité enférocée qui, selon les Grecs, ne saurait être que barbare, non-grecque. Mais cette opération de propagande, consciente ou inconsciente, est manquée : les mythes dévoilent, les mythes dénoncent.
Tome II Au troisième millénaire se pratiquent encore chez certains peuples (Afrique, Nouvelle-Guinée, Amérindiens) des rites initiatiques très proches de ceux que les Grecs ont connus bien avant Homère. À l'époque classique il en restait des souvenirs, surtout dans les pays des confins, mais aussi dans les institutions des cités les plus civilisées (comme Athènes, Sparte, Thèbes ou Corinthe), et plus encore dans leurs mythes. Le fil d'Ariane qui permet de retrouver ses traces, c'est la symbolique de la mort et de la résurrection. Quittant le monde de l'enfance pour entrer dans celui des adultes, l'adolescent doit mourir pour mieux renaître. Cet ouvrage s'efforce de dégager dix-sept traits initiatiques, les plus fréquents, avant d'entrer dans le détail des mythes, poser les questions et tenter de les résoudre. Par exemple : quel rapport y a-t-il entre le labyrinthe et la danse de la grue exécutée par Thésée et ses compagnons après la victoire sur le Minotaure ? D'où vient la granitula, une danse encore exécutée en Italie du sud et en Corse du nord le jour du Vendredi Saint ? Pourquoi tant de héros portent-ils le nom du loup, de Lycomède aux nombreux Lykos en passant par Autolykos, Harpalykos, Lykas, Lykenion ou Lycurgue ? Telles sont quelques-unes des questions qui sont posées dans cet ouvrage. Bien entendu, la place finale, la place d'honneur, est réservée à Ulysse, le plus « éprouvé » de tous les héros grecs.
Ces Mythes Grecs I & II sont le fruit d'une recherche commencée il y a un tiers de siècle. Ils ont fait l'objet d'une première publication par les Publications de la Recherche, Université Paul-Valéry, Montpellier III, en 1999 pour Mythes Grecs I et en 2002 pour Mythes Grecs II. Dans chaque tome un index facilite la recherche d'informations sur les héros et les dieux étudiés.
Cyrène au ciel percé, Cyrène et ses trois récoltes annuelles de fruits, Cyrène nourricière de troupeaux en ses riches pâturages. Poètes et historiographes ont rivalisé d'invention pour faire de la fertile et prospère colonie grecque de Libye une terre de l'Âge d'or.
Mais Cyrène, c'est aussi le nom de la jeune nymphe tueuse de lions qu'Apollon, amoureux, emmène de Thessalie en Libye pour s'unir à elle sur le site de la future cité grecque, autour de l'eau jaillissante qui porte le même nom. C'est encore une terre lointaine qu'il faut ancrer au continent par un autre récit métaphorique, animé par les Argonautes. C'est enfin ce territoire civique dont le balbutiant Battos, conduit par la voix oraculaire d'Apollon Pythien, trace le plan en forme de nef, pour être héroïsé à sa poupe.
Dans plusieurs entrelacs narratifs et métaphoriques d'une extraordinaire richesse les Grecs ont tissé la mémoire poétique d'un acte de fondation essentiel, consacré par un culte héroïque. Au gré des circonstances historiques, selon les occasions rituelles, en relation avec les genres qui les portent à leur public, ces différentes configurations du temps, de l'espace et de l'événement ne cessent de se métamorphoser. Mythe, légende, conte ou histoire ?
L'occasion est trop belle pour ne pas montrer qu'en dépit de sa dénomination hellène, le mythe n'est pas une catégorie indigène. Pour les Grecs, les récits de fondation font partie de cette « archéologie » qui soumet l'histoire des temps anciens à la spéculation symbolique pour l'offrir à la communauté de croyance qui l'entretient sous une forme en général rituelle, avec une efficacité politique et religieuse renouvelée.
