Une enquête indispensable pour comprendre les événements de Barcelone aux premiers jours de la guerre civile d'un point de vue libertaire ainsi que les responsabilités des différentes directions anarchistes dans la défaite.
En effet, à Barcelone les militants antifascistes ont dû affronter le soulèvement militaire mais aussi des syndicats (UGT), les forces républicaines (socialistes, communistes, nationalistes catalans...), ainsi que leurs « directions supérieures » (CNT-FAI).
Selon l'auteur, la guerre d'Espagne était perdue dès lors que l'appareil d'État avait été laissé intact et que la lutte des classes avait été sacrifiée au nom de la collaboration (des ministres anarchistes ont participé au gouvernement républicain catalan) et de l'unité antifasciste.
Les leaders libertaires d'hier étaient devenus en quelques mois des notables : ministres, bureaucrates.
Agustín Guillamón a rassemblé les comptes rendus des réunions entre dirigeants libertaires mais aussi au sommet du gouvernement catalan, la Generalitat, avec les émissaires du gouvernement central. Il a également reconstitué les mobilisations populaires qui, à Barcelone et ailleurs en Catalogne, ont permis d'abord de battre les militaires factieux le 19 juillet 1936, puis qui se sont poursuivies avec la lutte des femmes pour le pain et le contrôle du ravitaillement, sur les barricades, pour le contrôle des casernes et des armes, mais aussi celui du contrôle des moyens de production. Il revient sur l'occupation du central téléphonique de la compagnie Télefónica par les militants de la CNT, qui déclencha le soulèvement de mai en contestant à l'État le contrôle des communications.
Les commentaires de l'auteur qui accompagnent le récit minutieux des événements ne peuvent que nourrir la réflexion de celles et ceux qui s'interrogent sur les chemins à prendre pour construire une société libérée de l'exploitation et de l'oppression
Ce livre commence par expliquer comment l'appropriation de la terre a joué un rôle central dans l'émergence du capitalisme et la façon dont elle joue un rôle tout aussi important dans sa perpétuation.
Le foncier agricole est intégré à la logique capitaliste par son accaparement, sa marchandisation, sa financiarisation et la simplification de ses usages. Cela permet l'extraction de profit tout à la fois par la rente foncière, par la plus-value volée au travail paysan et par la destruction des écosystèmes.
Cette extension de la sphère capitaliste aux terres détruit les sociétés et les écosystèmes. De plus, elle restreint drastiquement l'exercice possible des droits humains et de la nature.
Le livre détaille ensuite les mouvements sociaux qui s'inspirent des théories des communs pour mettre en oeuvre une sortie du capitalisme par la terre aujourd'hui en France.
C'est le cas de l'acquisition et de la gestion collectives de terres pour y déployer des alternatives à l'agriculture industrielle. Mais c'est aussi l'objet de luttes d'occupation de terres et de désobéissance civile.
De manière plus méconnue, la tradition juridique de la régulation foncière agricole française a créé des mécanismes non marchands de distribution de la terre.
Initialement mis en oeuvre pour faire rentrer l'agriculture française dans le capitalisme, ils pourraient aussi être une piste pour le dépasser et éroder fortement la propriété privée.
Le mouvement féministe contemporain en France a plus de cinquante ans, un temps d'histoire, histoire d'un enthousiasme fou de se retrouver ensemble, émaillé de victoires décisives, mais jalonné de difficultés face à un patriarcat qui se défend bec et ongles.
Dans cette histoire, on oublie souvent une des actrices essentielles?: la «?tendance lutte de classes?» comme elle s'est définie elle-même, après Mai 68, dans les années 1970. Restituer cette histoire occultée, c'est le but de ce livre, réalisé à partir de trois colloques organisés par le Collectif national pour les droits des femmes.
Il aborde l'histoire pionnière du MLF et de toutes ses tendances?: celle des groupes femmes créés dans les entreprises et les quartiers, celle des militantes d'extrême gauche, de gauche, des syndicalistes, qui, impliquées avec conviction, ont bataillé dans leurs organisations respectives.
L'histoire des luttes ouvrières où les femmes ont dû s'affirmer (Lip, Renault, banques, Chèques postaux). L'histoire méconnue des groupes de femmes immigrées ou dans les populations colonisées. L'histoire des luttes pour la visibilisation et l'affirmation des lesbiennes.
