Le livre codirigé par Jill Radford et Diana E.H. Russell, intitulé en anglais Femicide. The Politics of Women Killing, n'a jamais été traduit en français. Dans le présent ouvrage, une sélection de textes choisis par Lydie Bodiou et Frédéric Chauvaud, co-auteurs à l'Université de Poitiers, de plusieurs livres depuis 2014 sur l'histoire et l'actualité du féminicide, est présentée aux lectrices et lecteurs d'aujourd'hui, trente ans après sa première parution. Depuis 1992 les idées figurant dans cet ouvrage collectif vont cheminer à un rythme lent, mais la notion neuve et ambitieuse de femicide ou de féminicide va transformer les perceptions et les analyses des violences faites aux femmes, dans le couple mais aussi dans l'espace public, obligeant à revisiter les brutalités du passé comme celles d'aujourd'hui que plus personne ne peut ignorer.
Entre la Nouvelle Vague et aujourd'hui, le cinéma français fut d'une richesse et d'une invention incomparables, nourri de références et cherchant des perspectives nouvelles pour parler du monde. Maurice Pialat, Agnès Varda, mais aussi Claire Denis, Jean-François Stévenin, Arnaud Desplechin ou Rabah Ameur-Zaïmeche inventent des formes qui composent discrètement un rapport singulier entre le cinéma et le réel où l'intensité des corps filmés voisine avec l'ironie des images. Derrière les personnalités, se dessine ainsi un mouvement cohérent qu'il faut analyser en remontant aux inspirateurs initiaux, Renoir ou Cocteau, et en dressant un tableau d'oeuvres contemporaines marquantes. Ni encyclopédie, ni tableau d'honneur, ce livre est un exercice d'admiration pour les éclats créatifs d'un cinéma aussi vivant que cohérent sur lequel manquait un regard synthétique.
Michelle Perrot, pionnière de l'Histoire des femmes, est aussi une spécialiste des questions relatives à l'histoire de la prison, des écrits carcéraux d'Alexis de Tocqueville, des bandes de jeunes, du fait divers au XIXe siècle et des femmes emprisonnées. Elle a consacré à ces thématiques autant de temps et d'énergie que pour ses productions et ses engagements en faveur des femmes. Le présent livre d'entretiens revient sur un itinéraire et des chantiers ouverts dès les années 1970. Il restitue aussi les rencontres, les échanges et les travaux menés avec Michel Foucault ou Robert Badinter. Cette histoire pénitentiaire s'ouvre par la révolte des prisons, en France comme aux Etats-Unis, et montre comment la question carcérale est devenue d'actualité. Ensuite Michelle Perrot pousse les portes des maisons d'arrêt et des centrales, s'intéresse aux « modèles » d'enfermement, mais aussi au « gibier pénal », c'est-à-dire aux détenus et aux prisonnières. Le dernier temps de ces entretiens s'arrête sur la séduction du fait divers qui, par la médiatisation du crime, attise le voyeurisme mais constitue aussi une entrée pour saisir l'état d'une société et la part obscure des individus...
Ce livre propose un portrait de Serge Gainsbourg - et non un commentaire de textes - à travers l'analyse de l'écriture de Lucien Ginsburg, son « inventeur ». Celui-ci a en effet réussi à créer une oeuvre qui ne fait littéralement qu'un avec son personnage puisqu'elle reprend et développe les trois principaux motifs observés dans la transformation « graphique » et identitaire de Lucien Ginsburg en Serge Gainsbourg : une obsession pour les (pré)noms, des jeux omniprésents sur les lettres et des variations récurrentes sur la question du double. Ainsi, identité et écriture se confondent et mieux encore : l'auteur Serge Gainsbourg n'est « lui-même » que dans ses oeuvres, et en premier lieu dans ses paroles de chansons. Et si l'auteur-personnage se perd peu à peu dans ses jeux de masque et reflets dans le miroir, il n'en reste pas moins l'inventeur d'une langue qui lui ressemble à la lettre.
On le sait bien, le véritable scénariste de Matrix est René Descartes. On le sait peut-être un peu moins, mais Descartes avait également beaucoup de points communs avec Tom Cruise. Que ce soit Kant ou Nietzsche qui jouent des rôles de premier plan dans Star Trek ou encore John Locke qui inspire les créateurs d'Avatar, les films de cinéma et les séries télévisées débordent de philosophie.
Des lois Ferry aux 80 % d'une classe d'âge au niveau du baccalauréat, la République s'est bâtie sur la promesse de la démocratisation par l'école.
