Le pouvoir des rois de France s'est accru de façon exponentielle au cours du XIIIe siècle, des croisades de saint Louis jusqu'aux conflits de Philippe le Bel avec l'Église. Sean L. Field réexamine l'âge d'or capétien et soutient que les saintes femmes, mystiques, voyantes ou ascètes, ont joué un rôle crucial, mais négligé, pour légitimer cette montée en puissance. À travers les destins de six de ces femmes, il observe que, pendant la série de scandales qui agitent la fin du XIIIe et le début du XIVe siècle, elles ont joué un rôle non moins important, mais cette fois-ci en tant que boucs émissaires.
Cet ouvrage propose une réflexion critique sur l'histoire du livre gréco-latin entre l'Antiquité et le Moyen Âge, à l'aide d'une méthode originale, au croisement entre « sciences du livre » et sciences sociales.
Filippo Ronconi y analyse les différents types de manuscrits qui ont circulé dans les espaces méditerranéen et européen à ces époques, en en décrivant formes et structures et en situant à chaque fois leur origine et leur diffusion dans le contexte socioéconomique.
Une attention particulière est consacrée aux milieux de production, aux réseaux de commercialisation et aux différentes utilisations des manuscrits.
Les structures élémentaires de la parenté, thèse d'État soutenue à la Sor- bonne par Lévi-Strauss en 1948 et publiée l'année suivante, renouvelle la perception des systèmes de parenté et d'union, de la place de la famille, de la prohibition de l'inceste et des échanges entre groupes sociaux. Texte majeur, précurseur du structuralisme français et également controversé, cet ouvrage constitue le premier résultat des longues recherches de Lévi- Strauss qui l'ont aussi conduit vers l'analyse des systèmes de classification du langage et de la mythologie.
L'idée centrale des Structures élémentaires de la parenté tient en quelques phrases.
L'échange matrimonial, par le lien qu'il instaure et par le renoncement qu'il impose, se trouve au fondement de toute société humaine. Il signale le passage de la nature à la culture ; il est inhérent à l'ordre social. L'ouvrage s'inspire des travaux de l'anthro pologie anglosaxonne et de certains écrits de l'école de L'Année sociologique. Au fil des pages, le lecteur passe des affiliations totémiques des Aborigènes d'Australie à l'étiquette du deuil dans la Chine ancienne, de l'ethnographie des tribus des hautes terres de Birmanie à la féodalité en Europe médiévale ou encore à l'Inde des brahmanes, de la psychologie de l'enfant à la théorie mathématique des groupes.
Cet ouvrage porte sur l'évolution actuelle des droits de propriété intellectuelle (DPI). Au croisement de la sociologie économique et du droit, et de l'économie des conventions, Christian Bessy s'empare de l'extension du droit de la propriété intellectuelle et de sa transformation contemporaine. Il entend montrer comment des choses jugées jusqu'ici comme inappropriables le sont devenues et ont acquis la qualification de « bien », objet d'un droit de propriété, au prix d'une codification juridique rampante. En portant l'attention sur les États, les grandes entreprises et les intermédiaires du droit, ce livre se propose de saisir les évolutions du capitalisme notamment à travers la façon dont les DPI deviennent aussi des marchandises que l'on peut échanger, expropriant les travailleurs.
Présenter avec brièveté 100 livres qui, année après année, depuis la Seconde Guerre mondiale, ont marqué de leur empreinte la construction des sciences sociales, en France et à travers le monde : tel est le pari que relève avec succès ce livre.
Les éditeurs de l'ouvrage ont sollicité certains des meilleurs chercheurs actuels, en France et à l'étranger, pour présenter, à l'attention d'un public de non-spécialistes, l'intérêt et l'argument profond de chacun de ces 100 livres et pour dire son héritage et son actualité pour la recherche d'aujourd'hui. Il en résulte un panorama par défi- nition incomplet et néanmoins suggestif. Il offre une vue renouvelée sur des oeuvres majeures du patrimoine des sciences sociales, comme sur d'autres moins connues du grand public. Mais il permet aussi d'apercevoir d'où viennent ces sciences et de quelle manière elles sont en train d'évoluer, en révélant au passage leur profonde unité, au-delà des divisions disciplinaires auxquelles trop souvent le regard s'arrête.