Telle est la double visée de cet essai : tenter une critique du concept moderne de mythe tout en restituant dans leurs profondeur sémantique, et avec leurs fonctions poétiques et sociales, les créations fictionnelles suscitées par les relations mémorielles des Grecs avec le passé de la plus « mythique » de leurs colonies.
Les idéologies dominantes dans le domaine des études sur la Grèce ancienne ont instauré deux miracles auxquels je ne crois pas: le miracle indo-européen du second millénaire - simple remontée du « miracle grec » de jadis - qui, en s'appuyant sur quelques vérités linguistiques et un schéma fonctionnel élémentaire, nie la chaîne culturelle de deux millénaires de civilisation et de littérature méditerranéennes et procheorientales, et le miracle de la Cité grecque surgie entre le XIe et VIIIe siècle: loin de moi de refuser la réalité et l'importance des cités!
Cependant, après tout, le monde néolithique a vu naître d'autres cités que des grecques, mais surtout, depuis Platon, l'Idée de la Cité l'emporte sur la cité, et ce phantasme nourrit aujourd'hui, après maints avatars, la pensée post-hégélienne.
Hors la cité, point de salut? Tout au rebours, il m'apparaît que chez les Grecs, comme pour nous, c'est au fond de l'homme d'abord, dans ce qu'un dieu y a mis au commencement - les mythes en même temps que l'être, héritage génétique en même temps que culturel - qu'il y a eu et qu'il est quelque chance de salut, et quelque sens...Les Muses à Hésiode ont appris les vérités. Sur l'Hélicon.
Rompant avec les préjugés de toute la recherche traditionnelle sur la philosophie présocratique, Peter Kingsley renouvelle dans cet ouvrage l'approche d'Empédocle : au lieu d'interpréter les fragments de sa poésie à partir d'une idée post-platonicienne ou post-aristotélicienne de la philosophie, il entreprend de nous faire entendre leur étrangeté en les replaçant dans leur contexte originel, un contexte où la philosophie n'est pas d'abord conçue comme une entreprise rationnelle mais comme un mode de vie où la pensée est étroitement liée à la mythologie, aux mystères et à la magie.
Sont ainsi reconstruites les relations d'Empédocle avec le pythagorisme ancien, mais aussi l'origine pythagoricienne des mythes de Platon, notamment celui du Phédon qui fait l'objet d'une étude approfondie, avec un certain nombre de conséquences méthodologiques pour l'étude de la philosophie antique en général. La deuxième moitié du livre réexamine le problème des liens entre magie, science et religion dans la philosophie ancienne.
Elle met en évidence une ligne de transmission qui, partant d'Empédocle et des premiers pythagoriciens, atteindra l'Égypte puis le monde islamique. Ce processus de transmission, jusqu'ici négligé, bouleverse notre compréhension non seulement de la philosophie grecque, mais aussi de l'arrière-plan culturel de l'alchimie ancienne, du soufisme et du mysticisme médiéval.
" il y a environ cinquante ans, écrit peler kingsley, plusieurs inscriptions grecques ont été découvertes dans le sud de l'italie, sur le site de la ville de vélia, la patrie de parménide.
Leur étude révèle les traditions de philosophes antiques qui furent nos ancêtres, mystiques cloués d'un merveilleux sens pratique. [. ] parmi eux se détache le personnage de parménide dont le monde moderne a presque oublié la véritable figure. ce livre s'attache à la faire revivre. " ces inscriptions amènent à situer parménide dans un tout autre monde que celui oú nous le placions. ce qui nous est alors dévoilé, c'est le monde de la grèce archaïque, avec ses sages devins, ses législateurs et ses rituels d'initiation, et parménide (re)devient l'un d'entre eux.