Mais la bourgeoisie s'est toujours réservé, à l'aide de barrières plus ou moins masquées, un accès privilégié à la réussite scolaire et sociale. C'était vrai du temps où le latin et le baccalauréat n'appartenaient qu'à quelques-uns. L'allemand ou les mathématiques ont pris la relève. Les classes prépas restent à peu près aussi éloignées de l'université, dans leur recrutement et leurs débouchés, que jadis le secondaire du primaire supérieur. Et l'enseignement privé, qui n'a presque plus rien de catholique, est l'arme décisive d'une ségrégation qui ne dit pas son nom.
Tout cela est inévitable : il y va de la liberté des parents. Si du moins la bourgeoisie de gauche n'ajoutait à ses stratégies scolaires le cynisme ou la naïveté qui consistent à vanter l'école laïque - pour d'autres enfants que les siens. L'hypocrisie scolaire est de ces maux, parmi les mieux partagés, qui blessent au plus profond la République.
La première image n'est pas la plus ancienne. C'est celle qui, dès sa révélation, brise le cours du temps, crée un avant et un après, nous obligeant à changer notre regard sur l'histoire autant que sur le devenir de notre humanité. Tel fut l'effet produit par la publication, due à Sanz de Sautuola, en 1880, du premier relevé d'art pariétal paléolithique : celui du plafond orné de la caverne espagnole d'Altamira, en Cantabrie. De cette première image, avons-nous désormais pleinement pris la mesure ? Et que signifie, pour nos constructions historiques (Préhistoire, Antiquité) ou disciplinaires (Art, Philosophie), en prendre la mesure ? Telles sont les questions auxquelles cet ouvrage, qui vise à rendre accessible l'art des cavernes ornées, s'efforce simplement de répondre.
Ce livre retrace le parcours d'un artisan « chaussetier » devenu pasteur et traversant la période des guerres de Religion au milieu des persécutions, dans le souvenir du Brésil visité en 1557. Léry est l'auteur de deux livres, l'Histoire mémorable de la ville de Sancerre, qui rapporte un cas de cannibalisme survenu quelque temps après la Saint-Barthélemy, et surtout l'Histoire d'un voyage faict en la terre du Bresil, si célèbre, si éclatant, si sensible qu'il éclipse tous les autres témoignages de la même époque. En cet itinéraire au pays des Indiens Tupinamba, jamais le moraliste ne l'emporte sur l'observateur, et la colère de l'homme de Dieu passée, c'est le retour à la sérénité de la description complice. Ce parcours anthropologique s'ouvre et se clôt par Claude Lévi-Strauss, admirateur de celui qui écrivait : « Je regrette souvent que je ne suis parmi les sauvages. » Lui-même dira lors de son arrivée à Rio de Janeiro : « J'ai dans ma poche Jean de Léry, bréviaire de l'ethnologue. »
Les comités d'éthique médicale existent depuis 1982. L'auteur, philosophe, qui a déjà publié aux PUR un livre sur la relation thérapeutique, s'appuie sur une expérience de 37 années de participation à un comité d'éthique médicale pour expliquer à quoi servent les comités d'éthique, comment ils se constituent et comment ils fonctionnent. En s'appuyant sur un certain nombre de cas, elle analyse comme on discerne un problème éthique, en le distinguant d'un problème médical ou juridique, comment ses membres discutent, délibèrent puis émettant un avis qui tienne compte des différents angles d'analyse. Elle montre aussi comment les comités se sont adaptés à la situation de crise de la pandémie de la COVID l'évolution des questions posées de 1985 à 2022.
La France métropolitaine a le privilège de posséder quatre façades maritimes qui lui offrent un littoral fait de sites, de paysages et d'une biodiversité exceptionnels. Mais cet espace si particulier et si fragile est aussi exceptionnel par l'attrait qu'il exerce et les convoitises qu'il suscite, en même temps qu'il est le lieu d'implantation nécessaire de nombreuses activités économiques en lien direct avec la mer.
Cet ouvrage est conçu dans une optique originale et transversale, en prise avec l'actualité. Tout en soulignant la diversité des enjeux - résidentiels, économiques, écologiques, culturels et juridiques - dont le littoral est l'objet, il permet de mesurer l'importance grandissante des normes et des pratiques qui ont trait à sa protection et à son aménagement.
L'homme se soucie des animaux, de leurs souffrances et de leur bonheur, de leurs droits et de leur être, bref de leur sorte d'humanité. Mais constamment aussi, il retourne le problème en s'interrogeant sur sa propre animalité. Au sein de ce cercle et à l'intérieur de l'arc-en-ciel de tout ce qui est vivant, il se pose toujours la question : quel est l'étrange statut de soi-même, de cet existant parmi les autres et opposé à tous les autres ? Pour répondre, La Fontaine procède à un prodigieux renversement : il demande leur avis aux animaux et à tout ce qui respire. Dans le procès qu'ils font de l'homme, la vache et le serpent, la singe et le chat, le loup et le renard, un arbre planté là, les compagnons d'Ulysse transformés en bêtes et revenus de leur humanité, tous concluent à l'animalité du prévenu, mais une animalité problématique et perverse. La Fable ne serait-elle pas alors le mode le plus juste, le plus innocent et le plus subtil de penser la place de l'homme : une place décentrée, incertaine et mouvante, dont l'extravagance exige une exploration critique infinie ?
