« L'entrée du numérique dans nos sociétés est souvent comparée aux grandes ruptures technologiques provoquées par l'invention de la machine à vapeur ou de l'électricité. En réalité, c'est avec l'invention de l'imprimerie, au XV e siècle, que la comparaison s'impose, car la révolution numérique est d'abord cognitive : elle est venue insérer des connaissances et des informations sur tous les segments de la vie sociale. » Cet ouvrage donne les clés pour comprendre ce que le numérique fait à nos sociétés et ce que nous faisons avec le numérique. Pour nous aider à découvrir la diversité de ses usages et de ses innovations, à ausculter son fonctionnement, à examiner les enjeux qu'il soulève et, surtout, à prendre du recul par rapport aux discours souvent superficiels qui s'accrochent à ce TGV technologique. Les mondes numériques ont une histoire, une géographie, une économie et une politique plus riches que ne le laisse penser le débat public sur les bienfaits et les méfaits du web.
De la naissance d'internet aux enjeux futurs de l'intelligence artificielle, en utilisant des éclairages disciplinaires variés et en s'appuyant sur des exemples concrets (le laboratoire de Doug Engelbart à Stanford, le système de régulation de Wikipédia, les avis des sites marchands, etc.), Dominique Cardon nous invite à nous forger une indispensable culture numérique.
Comment comprendre que certains problèmes comme la pollution des sols ou l'apparition de cancers professionnels restent durablement invisibles ? Pourquoi les décideurs publics ne les prennent-ils pas en charge avant qu'un énorme scandale ne rende incontournable d'y apporter des réponses politiques ?
Le sociologue Emmanuel Henry, s'appuyant sur plusieurs affaires, montre que les lobbyistes de l'industrie déploient de véritables stratégies pour extraire du débat public les sujets qui seraient les plus préjudiciables à leur activité. Il s'agit de produire de façon consciente et systématique de l'ignorance.
Fondée en 1989 sur un modèle américain, l'association Act Up Paris a choisi de faire du sida un enjeu de lutte politique en même temps que l'objet d'une mobilisation homosexuelle.
Malgré de nombreuses réactions sceptiques ou hostiles, jugeant cette importation inopportune dans le contexte français, Act Up va progressivement se révéler un acteur central tant du mouvement gay et lesbien, pour devenir l'un des groupes contestataires les lus remarqués en France ces deux dernières décennies. A partir de nombreux témoignages et d'un travail de terrain ethnographique inédit, cet ouvrage rend compte des conditions et des conséquences de ce succès, en retraçant l'histoire d'Act Up et, à travers elle, celle de milliers d'hommes et de femmes homosexuels qui ont eu à affronter l'épidémie, individuellement ou collectivement, depuis le début des années 1980.
Il éclaire l'engagement spécifique de l'association, seule en France à se réclamer d'un " point de vue homosexuel " sur le sida. L'auteur révèle la logique des " actions publiques " d'Act Up, de la violence qui leur est souvent imputée, du lien intime qui les unit à la question de la mort. Il analyse les changements induits par l'apparition de nouveaux traitements de l'infection à VIH. Il montre aussi que les positions controversées adoptées par l'association sur les comportements sexuels des gays traduisent les tensions générées par la normalisation en cours de l'homosexualité et sa contestation.
Les émotions sont au coeur de la mobilisation collective : compassion pour les victimes, colère à l'égard des tyrans, admiration des héros, enthousiasme d'agir ensemble, etc. L'objectif est ici d'analyser ces " phénomènes " qui permettent aux militants de sensibiliser le public à leur cause. Modes d'action des intermittents du spectacle ou d'Emmaüs, exaspération des victimes du sida, enthousiasme pour le Téléthon, dénonciation de la double peine, protestation contre la corrida, enrôlement des mères de famille en faveur du parti communiste ou encore attachement du public à la défense du patrimoine historique, la diversité des causes et des registres d'émotion ne manque pas. Mais qu'est-ce qui fait courir les militants et les motive ainsi à payer de leur temps et de leur argent ? Que doit leur engagement à leur histoire ? Comment les convictions les plus profondes et les calculs stratégiques se mêlent, se complètent ou s'opposent ? Que nous apprennent les cas italiens, marocains ou argentins sur le poids des contextes historiques et nationaux ? L'attention accordée aux émotions éclaire d'un jour nouveau les questions classiques de l'étude des mobilisations collectives.