C'est aussi celle de la conquête du droit à l'avortement et son remboursement, celle de la création de collectifs féministes?: contre le viol et contre le racisme?; de l'unité avec la création de la Maison des femmes de Paris, d'Elles sont pour et du Collectif national pour les droits des femmes, des combats internationaux avec la Marche mondiale des femmes. C'est la parole de ses actrices elles-mêmes qui donne corps et vie à cette histoire.
Ce sont les contributions de 28 autrices qui donnent corps à ce livre, illustré avec des documents d'époque. Un livre coordonné par Suzy Rojtman, active dès 1974 dans la tendance «?Lutte de classes?» du MLF, qui milite à l'heure actuelle dans le Collectif national pour les droits des femmes.
Si l'Italie des années 1970 et sa formidable ébullition sociale et politique commencent à être bien documentées en France, la question du «?front de lutte?» qui s'ouvre autour de la répression demeure peu traitée. La politisation des détenus de droit commun dans les prisons italiennes de la fin des années 1960 est le point de départ d'une analyse qui se déplace, au fil des années, vers la question de la violence révolutionnaire des groupes armés et la riposte de l'État aussi bien à l'extérieur mais, surtout, à l'intérieur des prisons.
Les groupes militants de la gauche révolutionnaire investissent ce terrain avec une présence plurielle, allant du conseil légal à destination des militants ou des manifestants, par exemple, au soutien matériel, politique et affectif aux détenus.
Ces années voient également une politisation sans précédent de la sphère judiciaire?: avocats et juristes s'organisent pour apporter une défense aux inculpés de délits politiques?; les procès se transforment en arènes d'affrontement entre des conceptions antagonistes du droit, allant des procès de «?rupture?», théorisés lors de la guerre d'Algérie par Jacques Vergès, aux «?procès-guérilla?» des Brigades rouges.
Ce livre brosse le tableau des changements survenus dans le monde du vin au cours du 20e?siècle. En quelques décennies, une logique industrielle a soumis l'univers des produits de la vigne à de nouveaux schémas d'élaboration et d'appréciation.
Envisagée sous l'angle technique d'une maîtrise accrue des phénomènes fermentaires, cette sujétion industrielle a paru commode à la production et rassurante à la consommation.
Le vin étant un objet vivant, exposé durant son élaboration à de possibles maladies et dégradations, sa connaissance moderne - l'oenologie scientifique née des premiers travaux de Pasteur - a pour objet l'élimination du hasard, considéré sous son seul aspect de risques et d'évolutions malencontreuses.
De cette sécurisation technologique dans l'élaboration des vins aura résulté une incontestable diminution de breuvages altérés et impropres à la consommation mais aussi une reconfiguration du goût, qui est précisément l'objet de ce livre.
Depuis la première publication de Dionysos crucifié, sa critique radicale du vin à l'heure de son industrialisation massive aura montré toute sa pertinence et son actualité.
À partir d'une théorie générale du goût dans la société contemporaine, l'auteur décrit le destin particulier de cette boisson plurimillénaire, entre artisanat plus ou moins luxueux et production à grande échelle.
Nouvellement préfacé, l'ouvrage, paru pour la première fois en 1999, évoque également l'émergence, en ce domaine comme en d'autres, d'une résistance artisanale inattendue, avec ses avancées positives mais aussi ses limites intrinsèques.
En s'interdisant tout moyen artificiel dans la vigne comme dans les caves, le mouvement des «?vins nature?» s'inscrit certes en faux contre le processus général d'industrialisation des vins, sans peut-être questionner suffisamment les tendances simplificatrices à l'oeuvre dans l'esthétique gustative dominante.
Si la révolution du Rojava a suscité de la fascination et de nombreux débats, elle reste, en 2022, mal connue, y compris et peut-être surtout de ses défenseurs les plus passionnés. Cet ouvrage se propose de remonter aux origines de ce processus politique qui avait débuté avec le mouvement de contestation contre le régime de Bachar al-Assad et qui avait abouti, après l'éviction des troupes syriennes des régions kurdes de Syrie, à la constitution d'entités autonomes ayant vocation à persister.
La période ici décrite s'étend des premières manifestations en Syrie du printemps 2011 aux offensives militaires lancées par l'organisation djihadiste Jabhat al-Nosrah en juillet?2013.