Anne-Marie Stretter fait son entrée officielle dans l'1/2uvre de Duras en franchissant le seuil du casino de T. Beach, où se donne le bal : l'heure du Ravissement de Lol V. Stein a sonné. Elle disparaît secrètement, entre les vagues du Gange, à la fin du Vice-consul mais un autre récit, L'Amour, et trois films (La Femme du Gange, India Song, Son nom de Venise dans Calcutta désert) bâtissent sa légende et convoquent ses fantômes. En réalité l'ombre d'Anne-Marie Stretter se profilait dès les premiers récits de la romancière et on l'aperçoit encore, reconnaissable à sa robe rouge, dans le dernier d'entre eux, L'Amant de la Chine du Nord.
En Anne-Marie Stretter, qui forme le chiffre de l'écriture de Duras, se concentre l'enjeu d'une 1/2uvre déterminée par la nécessité de réinventer la littérature après Auschwitz, en explorant ses confins jusqu'au cinéma, cet art d'appeler les fantômes.
À la différence des arts immémoriaux qui n'ont pas laissé de témoignages de leur naissance, le cinéma a la chance d'avoir eu des témoins qui, assistant à ses premiers pas, ont écrit le roman de ses origines et rendu compte de l'expérience de la proximité des hommes avec un art en train de naître. Ce livre invite à découvrir les textes où se sont formulées les réceptions premières du Cinématographe et cristallisés une bonne partie des imaginaires qui ont irrigué l'idée de cinéma. De Platon à Kipling, de la camera obscura au Cinématographe, mais surtout du Cinématographe au cinéma, il se propose de remonter aux commencements du cinéma, à ces moments-seuils, pluriels et premiers, où quelque chose de l'idée du cinéma s'est joué et a été énoncé. Où l'idée d'un art nouveau est devenue possible et a commencé à être pensée et à prendre corps en ouvrant un avenir aux images en mouvement et à leurs réceptions.
Paradoxalement interdite sur les réseaux sociaux alors qu'elle domine le consumérisme pornographique, l'expérience de la nudité reste taboue dans la sphère publique. Seuls des actes de revendications politiques, des manifestations de genre contre la domination masculine et des images artistiques demeurent acceptables. Cet essai explore les présupposés, les valeurs, les pratiques de la nudité au sein de la société contemporaine. Il développe le droit à la nudité dans le respect de chacune et de chacun : l'exigence de la beauté, du contact avec la nature et du respect de l'intégrité de la personne font de la nudité une écologie corporelle.
On peut tuer au nom de Dieu ! Nous l'avons récemment redécouvert par des actes de terrorisme et de nouvelles guerres de religion, en France comme ailleurs. Dans le monde occidental aujourd'hui, beaucoup pensent que les croyants devraient renoncer à leur revendication de vérité. L'exclusivisme selon lequel une seule religion serait vraie, n'entraînerait-il pas inévitablement l'intolérance religieuse, et ne rendait-il pas la cohabitation impossible ? Mais le pluralisme et le relativisme si présents dans l'exigence de laïcité sont-ils au contraire pertinents au regard de ce que sont véritablement les croyances religieuses ? Ces questions si vives pour notre vie sociale sont ici abordées par une réflexion sur les croyances religieuses, sur la vérité, sur la tolérance et par le problème de savoir si nous avons tous le même Dieu. Ce livre défend un exclusivisme de la vérité religieuse qui ne mènerait pourtant pas à dresser les incroyants contre les croyants, ni les religions les unes contre les autres.
Le fromage est un produit à la fois noble et banal, inscrit dans un rituel alimentaire qui nous semble intemporel. Mais si nous nous hissons au-dessus de notre quotidien et de nos normes actuelles (du fromage « paysan » jusqu'au fromage industriel) pour nous intéresser au fromage comme objet culturel, ce sont d'anciens mais étonnants horizons qui s'ouvrent à nous. L'Antiquité est un autre monde que le nôtre, et les fromages antiques sont d'autres fromages que ceux que nous connaissons avec d'autres modes de consommation et d'autres perceptions culturelles. Avant l'avènement de l'industrialisation du lait, l'histoire culturelle des fromages est une histoire des techniques, des mentalités et des croyances, mais aussi une histoire populaire d'hommes et de femmes qui étaient des gens de peu formant le petit peuple de la campagne et de la montagne. Il en était de même dans l'Antiquité et une figure comme celle du cyclope Polyphème peut légitimement être réhabilitée si on ne le regarde plus seulement comme un monstre anthropophage, mais comme un berger-fromager.