Fariba Adelkhah et Roland Marchal, tous deux chercheurs au centre de recherches internationales de Sciences Po (CERI), ont été arrêtés en Iran au début du mois de juin 2019. Emprisonnés depuis lors, ils sont incarcérés dans la prison d'Evin, située au nord de Téhéran.
Ils sont détenus uniquement pour avoir exercé leur métier de chercheurs.
Leurs collègues, mobilisés pour leur libération, utilisent dans cet ouvrage de combat les outils de la recherche pour analyser de telles situations de crise politique et diplomatique. Ils rappellent la fragilité de l'indépendance scientifique et les périls auxquels s'exposent quotidiennement des universitaires sur de nombreux terrains internationaux pour faire avancer les connaissances.
Ariel Colonomos et Gilles Favarel-Garrigues sont directeurs de recherche CNRS au CERI (Sciences Po). Ils ont codirigé cet ouvrage préfacé par le comité de Soutien de Fariba Adelkhah et Roland Marchal et regroupant des textes de Frédéric Mion, Jean-Pierre Filiu, Bernard Hourcade, Deborah Prentice, Pascale Laborier, Jean-François Bayart, Sandrine Perrot et Didier Peclard, Alain Dieckhoff..
Réponse française à la question politique de la légalisation du couple de même sexe, le pacte civil de solidarité (PACS) est un texte juridique ambivalent s'inspirant de l'institution matrimoniale sur certains points et empruntant à l'esprit de l'union libre sur d'autres. Symbole de la reconnaissance du couple de même sexe, maintenu à l'écart du mariage, le PACS s'est progressivement inséré dans la société française pour se banaliser au point d'être aujourd'hui, dix ans après son adoption, utilisé massivement par les couples de sexe différent. On comptait environ un PACS pour deux mariages en 2008. A partir d'une enquête par entretiens, l'auteur va au-delà des interprétations théoriques de la loi pour s'intéresser à la mise en oeuvre concrète du PACS et à ses usages au travers de trois aspects : les motivations associées au choix du pacte, son enregistrement au tribunal d'instance, et les modes de célébrations (cérémonies, fêtes collectives ou encore mises en scène privatisées) qui y sont associés. Au carrefour d'une sociologie du droit et des institutions et d'une sociologie de la vie privée, ce livre permet de saisir la multiplicité des appropriations du dispositif, et de dépasser les figures simplistes évoquées au moment de sa discussion en 1999.
Les Français originaires du Maghreb, de Turquie ou d'Afrique sont depuis 20 ans au coeur des débats, phénomène accentué par le terrorisme islamiste.
Leur mise en cause multiforme induit un doute sur leur qualité même de Français et repose la question du modèle républicain d'intégration. Religion, comportements politiques, systèmes de valeurs, intégration et égalité des chances, identités et sentiment communautaire sont analysés, mais aussi, relations hommes-femmes, antisémitisme et réislamisation. Cette enquête réalisée en 2005 porte sur un large échantillon de Français d'origine immigrée, systématiquement comparé à un échantillon miroir de la population française.
Elle révèle les tensions et les dynamiques qui animent la France et ménage un espace de réflexion dans les débats que font resurgir les échéances électorales et l'actualité sociale.
Le racisme n'est pas récent, mais la banalisation actuelle des thèmes racistes est un phénomène préoccupant qui se manifeste surtout par la diversification des discours et des stratégies d'exclusion.
Au-delà du " nouveau racisme " des idéologues d'extrême droite, le racisme au quotidien se nourrit d'attitudes et d'opinions hétérogènes, mais qui toutes visent au rejet de l'autre. Ainsi, l'euphémisation des insultes, les nouveaux espaces de la ségrégation sociale, la recherche de vecteurs inédits de diffusion idéologique comme l'internet, voire le retournement du droit à la différence en stigmatisation de l'autre, sont les nouveaux visages de la haine.