En particulier, on restitue l'existence d'une sorte de tanière d'initiation, d'un antre, oú l'on allait recevoir par rêve la révélation des dieux. l'ouvrage, qui repose sur une très solide documentation, est écrit d'une manière parfaitement accessible, et toutes les discussions savantes, par exemple, ont été reléguées dans les notes. il se développe à la manière d'un puzzle, dont les éléments se révèlent les uns après les autres et prennent sens les uns par rapport aux autres.
Nul doute que l'ouvrage ne soit destiné à être âprement discuté, tant il attaque de positions ordinairement tenues.
L'éclipse du 11 août 1999 a eu lieu.
Et la terre tourne toujours. une terrible tempête a ravagé la france et une grande partie de l'europe pour l'avènement de l'an 2000. la destruction des twin towers de manhattan le 11 septembre 2001, même si elle résulte du terrorisme, a, elle aussi, quelque chose de cataclysmique. douloureuse fin et douloureux début de siècle ! le grand intérêt, mêlé d'inquiétude, que suscite ce changement de millénaire, n'est pas neuf : voici plus de 2000 ans que des générations attendent la fin du monde, ou, à défaut, quelques prodromes incontestables de son imminence.
Depuis fort longtemps déjà, des hommes, tous dignes de confiance, ont élaboré de savants calculs afin de déterminer la date de cet événement inouï, mais l'unanimité n'est pas de mise dans ce domaine, et l'humanité a franchi les siècles, les uns après les autres, millénaire après millénaire, sans que se vérifient les prédictions, sans que s'écroule l'univers. d'oú vient donc ce mythe tenace, car c'en est un, selon lequel l'univers doit un jour disparaître, succombant à un fléau d'une ampleur extraordinaire ? c'est pour répondre à cette question que christine dumas-reungoat a mené avec science et passion l'enquête qui fait la matière de ce livre et qui conduira le lecteur des anciens mésopotamiens à la bible en passant par hésiode et l'avesta.
Depuis la première moitié du XIXe siècle et encore tout récemment, on a retrouvé dans des tombes de Grande Grèce, de Crète ou de Thessalie, des lamelles d'or, très fines, datables du IVe au IIe siècle av. J.-C., qui contiennent des instructions destinées à guider, au cours de son voyage dans l'Autre monde, l'âme dûment initiée à une doctrine mystérique, initiation sur laquelle le monde antique a réussi à maintenir le secret.
Dans ce livre, où ces textes sont tous publiés et traduits, Giovanni Pugliese Carratelli fait le point sur les diverses interprétations proposées, et avance l'hypothèse qu'une bonne partie de ces documents, jusqu'ici désignés génériquement comme « orphiques », sont intimement liés à l'école de Pythagore. Tous ces textes manifestent l'espérance d'être délivré de nouvelles expériences de vie ici-bas, mais l'auteur insiste particulièrement sur les textes où Mnémosyne, la mère des Muses, joue un grand rôle : c'est elle, et elle seule, qui permet à l'initié d'échapper au cycle des renaissances et d'atteindre à la connaissance de son origine céleste. Les hommes, en effet, issus d'un premier acte d'hybris (les Titans, ayant dévoré Dionysos Zagreus, ont été foudroyés par Zeus), sont contraints d'expier cette hybris dans le tissu de souffrances qu'est leur vie ; seuls échappent au cycle des renaissances ceux qui recourent à la philosophie (qui, comme l'enseignent les Pythagoriciens, est placée sous le patronage de Mnémosyne) ou à l'initiation aux Mystères.
Ce livre est la traduction de la deuxième édition de l'ouvrage italien, parue en 2001. A l'occasion de cette traduction, l'ouvrage a été revu par son auteur et enrichi d'indices.