Cette période relativement courte, mais extrêmement dense, soulève un nombre important de questions. Comment une organisation initialement minoritaire, le PYD, a-t-elle pu prendre le contrôle des régions kurdes en 2012 puis imposer son hégémonie politique?? Pourquoi d'autres organisations qui disposaient d'une influence plus étendue et de moyens matériels et logistiques plus importants, ont-elles perdu de leur influence au cours de la révolution syrienne?? En dehors des organisations politiques constituées, quelles étaient les dynamiques sociales qui avaient été le moteur de la contestation politique à partir de 2011??
C'est à ces questions parmi d'autres que l'auteur, engagé volontaire dans les YPG de 2015 à 2018, s'efforce de répondre.
Thomas Sankara reste une figure de premier plan du panafricanisme et de l'anticolonialisme.
Durant son passage à la tête du Burkina Faso, interrom- pu par son assassinat en 1987, Sankara a marqué l'histoire de son pays, de son continent, et plus largement la mémoire des luttes anti-impérialistes.
Pourtant aujourd'hui encore, de nombreux discours restent inédits, une motivation suffisante pour la publication de ce nouveau recueil, dont les textes ont été rassemblés et commentés par un spécialiste de la révolution burkinabè et biographe de Thomas Sankara.
On entend souvent dire que Thomas Sankara est po- pulaire parce qu'il faisait ce qu'il disait. Confronter les discours à la réalité que vivait le pays, comparer le projet aux réalisations, sont parmi les objectifs majeurs de cet ouvrage.
Ce qui est nouveau, par rapport aux autres recueils de discours, c'est que cette fois chaque discours est précédé d'une introduction spécifique.
Mieux le situer dans son contexte permet en effet de mieux en saisir la portée, mais aussi le mouvement.
Pour la première fois, sont présentés ici tous les dis- cours prononcés à l'occasion des anniversaires de la révo- lution, ou du nouvel an, dans lesquels Thomas Sankara fait le point sur ce qui a été réalisé, les difficultés rencontrées et les objectifs fixés pour l'année à venir.
Mais sont rassemblés aussi les principaux discours de Thomas Sankara. Ceux qui abordent les thèmes qui lui étaient chers : la libération de la femme, la lutte contre la dette, l'utilisation de la langue française, la défense de l'en- vironnement, la justice, le mouvement des non-alignés, les Comités de défense de la révolution, la justice populaire mais aussi le fameux discours à l'ONU où il s'affirme comme porte-parole de tous les opprimés.
Enfin, trois textes viennent encadrer ces discours : une biographie de Thomas Sankara, la présentation de son pro- jet, et la synthèse de ce qu'on sait sur son assassinat. Un ouvrage complet permettant d'avoir une connaissance ap- profondie de cette expérience révolutionnaire inédite et du rôle qu'y a joué son leader Thomas Sankara.
Cet ouvrage, enrichi une chronologie détaillée, offre aux lecteurs un aperçu complet de la révolution au Burkina Faso, et du rôle spécifique que Thomas Sankara y a joué.
En 1962, à l'indépendance de l'Algérie, un million d'hectares, des centaines d'entreprises sont délaissés par leurs propriétaires coloniaux. Spontanément, paysans et travailleurs s'en emparent. Reconnaissant officiellement cette situation, le nouveau gouvernement promulgue plusieurs décrets en mars 1963 : la gestion des biens déclarés vacants et des biens « anormalement exploités » sera assurée par les travailleurs.
Autogestion?: le mot est lancé et le processus officialisé, avec de nouvelles structures, notamment le Bureau national d'animation du secteur socialiste, sous la responsabilité de Mohammed Harbi, qui mobilise militants et chercheurs, algériens et français.
Les résistances sont fortes?: l'armée s'octroie une bonne partie des terres, dans beaucoup d'entreprises et de fermes le pouvoir des travailleurs est confisqué par une nouvelle bourgeoisie qui entend accaparer la révolution à son profit avec la complicité de l'administration.
Dans ce recueil qu'il introduit, Mohammed Harbi a sélectionné une série de rapports d'enquêtes sur le terrain, d'articles de l'hebdomadaire Révolution africaine dont il était le directeur, de textes et documents, pour la plupart inédits ou jusqu'ici inaccessibles.