Au-delà des extrémismes, ces racismes ordinaires renvoient avec violence au statut de la différence des groupes et des individus au sein de sociétés démocratiques vouées au respect des minorités. Entre exclusion et revendication identitaire, indifférence et inégalité, ce livre plaide au nom d'un " droit à l'indifférence " pour une démocratie de la reconnaissance qui ne se résume ni à la démocratie des ghettos ni à la République des opprimés.
A partir d''une enquête par entretiens semi-directifs, ce livre présente une analyse des comportements identitaires de la population musulmane en France, en lien avec l''Islam. Des rappels historiques, des comparaisons avec d''autres groupes sociaux dans leur maniement du religieux et du politique sont présentés avec le souci de laisser la parole aux acteurs sociaux dans l''interprétation de leur situation.
L'engagement politique dans ses formes traditionnelles (électorale, militante...) est en crise. Ce déclin est-il inéluctable ? Les Français, déçus de la politique, sont-ils en train de se retirer de tout investissement dans la sphère politique ? Cet ouvrage dresse, pour la première fois, un état des lieux. Où en est-on dans les partis, les syndicats, les associations ? Comment évoluent les formes les plus protestataires de l'engagement ? Au-delà du déclin et de la recomposition des formes traditionnelles d'engagement, n'assiste-t-on pas à des mutations profondes des attentes que les Français ont vis-à-vis de l'action politique ? Derrière une apparente lassitude politique se découvre une forte demande de faire de la politique autrement. Déjà, de nouveaux lieux d'engagement et de nouveaux enjeux se dessinent et montrent que la crise de l'engagement est une crise où de vieux modes d'insertion en politique déclinent et où de nouveaux hésitent à naître.
Deuxième religion dans le monde, l'Islam serait-il devenu le principal ennemi de l'Occident ? Perçu comme la religion des déshérités, il est également un puissant moyen de contestation politique.
A l'heure où les bruits et les fureurs de la crise algérienne atteignent de plein fouet l'hexagone, il est tentant de continuer à associer l'Islam à l'étranger, alors que plus de deux millions de musulmans sont désormais des citoyens français. De là à considérer cette religion comme une étrangeté, voire une incongruité, le pas est souvent vite franchi. Les discours et les prises de position positifs, ou négatifs, en tout cas toujours passionnés, construisent une image de l'Islam au mieux exotique, au pire menaçant et " criminogène ".
De dangereux glissements de sens conduisent à amalgamer complaisamment Islam, intégrisme, terrorisme et banlieues. Ce livre démonte les mécanismes anxiogènes à propos de l'Islam en mettant en lumière les raisons internationales mais aussi spécifiquement françaises qui attisent la peur et contribuent à diaboliser le musulman : d'un côté, tout un imaginaire lié au passé colonial ; de l'autre, une crise des valeurs fondatrices de la modernité qui favorisent toutes les expressions particularistes.
Ce livre entend répondre à la question : qui gouverne ? C'est-à-dire qui décide de l'action extérieure de la France et qui la met en oeuvre.
Il se concentre sur la Cinquième République et sur l'actualité de ces dernières années, tout en donnant des aperçus sur les leçons de l'histoire. Les pouvoirs des autorités institutionnellement investies de la légitimité en matière de politique étrangère sont analysés dans une première partie consacrée aux responsabilités officielles et au rôle effectif du président de la République, du Premier ministre, de leurs états-majors, du Parlement, du ministre des Affaires étrangères et de ses divers services, en France et à l'étranger.
Dans une seconde partie, l'ouvrage analyse le système diplomatique français en action. Les différentes composantes de la politique étrangère, définie comme la somme des actions extérieures de la France, sont étudiées : diplomatie classique, politique européenne, diplomatie économique et culturelle, coopération au développement, aide d'urgence. L'auteur montre que les évolutions de ces diplomaties sectorielles sont davantage liées à des facteurs internationaux qu'à des considérations de politique intérieure, notamment aux alternatives droite/gauche.