Le sang, le lait et le sperme maintiennent et reproduisent la vie, mais sont aussi les substances que les cultures humaines manipulent, du point de vue symbolique, pour affirmer la domination masculine. Du lait d´épaule au lait de coeur, du miracle du sang de saint Janvier de Naples à la consommation des « os de morts » sous forme de gâteaux en Sicile, de l'attribution des "cornes" aux époux trompés, au versement de sang des Vattienti de Calabre en l´honneur de la Vierge, ce livre aide à comprendre le rôle des fluides du corps dans les mythes, les croyances et les rites du Sud de l´Italie. Ce livre permettra au lecteur d'avoir une vue d'ensemble sur un phénomène complexe dont les traits particuliers se lient à des évidences élémentaires - donc universelles - de la culture humaine.
Le sauvage et son Double est une étude comparative de quelques figures de double dans la littérature mythique de l'Occident. Du Poème de Gilgamesh à l'Odyssée, de la Bible à la Chanson de Roland, beaucoup de textes racontent l'histoire dramatique de deux amis ou deux ennemis, deux jumeaux ou deux frères dont l'un d'entre eux, souvent figuré en sauvage, doit mourir de mort violente ou bien subir des mutilations permanentes afin que l'autre puisse fonder une civilisation. L'introduction propose de regrouper ces textes sous l'intitulé de littérature mythique en discutant les choix de méthode et des sujets abordés. Les cinq chapitres du livre analysent respectivement les couples 1) Gilgamesh et Enkidu ; 2) Ulysse et Polyphème, comparé surtout avec le couple mésopotamien ; 3) Jean-Baptiste et Jésus, précédé par l'étude de quelques figures de double de l'Ancien Testament, de Caïn et Abel à Jacob et Esaü ; 4) Renart et Ysengrin, dont l'opposition est étudiée dans le cadre du rapport incestueux du renard avec la louve Hersent ; 5) Roland et ses doubles, dont en particulier l'oncle-père Charlemagne. La lecture de ce livre peut nous aider à mettre au jour les racines profondes de nos attitudes vis-à-vis d'autrui, ou de ce sauvage éternel qui est en nous.
Rarement notés, les points communs entre athéna et la grande déesse indienne, celle connue sous les noms, entre autres, de durgâ, kalî, devî, sont pourtant remarquables.
Ils s'appliquent aussi bien aux déesses elles-mêmes, qui présentent, entre grèce ancienne et inde, des caractères communs, des mythes apparentés, des affinités identiques avec des objets, des plantes, des animaux, qu'aux rites qui les célèbrent : les panathénées d'athènes coïncident jusque dans le détail avec la grande fête de la déesse indienne. a son tour, la comparaison des déesses entraîne celle de personnages qui leur sont liés, comme erikhthonios et ganesa, l'un et l'autre fils " indirects " de la déesse, ou entre skanda, dieu de la guerre, et ce même erikhthonios.
A ces divinités, l'indienne et la grecque, correspond également la grande déesse celtique, qui partage avec elles les mêmes caractères. c'est l'image d'une déesse de premier plan, attestée à la fois en inde, en grèce et dans le monde celtique, qui émerge à l'issue de cette enquête.
Nous avons surtout cherché dans l'ouvrage que nous présentons à retracer la longue histoire d'un mythe et d'un personnage.
Nous avons en effet la chance de disposer d'une documentation chronologiquement étendue sur une durée exceptionnelle. Le Prométhée grec est mystérieux à bien des égards : il l'était déjà chez Hésiode et chez Eschyle, dont les oeuvres laissaient deviner pourtant, irritant notre curiosité, toute une préhistoire inconnue de nous. Nous pouvions dès longtemps suivre le dieu déchu et sa légende, à travers les siècles, jusqu'à notre époque, dans les nombreux avatars que lui ont fournis la conscience et les littératures des hommes, et même les arts figurés. Mais nous avons, dans notre recherche, rencontré davantage, et ceci voudrait être notre apport personnel : grâce aux découvertes récentes de textes antérieurs au monde grec et dont ses poètes se sont inspirés, nous avons pu essayer de reconstituer - partiellement - la préhistoire de Prométhée, sous un autre nom, en remontant jusqu'aux temps suméro-babyloniens.