Tout au long du XXe siècle, des ouvriers et des ouvrières ont écrit sur leurs univers professionnels, sociaux, politiques et intimes, faisant ainsi perdurer une tradition de l'écriture prolétarienne. Ce livre retrace cette expérience à partir de l'étude d'une centaine d'auteurs dont les témoignages ont été publiés, en France, depuis 1945. À travers un ensemble de récits - individuels et collectifs - et une enquête orale, il s'intéresse aux trajectoires des auteurs, à la place de l'écriture dans une vie ouvrière et à son cadre - militant, professionnel, intime -, aux pratiques littéraires diversifiées, aux lieux et aux moments de prise de plume, aux étapes de la composition d'un récit. L'analyse réserve aussi une place à la publication et à la diffusion des témoignages, ainsi qu'aux rencontres et collaborations qu'elles suscitent entre les éditeurs et les auteurs. Ces écrits ne sont pas seulement des récits de vies ouvrières, ils se font également les traces de pratiques et de choix d'écriture, qui interrogent le rapport des écrivains-ouvriers au témoignage et à la littérature. Dépassant le seul ressort militant de l'écriture ouvrière, Éliane Le Port rend compte des identifications multiples à l'oeuvre dans les récits et des manières différenciées de témoigner pour soi et de soi au nom d'une classe sociale.
La psychiatrie soviétique passe aujourd'hui pour une spécialité médicale dévoyée qui a servi à réprimer les opposants politiques. Si elle n'est pas fausse, cette image s'avère réductrice. Grégory Dufaud propose dans cet essai une autre perspective. Il montre combien le traitement de la folie a pu être un espace d'initiatives et d'innovations, animé par des psychiatres soucieux de la santé mentale de la population et attentifs à ne pas couper leur spécialité de la pratique médicale.
Explorant la variété des significations et des usages de la psychiatrie en Union soviétique, il éclaire les rapports complexes qu'elle a entretenus avec le pouvoir politique, ainsi que la vision du progrès scientifique et social qui l'a structurée. Cet ouvrage propose ainsi une histoire des savoirs et des pratiques de la médecine tout en mettant au jour les multiples ressorts de la domination sociale et politique en régime autoritaire.
La religion fait partie des objets classiques de la sociologie tout en étant devenue après les années 1950 une spécialité marginale, marquée par ses liens aussi étroits que tendus avec l'histoire des traditions et l'anthropologie culturelle. Comment ce domaine de recherche particulier s'est-il forgé et transformé, des premières découvertes de Durkheim ou de Weber aux enquêtes récentes sur la sécularisation et la globalisation du monde ?
Cette enquête nous conduit d'abord au coeur des institutions de la recherche, au fil des histoires nationales et de la vie des laboratoires, avant de découvrir les parcours individuels de chercheurs d'hier et d'aujourd'hui. Pierre Lassave explore ensuite les transmissions qui s'opèrent entre eux, à travers les manuels et dictionnaires, et enfin les différends qui parfois les opposent, allant des controverses publiques aux querelles intimes. S'en dégage, entre autres, le paradoxe d'une communauté de savoir qui résiste au temps malgré les obstacles épistémiques, académiques et politiques récurrents. Ce livre constitue ainsi une introduction savante et stimulante aux problèmes religieux contemporains.
Certains savants voient la science comme une histoire qui s'arrête aux portes des laboratoires. D'autres passent journées et soirées à promouvoir auprès des citoyens l'« esprit scientifique », considérant que la science n'est pas seulement une profession mais le pilier d'un espace public reposant sur la vérité. Cet ouvrage propose une socio-histoire des organisations rationalistes françaises depuis les années 1930. Il analyse l'engagement en politique de savants ou de citoyens ordinaires au nom de la raison.