Mais les interdépendances européennes et transnationales n'ont pas encore réduit le rôle de l'Etat, qui reste le pôle autour duquel gravitent divers acteurs en provenance des milieux économiques, scientifiques et culturels ou caritatifs. Les diplomaties parallèles restent tributaires du support financier et symbolique de l'État.
L'Europe a mal à l'emploi : 18 millions de chômeurs au moment où l'euro se met en place.
Après le succès de la monnaie unique, il faut réussir l'emploi pour tous. Ce livre propose un tour d'Europe des politiques de l'emploi. Il analyse les origines du chômage, décrit quelques expériences nationales - notamment dans deux pays à faible chômage : les Pays-Bas et la Grande-Bretagne.
Il suggère les pistes par lesquelles l'Europe s'en sortira : le développement des services, domaine où les Etats-Unis ont su creuser l'écart ; l'éducation tout au long de la vie ; le temps de travail ; la gestion du marché du travail ; les pactes entre syndicats et patronat.
Les différences entre pays européens sont considérables : le rapprochement qu'imposera l'euro devrait les atténuer. Tout au long de ce texte, l'auteur regarde l'Europe vue de France et analyse par comparaison les raisons de l'échec français en face du chômage.
La corruption est une menace potentielle pour tous les régimes politiques.
Mais elle constitue une menace majeure pour les démocraties occidentales qui en ont fait, dès le XVIIIe siècle, une préoccupation spécifique. Cependant, le XXe siècle a souvent traité la corruption comme un " crime blanc ", difficile à repérer et à sanctionner. Mais de quelle corruption parle-t-on ? Quel est le lien entre la corruption politique et la délinquance économique ? Selon les pays et les cultures politiques, le contenu donné à la notion de corruption s'est transformé et élargi.
Les cultures politiques qui divinisent le pouvoir, comme c'est le cas en France, ont longtemps défini de façon restrictive les atteintes au bien commun et rechignent à sa recherche et à sa sanction. Les cultures politiques plus pragmatiques, de type anglo-saxon, en ont fait un enjeu de réforme publique, sans pour autant résoudre le problème. L'obstacle de fond à l'analyse comme au traitement de la corruption tient aux relations indissociables qui existent entre trois dimensions : la corruption politique, celle des fonctionnaires et celle pratiquée par les entreprises privées.
La logique du profit économique et les distorsions de concurrence pour maximiser celui-ci sont des facteurs essentiels de l'explication des activités corruptrices et corrompues.
Les associations sont-elles devenues le fer de lance de la démocratie ? A l'inverse des organisations partisanes et syndicales, elles bénéficient d'une reconnaissance croissante depuis un quart de siècle. La gamme des formes et des objectifs de la vie associative s'est élargie. Mais cela ne s'est pas fait sans ambiguété. Le retour au local est, en partie, organisé par l'Etat. La prise en charge des préoccupations concrètes des citoyens renvoie les associations vers une gestion de l'urgence et les éloigne du projet politique. La défense de l'altérité du mouvement associatif masque son extrême hétérogénéité et son implication dans des rapports de pouvoir. Cet ouvrage dresse pour la première fois un état sociopolitique des lieux de la vie associative en France. Comment s'établit la rencontre entre la légitimité républicaine du suffrage universel et la légitimité participative des associations ? Quelles évolutions majeures sont intervenues, depuis la loi de 1901, dans les relations entre la puissance publique et les associations ? Pourquoi se dire bénévole plutôt que militant ? Les traditions politiques et les clivages idéologiques isolent-ils des catégories d'acteurs et d'associations ? Le propos bouscule certaines idées reçues : l'excellence du modèle américain, la citoyenneté associative ou encore l'opposition entre le nouveau et l'ancien. Les associations peuvent-elles contribuer à ce nouvel âge de la participation que chacun appelle de ses voeux ? Oui, à condition que soit réaffirmée la légitimité du politique. Tel est en définitive le message de ce livre.