Jacqueline Duchemin (1972)
« Osons le dire, ce qu'on va lire sous la plume de Joël Thomas me paraît être fondamental en son domaine. (.) Pour beaucoup de lecteurs, ce livre va être une heureuse surprise et aussi une source de bénéfices de tout ordre, car, dans bien des domaines, antiques et modernes, la culture littéraire et philosophique de Joël Thomas est très étendue et déborde sur les lettres contemporaines, les littératures orientales et même, parfois, les conclusions actuelles de la science physique. » Paul Veyne, extrait de la préface.
L'auteur part d'une relecture de Virgile et d'Ovide : l'Énéide comme épopée initiatique des origines de Rome, et le poème mythologique des Métamorphoses. Au-delà de l'homme romain, c'est à chacun de nous que Virgile et Ovide parlent : la mythologie est la terre natale de toutes les formes symboliques. Aussi, par-delà vingt-deux siècles, nous nous sentons dans une fraternité avec les peurs, les joies et les désirs qui s'expriment dans ces textes. Enée confronté à l'incertitude du risque et à la certitude de l'amour est l'archétype de chacun de nous essayant de construire son espace personnel. En tant qu'homo viator, il est à la fois guerrier, passeur et exilé ; et comme héros fondateur, il met en ordre le monde, à mesure qu'il progresse dans l'organisation de sa psyché. Comme le dit Paul Veyne dans sa préface à ce livre, nous y trouvons la « vérité profonde » de ces « structures privilégiées de l'imaginaire humain ».
Au-delà de ces fulgurances, c'est cet écho que l'auteur essaie de repérer plus généralement dans l'imaginaire des Latins, aussi bien pendant la période augustéenne que dans ses influences, en particulier dans la construction de l'Europe. Car, dans une forme de feed back, l'Enéide est à la fois la matrice et le reflet de la romanité ; et le phare de la romanité ne s'est pas éteint avec ses formes matérielles. L'Énéide inspirant la Divine Comédie, ou relue par la Créüside de Magda Szabo, Ovide revisité par David Malouf, ou Catulle modèle possible pour le Bateau Ivre de Rimbaud : même lorsque ses formes transitoires ne sont plus, Roma Aeterna demeure, et « ce qui demeure, les poètes le fondent » (R.-M. Rilke).
Pour mieux le mettre en évidence, Joël Thomas a recours à deux outils méthodologiques contemporains : la mythocritique, comme étude des textes, et la mythanalyse, comme étude plus générale des formes de l'imaginaire social. Ainsi confrontés, le monde ancien et notre monde contemporain s'éclairent réciproquement.
« Divers facteurs sont responsables de la résolution que j'ai prise de consacrer un petit ouvrage de présentation au Danois Saxo Grammaticus. Trop injustement méconnu parce qu'il a eu l'idée de rédiger son chef-d'oeuvre en latin, et dans un latin particulièrement ardu qui aura découragé - de plus en plus d'ailleurs - de le fréquenter. Vous me direz qu'il en va de même de son exact contemporain, l'Islandais Snorri Sturluson, qui écrivait, lui, en vieil islandais, langue guère plus fréquentable aujourd'hui que le latin classique et qui sort tout juste, lui aussi, du silence et des ténèbres.
En fait, ces deux historiens se sont passionnés pour le passé de leur pays respectif et ils se sont entendus, sans se connaître bien entendu, à le présenter en même temps que la prétendue religion de leurs ancêtres. [.] Oui, il y a beau temps que j'avais grande envie de consacrer un petit travail à ce Danois [.]. » RÉGIS BOYER La Gesta Danorum est un récit, pour l'essentiel, de l'histoire des Danois, depuis les origines jusqu'à l'époque où vécut Saxo. Elle est l'une des plus anciennes et des plus importantes oeuvres littéraires danoises : elle a joué, et joue encore à l'heure actuelle, un rôle fondamental dans la constitution du ciment identitaire du Danemark.