À partir d'archives de l'Union rationaliste, de l'Association française pour l'Information scientifique et de l'analyse de la production des Cercles Zététiques, cet ouvrage entend rendre compte des conditions de possibilité d'un engagement public au nom de la science. Même si les organisations rationalistes décrites dans cet ouvrage semblent rarement dépasser le millier d'adhérents, elles constituent un objet sociologique qui permet de poser des questions inversement plus larges que celles que leur taille ou leur relative confidentialité pourraient laisser supposer. Elles donnent à voir sous quelles conditions et par quels processus la « vérité » ou la « défense de la science » peuvent être durablement érigées en argument politique et mobilisées dans l'espace public par les amateurs de science ou par les savants eux-mêmes.
Les essais réunis dans Le futur passé proposent des réflexions précieuses et peut- être plus libres que celles d'autres ouvrages de Koselleck, tout du moins en ce qui concerne trois sujets : l'histoire conceptuelle, la théorie de la modernité et la théorie des temps historiques.
« Les analyses sémantiques présentées ici ne portent pas essentiellement sur l'his- toire de la langue », précise l'auteur. « Elles s'attachent à la structure linguistique des expériences temporelles, là où celles-ci sont ancrées dans la réalité passée. Ces analyses s'élargissent au champ social et linguistique, tout en essayant de passer de la sémantique des concepts à la dimension historique et anthropologique inhérente à tout acte de langage. » Le livre que l'on présente aujourd'hui est déjà reconnu comme un texte de réfé- rence par la communauté internationale des philosophes comme des historiens.
« Le transport a le dos large ! », aiment à dire les professionnels du secteur au Sénégal, soulignant combien il fait vivre de nombreuses personnes. Considéré comme une activité refuge face aux politiques d'austérité des années 1980, le monde du transport s'est imposé depuis comme le secteur emblématique de l'« informel » dans l'imaginaire scientifique et populaire.
Sidy Cissokho nous ouvre les coulisses des gares routières qui tiennent une place centrale dans ce pays où le réseau ferré est si peu développé et où il est rare de détenir une voiture. En adoptant une écriture attentive aux trajectoires, aux pratiques et aux situations individuelles des acteurs, il nous fait découvrir le fonctionnement de ces lieux déconcertants au premier regard.
Son enquête permet de revenir sur la structuration du secteur depuis les années 1980, le quotidien du travail des chauffeurs, le rôle joué par les organisations professionnelles et les relations personnelles que leurs représentants nouent avec ceux de l'administration et des partis politiques. Il éclaire ainsi non seulement l'histoire sénégalaise, mais aussi celle des sociétés contemporaines en dévoilant le rôle prépondérant joué par l'État dans l'organisation des professions et du monde du travail dans un contexte néolibéral, à rebours des clichés persistants à propos du secteur dit « informel ».
Ou était la Troie homérique et qu'en reste-t-il?
Seule cette question anime Heinrich Schliemann dans ses autobiographies successives. Entre 1870 et 1890, l'homme d'affaires et archéologue allemand découvre neuf villes superposées sur le site de la Troie homérique.
S'appuyant sur l'une des figures scientifiques les plus controversées du XIXe siècle, Annick Louis propose ici une généalogie sociale et culturelle d'un nouveau type de savant qui ne se réclame ni d'une tradition intellectuelle ni d'une théorie, mais qui fouille le sol pour prouver une hypothèse. Schliemann devient alors dans cet ouvrage un acteur sociologique, créateur d'une vaste littérature savante et, surtout, autobiographique.
Consacré à l'économie, la société et les mentalités dans l'Empire ottoman du xvi e au xviii e siècle, cet ouvrage montre un empire qui a profondément marqué les territoires qu'il a dominés pendant plusieurs siècles, de l'Algérie à la Crimée, du Danube à la mer Rouge. Les travaux de Gilles Veinstein constituent une remarquable introduction à ce monde encore méconnu dont la construction politique et sociale eut avec l'Europe une longue histoire commune.
Publiés entre 1978 et 2009, les treize textes rassemblés dans ce recueil sont le pro- duit de la réflexion d'un historien qui a étudié l'Empire ottoman de l'âge classique aux questionnements contemporains. À partir d'interrogations précises et de cas concrets, cet ouvrage nous permet de mieux comprendre sur quoi se fonde l'histoire des Ottomans, comment leur État, leur économie et leur société ont évolué, quels étaient les rapports de pouvoir et les relations entre communautés ; en somme, comment définir le fait ottoman et ses spécificités. Aux mythes qui obscurcissent souvent notre vision, Gilles Veinstein oppose des connaissances bien établies et des conclusions fondées sur une fréquentation intime de la réalité ottomane.