Soixante ans après l'indépendance de l'Algérie, alors que le Hirak réclame une nouvelle révolution, ce livre vient rappeler l'histoire d'une autre révolution possible, celle de l'autogestion algérienne.
Dans un pays, les États-Unis, où les relations de genre sont fortement liées à l'histoire de son territoire urbain, sexe, genre et sexualités imprègnent l'espace des villes.
Cet ouvrage se propose de nous en révéler les liens.
Dans une première partie historique, il nous fait découvrir comment les espaces genrés et ségrégués se sont construits dans l'histoire des États-Unis et de ses villes.
Il explore comment le partage de l'espace public entre les sexes s'est organisé.
La ville d'aujourd'hui a-t-elle toujours «?mauvais genre?» comme le croyaient les progressistes du 19e siècle (homosexualité, queerness, prostitution...)??
Ou, au contraire, les municipalités jouent-elles désormais de la diversité de la ville pour mieux la «?vendre?», notamment aux femmes, à qui la ville est censée «?faire peur?»??
Existe-t-il aujourd'hui un droit à la ville «?genré?», c'est-à-dire déterminé par le genre??
Fondé sur de nombreux entretiens menés dans la ville de Chicago et s'appuyant sur les théories des géographes féministes anglo-saxonnes, trop ignorées en France, cet ouvrage s'interroge sur la co-constitution d'identité de genre et de l'espace urbain aux États-Unis, et plus généralement sur la relation entre sexe et ville.
Chemin faisant, l'autrice nous dévoile les nouvelles divisions genrées qui se déploient au détour de nos rues. Elles ont des effets sur la propriété foncière, sur l'architecture, sur les magasins, le mobilier urbain, les cafés, etc.
À l'époque du néolibéralisme, les stratégies de résistance des intéressé·es pour occuper la ville sont également traitées.
Un ouvrage sur une question qui interpelle autant le féminisme que la sociologie urbaine.
Dans son livre Changer le monde sans prendre le pouvoir, Holloway mène une analyse théorique et politique de ce que portent les mouvements sociaux depuis le milieu des années 1990 - impulsés notamment par la révolte zapatiste en 1994. Holloway montre que ces mouvements luttent pour un changement radical, mais dans des termes qui n'ont rien à voir avec la radicalité des luttes antérieures qui visaient la prise du pouvoir d'Etat. Holloway s'interroge sur la manière de reformuler notre compréhension de la révolution en tant que lutte contre le pouvoir et non pas pour le pouvoir. Après un siècle de tentatives manquées visant à mener des changements radicaux, et ce, autant du côté des révolutionnaires que de celui des réformistes, le concept de révolution est entré en crise.
À l'occasion du 200 e anniversaire de la naissance de Marx (1818-1883), la célèbre biographie écrite par Franz Mehring et publiée en allemand en 1918, paraît dans une édition entièrement retraduite, enrichie d'un ample appareil critique et d'études complémentaires, ainsi que d'une biographie politique de son auteur.
Ce n'est qu'en 1983 que l'ouvrage a été traduit en français et publié pour la première fois. Mais la traduction, l'avant-propos de Jean Mortier portent l'empreinte du recyclage de Marx par l'idéologie sta- linienne.
Cette première traduction française comportait 600 pages, la nouvelle, commentée et annotée par Gérard Bloch en occupe 1 500.
Pas de quoi effrayer les lecteurs et les lectrices.
En effet, la vivacité de l'oeuvre de Franz Mehring est entretenue par Gérard Bloch qui nous fait découvrir de nouveaux paysages en éclairant ceux peints par Mehring.
Il partage avec Mehring la vaste connaissance du parcours de Marx et possède une vue plus complète des écrits de ce dernier, soit ceux publiés après 1918.
Il combine exactitude et érudition en donnant ac- cès dans ses notes aux textes originaux de Marx aux- quels Mehring ne fait qu'allusion.
Il accompagne avec pédagogie les lecteurs et les lectrices sur les tracés allant de Marx et Engels à Mehring et aux débats politiques de l'époque, dont plus d'un s'inscrit dans les temps présents.
L'oeuvre magistrale de Mehring est désormais disponible dans une édition française complètement nouvelle et augmentée.
Une histoire critique de la psychiatrie, tel est le projet de ce livre, celle d'une libération de l'enfer- mement de la folie et de ses contraintes inhumaines, produits de la domination de la raison d'État.