Les neuf premiers livres de la Gesta Danorum décrivent les traditions des rois et des héros antiques, des origines, jusqu'aux environs des années 950. Cette oeuvre raconte les histoires de personnages illustres comme Fredfrode, Amleth, Fenge, Hrolfr Kraki, Hadding, le géant Starkather, Harald Hildetand ou encore Ragnar Lodbrok. Elles relatent également les mythes des dieux nordiques qui, selon la tradition, sont devenus des rois danois.
L'oeuvre est probablement à l'origine du mythe d'Hamlet.
Ce livre revient sur une comparaison entre deux grands dieux, l'un, grec, Dionysos, l'autre, indien, Siva. En tenant compte des travaux antérieurs et en apportant un nouveau matériel, l'auteur montre que ces deux figures remontent à une seule et même, celle d'un dieu auquel sont attribués tous les excès (débauche, consommation d'alcools ou de drogues, etc.). Ce dieu lié au monde des morts entraîne ses fidèles et adorateurs au-delà des limites communément admises par la société. Dionysos et Siva possèdent un grand nombre de mythes en commun, et globalement ce qui est dit en Grèce ancienne de Dionysos était dit de Siva en Inde ancienne et médiévale.
La recherche comparative révèle que d'autres figures divines chez les Germains, les Baltes, les Anatoliens, les Thraces, les Phrygiens, les Celtes se rattachent à Dionysos et Siva. Cela confirme que Siva et Dionysos représentent un héritage religieux indo-européen. Inde et Grèce se caractérisent, par rapport aux autres nations de langue indo-européenne, par l'extrême richesse du matériel qu'elles offrent.
C'est donc tout un pan de l'idéologie indo-européenne qui se distingue et se met ici en exergue.
La rupture entre Freud et Jung est généralement attribuée à leur désaccord concernant l'importance jouée par la sexualité dans les affections psychiques et les productions culturelles. Quelle que soit la pertinence d'une telle interprétation aux enjeux manifestement fondamentaux pour la théorie freudienne, elle est loin de constituer le paradigme essentiel qui a conduit à leur rupture. Jacquy Chemouni montre dans cette étude que l'impossible accord entre le maître de Vienne et l'élève de Zurich réside dans le rôle que chacun alloue à la mythologie. Sans que les protagonistes en aient eu clairement conscience, la conception jungienne de la mythologie vient non seulement subvertir les acquis théoriques de la psychanalyse mais, plus fondamentalement, ébranle la démarche clinique freudienne et devient un outil incontournable dans le travail thérapeutique.
Loin de cantonner le mythe à un objet scientifique, une sorte de lettre morte laissée au compte du mythologue, Jung l'appréhende, initialement grâce à l'apport de la psychanalyse, comme une réalité vivante encore susceptible de marquer les esprits et de façonner la psyché. Jung est soucieux de ne pas « démythologiser » la psyché et ses analyses n'ont pas pour finalité d'abolir les croyances au mythe mais d'en assurer la survivance. Freud, plus rationaliste, pense à l'inverse qu'il faut extraire l'homme des croyances mythiques.
Les travaux sur les pathologies psychotiques menés par les plus brillants élèves de Jung, principalement Johann Jacob Honegger, Jan Nelken et Sabina Spielrein, vont confirmer la conviction du fondateur de la psychologie analytique que la psyché de ses contemporains est nourrie de mythes ancestraux dont ils n'ont jamais eu connaissance de quelque manière que ce soit. Se dessine alors un nouveau paradigme qui rendra la psychanalyse freudienne et la psychologie analytique radicalement étrangères l'une à l'autre.