Comment Staline gouvernait-il l'immense territoire soviétique ? De quelle façon les personnes travaillant sur les grands chantiers industriels conservaient-elles des liens avec leurs proches, parfois situés à des milliers de kilomètres ? A quels moyens l'Etat avait-il recours pour garder ses ordres secrets ?
Dans un pays qui s'étend sur une dizaine de milliers de kilomètres d'ouest en est et comporte onze fuseaux horaires, Larissa Zakharova nous explique de quelle manière les Soviétiques appréhendaient l'espace dans leurs communications au quotidien durant le XXe siècle soviétique.
Si l'autorité a fait l'objet de nombreux travaux en sciences humaines et sociales, peu d'entre eux se sont attachés à sa composante proprement discursive.
Dans cet ouvrage situé dans une perspective résolument interdisciplinaire, Claire Oger entend éclairer plus particulièrement ce qui relie l'autorité à la crédibilité de l'énonciation, à la force de la parole, à l'efficacité et aux pouvoirs du discours.
Cet ouvrage analyse le phénomène mystique dans ses dimensions religieuses, sociales et politiques à travers l'expérience d'une femme maronite résidant à la périphérie de Beyrouth. Résultat de sept années de terrain au cours desquelles l'auteur a également rencontré d'autres femmes mystiques au Liban et en Syrie, le choix de Catherine se justifie par une volonté d'analyser en profondeur une personne, une histoire et une trajectoire dans toute leur singularité et leur épaisseur. La mystique est aussi appréhendée en relation avec ses proches, ses fidèles, la communauté, et sa société.
La première partie de l'ouvrage est centrée sur le rapport entre les ecclesia alternatives qui se constituent autour de mystiques féminines comme Catherine dans leur maison ouverte, et les conflits confessionnels, politiques et sociaux qui parcourent le Liban. La seconde partie est focalisée sur la religion et le rituel, à partir des transes, des visions, des paroles de Catherine devant l'audience réunie dans son salon. Sont mobilisées autour de l'analyse de la figure de Catherine des perspectives issues de l'anthropologie religieuse, de l'anthropologie de la guerre, de l'histoire médiévale (notamment dans le lien entre images, corps et dispositifs rituels).
Contrairement à la « désocialisation » et la « dépolitisation » de l'expérience mystique en Occident décrite par Michel de Certeau, Emma Aubin-Boltanski montre à quel point celle-ci est toujours vivace au Proche-Orient, investie d'un rôle social et politique important. Cet ouvrage éclaire de manière originale et située les tensions et les conflits religieux, politiques et sociaux qui traversent la région.
En naviguant dans les archives coloniales, on découvre ce qui a fait de l'allai- tement un enjeu à certains moments et pas à d'autres, ou des garderies une question raciale sensible, ce qui a érigé certaines choses au rang d'« événe- ment », et tout ce qui a animé le débat public. Ce livre porte sur la force de l'écriture émanant des documents sur la gouvernance et la dimension affective des traces écrites de la vie coloniale. En étudiant les archives coloniales des Pays-Bas des années 1830 aux années 1930, Ann L. Stoler pose la question de ce que l'on peut apprendre de la nature du régime impérial et des dispositions que celui-ci a engendrées à partir des formes d'écriture qui l'organisaient.
Les administrations coloniales étaient de prolifiques productrices de catégories sociales. Cet ouvrage en dresse la liste, mais s'intéresse moins à la taxinomie qu'au caractère incertain des documents et des sensibilités qu'ils expriment. Les archives coloniales des Pays-Bas sont appréhendées comme des récits de l'histoire coloniale, mais avant tout comme génératrices de leur propre histoire. Ce qui a par exemple été écrit dans les marges des archives, en oblique des prescriptions officielles, a produit un appareil administratif tout en ouvrant sur un espace plus large. Ces archives ne sont pas seulement des récits d'actions ou le relevé de ce que les gens croyaient qu'il se passait. Elles sont l'enregistrement du doute quant à la manière dont les gens imaginaient pouvoir établir une correspondance entre les catégories de la domination et un monde impérial en mutation.