La notion de santé mentale a été présentée une volonté d'émancipation par la science. Elle est au- jourd'hui une politique de régulation d'un marché pu- blic-privé sécuritaire, imposée hors de toute démarche démocratique. Sa gestion néolibérale est centrée sur les résultats comptables et des mesures sécuritaires d'enfermement. Dans ce contexte les soignants sont à nouveau les garde-fous d'un nouvel « ordre protec- tionnel » médicalisé.
La rupture avec la réalité catastrophique de la psy- chiatrie publique est, pour l'auteur, un espace d'utopie concrète. Il l'aborde à partir de sa pratique psychia- trique au sein d'un centre d'accueil et prolonge la réflexion amorcée dans ses ouvrages précédents : Psy- chiatrie dans la Ville et La Rue des précaires (Érès, 2000 et 2011). L'auteur a expérimenté et postule la possibilité d'une psychiatrie différente au sein de pratiques insti- tutionnelles ouvertes, en lien avec les « tiers sociaux » dont les familles et les structures politiques.
Ce livre s'appuie sur l'apport des connaissances de la psychanalyse et des sciences sociales dans l'analyse institutionnelle, d'allers-retours entre Freud et Marx.
Libérer la folie de ses contraintes médicalisées est donc une utopie concrète, une réappropriation du métier de soignant et de son éthique d'engagement humain, avec ses moyens de formation et matériels, dont les luttes ouvrent une approche renouvelée du normal et du pathologique.
Une première émancipation est de subvertir les politiques de santé mentale administrées, alors que celles-ci instrumentalisent l'essor de techniques mo- dernes en support de « bonnes pratiques » d'évaluation comptable. Une seconde est de sortir d'une politique de gestion des risques, de précaution plus que de pré- vention collective. Le contrôle social est la négation de toute protection sociale et de services publics so- lidaires, mais aussi de réels droits humains collectifs des patients. Ces deux entrées s'ouvrent à une éman- cipation qui sorte le patient de la naturalisation biolo- gique et d'une supposée dangerosité dont les études sérieuses montrent qu'elle est exceptionnelle.
Son émancipation politique passe donc par l'abro- gation de la loi sécuritaire du 5 juillet 2011 et des lois de santé qui régentent aujourd'hui la psychiatrie.
Doit être réactualisé l'ensemble des acquis de pra- tiques alternatives à l'asile carcéral, les expériences de secteur psychiatrique des cinquante dernières années.
Une politique de santé mentale passe par les pratiques de psychothérapie institutionnelle et la reconnaissance des droits humains des patients qui participent des luttes d'émancipation dans la société.
Le livre est un plaidoyer pour une transition poli- tique vers des institutions où se mène une politique de santé mentale d'humanisation et de désaliénation du soin psychiatrique, et appelle à un débat public pour une institution démocratique de la psychiatrie.
Au Loong Yu vit à Hong Kong et a participé activement à la révolte contre le projet de loi sur l'extradition imposé par la Chine.
Il nous propose une plongée au coeur de cette rébellion qui a débordé sur la question démocratique, notamment sur le droit au suffrage universel.
Il nous propose de suivre le déroulement des évènements, de découvrir ses acteurs et ses actrices et s'interroge sur l'avenir de ce soulèvement.
En ouverture, l'ouvrage revient sur les événements de 2019 et les différentes tendances politiques qui traversent la révolte de Hong Kong, en particulier les « localistes » antichinois.
L'auteur se concentre également sur le rôle-clé joué par la jeunesse, les salarié·es et leurs organisations syndicales.
Il retrace la montée de la « génération 1997 », qui a constitué l'épine dorsale de la révolte. Et revient sur les temps forts de la protestation : les manifestations, les occupations ou les journées de grève générale les plus importants. Les lecteur·trices peuvent ainsi comprendre ce qui s'est passé réellement sur le terrain et prendre connaissance avec précision ce que les manifestant ·es ont dit et fait.
Au Loong Yu analyse également la nature de la révolte. Profond mouvement démocratique pour la liberté ou réaction de droite, voire raciste contre les Chinois, comme certains l'affirment ?
Le chapitre intitulé « Événements » nous propose un récit de la montée du mouvement puis de son reflux.
Les modes d'organisation et d'action des différents courants protestataires sont également abordés.