Ce livre est l'histoire d'une erreur qui fut une vérité mille années durant. Petite ville, Chartres a donné naissance à une cathédrale qui fait aujourd'hui toute sa célébrité. Mais elle généra aussi un monument d'un genre différent : un mythe de fondation. Cette cathédrale imaginaire était aussi ambitieuse que son alter ego de pierre puisqu'elle faisait de l'église chartraine le fruit d'une prophétie : instruits de la future naissance d'une vierge destinée à enfanter le rédempteur, les druides carnutes lui élevèrent une statue et l'adorèrent, chrétiens avant même le christianisme. Premiers parmi les peuples des Gaules à être instruits dans la foi, ils furent également les premiers à édifier une église en l'honneur de la Mère de Dieu. Et afin de sceller cette alliance, ils lui envoyèrent une ambassade. Elle leur répondit par une lettre écrite de sa propre main où elle les assurait de son éternelle protection.
Loin d'être une supercherie forgée dans l'ombre d'un cloître, ce mythe était le résultat d'une patiente quête des origines menée par des générations d'érudits tout au long du Moyen Âge et de l'époque moderne. Au début du XXe siècle encore, il avait ses défenseurs. Écrire son histoire c'est retracer les méandres d'une création mythographique étirée sur près d'un millénaire, reconstituer les évolutions et les permanences d'un certain type de rapport au passé mais aussi, et tout simplement, raconter la vie et la mort d'une vérité.Né en 1982, Nicolas Balzamo est docteur en histoire.
En Grèce ancienne et à Rome jusqu'à la fin de la République, les êtres humains et les animaux qui passaient pour être pourvus des deux sexes étaient impitoyablement éliminés, comme des monstres, comme des signes funestes envoyés aux hommes par les dieux pour annoncer la destruction de l'espèce humaine. Expulsée de la réalité ou maintenue en marge, la bisexualité, entendue comme possession des deux organes sexuels, joua pourtant un rôle important dans le mythe, qu'il s'agisse de bisexualité simultanée, ou de bisexualité successive.
La bisexualité simultanée caractérise des êtres qui sont des archétypes, des être primordiaux. Dans la mesure où c'est d'eux que dérivent les dieux, les hommes et les animaux qui, pourvus d'un seul sexe, masculin ou féminin, constituent notre monde, ces archétypes doivent être pourvus simultanément des deux sexes, car ils se trouvent en-deça de cette « sexion ». En l'être humain, le souvenir de cet état primordial suscite une nostalgie qui s'exprime avec une profonde émotion dans le mythe qu'Aristophane raconte dans le Banquet de Platon. Chaque couple, hétérosexuel ou homosexuel, aux moments les plus intenses de ses unions intermittentes, désire réaliser une impossible fusion permanente qui le ramènerait à cet état antérieur où l'être humain était double.
La bisexualité successive revêt une signification très différente. Sont affectés successivement des deux sexes, des médiateurs et essentiellement des devins, tel Tirésias. Le fait qu'il ait été d'abord un homme, puis une femme avant de redevenir un homme lui permet d'établir un rapport entre le monde des hommes et celui des femmes. Tout se passe donc comme si un être qui transcende les oppositions (hommes / dieux ; né /mort) autour desquelles s'articule la réalité devait symboliser cette transcendance dans l'opposition la plus importante pour l'être humain : l'opposition entre l'homme et la femme.
« Il est une région étendue, où les investigations des archéologues sont plus récentes que dans le domaine gréco-romain et où les résultats obtenus sont, à notre point de vue, d'une richesse considérable et d'une singulière importance. Nous voulons parler des pays anatoliens, qui se trouvent englober l'aire des plus anciennes civilisations connues, celles de Sumer et d'Akkad, ainsi que de celles qui leur ont succédé, celle de l'Assyrie, et plus tard de la Phénicie - sans parler des premiers peuples indo-européens parvenus sur place, tels les Hittites. Outre les monuments figurés (.), l'archéologie anatolienne nous apporte une quantité prodigieuse de tablettes cunéiformes exhumées des sables, et que le travail patient et difficile des assyriologues et sumérologues nous restitue de mieux en mieux (.). Les textes littéraires à matière mythologique y sont de plus en plus nombreux et sont pour nous d'un intérêt inégalé. En effet, non seulement nous apprenons ainsi à connaître en elles-mêmes les mythologies des peuples considérés, mais nous trouvons en elles, de façon de plus en plus nette, les sources de nombreux mythes grecs, et, par voie de conséquence, de mythes transmis par la Grèce au monde occidental ».