Entre histoire des sciences et histoire de l'édition, Valérie Tesnière retrace une histoire de la publication scientifique et des ressorts du travail intellectuel, de la fin du XVIIIe siècle aux mutations numériques d'aujourd'hui. "Au bureau de la revue" est une adresse figurant sur les revues savantes au XIXe siècle, qui désigne aussi bien la rédaction scientifique que le lieu de diffusion. Le livre interroge le collectif qui se trouve derrière cette expression, ses aspirations et les tensions qui le traversent.
La revue suscite un large engouement au lendemain de la Révolution française : la vie scientifique se structure désormais autour de la publication. Elément central de la science en construction, la revue traduit le mouvement de la recherche comme sa dimension collective. Auteurs et éditeurs s'allient pour renforcer la diffusion de ce qui devient le support privilégié des échanges du monde académique, donnant naissance à une nouvelle économie de la connaissance.
Centré sur l'exemple de la production française éclairé par le contexte international, Au bureau de la revue approfondit les rôles des différents acteurs de la chaîne de publication ainsi que les fonctions et les formes éditoriales des publications, actuellement bousculées par le numérique.
Dès le XIXe siècle, la science est aux prises avec le développement du capitalisme. Alors qu'elle s'institutionnalise avec la mise en place de chaires universitaires puis de laboratoires de recherche, elle devient un enjeu économique où la question de sa valeur et de son partage a une place centrale. Cet ouvrage retrace comment la propriété scientifique émerge, parallèlement aux progrès de la propriété intellectuelle, pour permettre aux savants de contrôler les fruits de leurs découvertes.
Quel rapport entretenons-nous avec nos lieux de vie, avec les objets, toiles et décorations qui les habitent ou encore avec les ressources environnantes - culturelles, mais pas seulement - qu'ils mettent à notre portée ?
Notice :
L'ouvrage se propose de décrire les rapports à l'environnement domestique et à la culture d'une fraction favorisée - urbaine essentiellement - des professions moyennes supérieures, propriétaires d'appartements et de villas. Quel esprit habite ces lieux et leurs occupants ? Fondée sur des études de cas, des analyses de réseaux et une observation participante, cette enquête révèle des situations qui déjouent les schématiques simples et engagent à bâtir de nouveaux cadres d'analyse.
En interrogeant les façons de connaître le monde culturel et d'en faire l'expérience, l'ouvrage brosse le portrait inattendu d'une population hétérogène. En définitive l'esprit des lieux, « flexible et soumis à l'occasion » - pour paraphraser une expres- sion de Francis Bacon -, décline un éventail de figures dont l'ouvrage commence à faire l'inventaire.
Sur quelles définitions de la culture les primates sont-ils devenus des êtres « culturels » ? Pour les sciences sociales, le singe est une curiosité située aux frontières des sujets et terrains d'enquête. La primatologie, quant à elle, enracine biologiquement des attributs longtemps considérés comme proprement humains : de la société à la culture en passant par la conscience ou le langage.
Aux antipodes du réductionnisme génétique de la primatologie, Vincent Leblan s'oriente vers une anthropologie de l'animal s'attachant à cerner le rôle des sciences sociales dans les dynamiques « culturelles » des singes.
Le lecteur est convié à suivre, du xixe siècle à nos jours, les chimpanzés habitant les milieux agro-pastoraux du Kakandé en Guinée. Un des points insolites de cette étude est l'utilisation de palmiers à huile pour construire leurs nids. L'auteur montre alors comment l'absence de détermination environnementale - d'autres espèces d'arbres pourraient servir à la confection des nids - peut être l'expression d'un comportement culturel chez ces chimpanzés. En évitant les pièges d'une comparaison entre sciences de la vie et sciences sociales, et tout en tentant de ne pas symétriser compétences humaines et animales, ce livre montrera aussi comment l'histoire humaine de l'environnement intervient dans les comportements et l'activité cognitive des chimpanzés.