Ces lignes de Jacqueline Duchemin, extraites de son Prométhée, donnent le sens de ce volume réunissant ses articles, contributions, communications, consacrés aux sources proche-orientales de la Grèce : l'Anatolie, la Mésopotamie, mais aussi l'Égypte.
Les sagas islandaises (XIIIe et XIVe siècles) ne forment pas un tout homogène.
Les « classiques », qui sont les mieux divulguées en France maintenant, ont des prétentions « historiques ». Mais il existe d'autres catégories qui n'affichent pas la même ambition. Notamment les sagas dites légendaires (fornaldarsögur) qui entendent ressusciter des temps très anciens. Deux d'entre elles, parmi les plus connues, ont déjà été présentées dans cette collection. Le propos du présent livre est d'étudier ce genre, sa genèse, ses caractéristiques principales.
Les sagas légendaires aiment ressusciter ou livrer tout un univers para-religieux scandinave ancien, où les mythes, les dieux, les croyances et les survivances se côtoient et viennent éclairer d'un jour tout à fait inattendu les grands textes religieux de l'Edda poétique. On découvre donc, en parcourant tous ces textes impeccablement rédigés dans le célèbre « style de sagas », un univers très peu familier qui, certes, atteste de la prodigieuse culture des auteurs au courant de tout ce qui se faisait ou disait dans le monde connu de leur époque et qu'ils parcouraient inlassablement - ce sont des descendants immédiats de Vikings ! Le lecteur s'apercevra sans peine que nous sommes ici aux sources du conte ou de la légende. Mais une question se posera à lui : quelle est la vérité de ces mythes ainsi affrontés à toutes les influences imaginables ? La réponse n'est pas acquise, mais les voies d'investigation qui sont proposées ici aideront certainement l'amateur à progresser dans la fascinante connaissance des grands motifs ou des images prestigieuses qui ont fait notre culture. Et du coup, la grande civilisation scandinave ancienne, absurdement reputée « barbare » chez nous, recouvrera ses droits à notre estime.
Régis Boyer a été professeur de langues, littérature et civilisation scandinaves à l'Université Paris-Sorbonne et Directeur de l'Institut d'études scandinaves en la même université. Il est l'auteur de nombreux ouvrages et traductions qui font autorité. Il dirige aux Belles Lettres la collection « Classiques du Nord ». Il a publié dans la collection « Vérité des Mythes » La mort chez les anciens scandinaves (1994), Deux sagas islandaises légendaires (1996) et Les sagas miniatures (1999). A paru également aux Belles Lettres en 2013 son Pourquoi faut-il lire les Lettres du Nord ?
"Walter Burkert, à travers les cinq articles réunis dans ce volume, poursuit sa quête sur la phénoménologie des cultes grecs antiques. Reprenant la formulation levi-straussienne, il s'attache à la sauvage origine qui fonde quelques-uns de ces cultes et des mythes auxquels ils sont liés. La tragédie grecque elle-même, qui fait l'objet du premier texte de cet ouvrage, "Tragédie grecque et sacrifice rituel", n'échappe pas à cette origine, en tant qu'"expression sublime de ce qui existait aux stades primitifs du développement humain". Nous sommes loin du "miracle grec" et de la cité de la raison !" - Bernard Deforge. Cette édition est augmentée d'une bibliographie complète des travaux de Walter Burkert.