Enfin, Au Loong Yu explore la politique du Parti communiste chinois à l'égard de l'île, les luttes de fractions en son sein, la nature de ce régime et les raisons de sa volonté de domestiquer les Hongkongais.
Il revient également sur la gestion de la pandémie de Covid-19.
Dès le début des années 1970, les luttes ouvrières et sociales se multiplient, et par ailleurs la dictature veut devenir plus présentable ; une « transition » avant l'heure qui s'amorce sous la pression populaire. Après la mort de Franco, en 1975, la « transition » s'organise dans le bon ordre avec la participation du PSOE et du PCE et de leurs syndicats associés. Cependant, de nombreux travailleur·euses et habitant·es des quartiers populaires veulent voir satisfaites leurs revendications sociales et changer de société.
Cette contestation sociale prend la forme de multiples assemblées, pratiquement permanentes et qui décident et organisent ce mouvement social original.
C'est l'histoire de ce mouvement que nous propose Arnaud Dolidier. Revenant sur les luttes sociales sous le franquisme qui ont préparé l'éclosion de ce mouvement, il fait ensuite le récit de cette turbulente période.
Appuyé sur d'abondantes sources, cet ouvrage retrace pas à pas les débats qui l'ont traversée et suit les expériences qui ont été menées, notamment deux d'entre elles, étudiées plus en détail.
Cet ouvrage restitue le rythme des palpitations de ces assemblées ouvrières et populaires qui devront faire face à une sanglante répression. La grève chez Harry-Walker, à Barcelone, en 1970, donne le ton.
Bien d'autres suivront, elles aussi largement documentées et commentées ici. Elles touchent différents secteurs professionnels, et se déroulent aussi bien à Madrid qu'à Valladolid, en Catalogne qu'au Pays basque. La grève générale de Vitoria ou la lutte de Roca sont particulièrement emblématiques de cette période. C'est une période d'intenses débats : boycott ou détournement des élections syndicales de Franco ?
Priorité à l'unité ouvrière ou à la construction des outils partisans ? Le pacte de la Moncloa, validé par la droite et la gauche, mais aussi par certains syndicats, constituera un tournant.
Cette expérience « assembléiste » a marqué les mémoires et a connu des résurgences en Espagne, dont la plus récente est le mouvement des indigné·es (2011) qui a secoué l'Espagne. C'est dire que l'ouvrage n'est pas seulement un livre d'histoire, il s'inscrit dans une réalité politique et sociale plus immédiate.
Le 3 janvier 1966 s'ouvre à La Havane la Conférence de solidarité avec les peuples d'Asie, d'Afrique et d'Amérique Latine, plus connue sous le nom de « Tricontinentale ».
Vers la capitale cubaine converge des représentants de tous les mouvements de libération et de toutes les organisations luttant contre « le colonialisme, le néocolonialisme et l'impérialisme » du tiers-monde.
Des personnalités importantes comme le Chilien Salvador Allende ou le Guinéen Amilcar Cabral sont également de la partie. Certains des délégués ont quitté pour quelques jours leurs maquis pour participer à cette rencontre inédite.
D'autres ont fait un périple de plusieurs milliers de kilomètres pour éviter les arrestations et participer à au rendez- vous des damnés de la terre.
Au menu des débats se trouve la solidarité avec le peuple vietnamien et avec les autres luttes de libération nationale.
L'ambition est aussi de coordonner les luttes des trois continents. Jamais une rencontre n'a suscité autant d'espoir chez les uns et autant de crainte chez les autres.
La conférence prit des décisions et décida d'une organisation tricontinentale pour les mettre en oeuvre. Elle participa à la socialisation politique de toute une jeunesse au quatre coins du monde. Des rues de Paris à celles d'Alger, des maquis d'Angola aux campus de New York, l'écho de la Tricontinentale se fait entendre pendant plusieurs décennies.
Il porte l'espoir d'un nouvel ordre économique et politique mondial plus juste, plus égalitaire, plus solidaire. Ces échos retentissent encore aujourd'hui dans les dynamiques latino-américaines d'un Chavez (Venezuela) ou d'un Morales (Bolivie), dans les Forums sociaux mondiaux de Porto Alegre à Tunis.
Le monde a changé depuis la Tricontinentale, mais les questions posées par elle, restent d'une grande modernité.
Le Maroc pourra-t-il éviter des contestations majeures, plus profondes et plus radicales, que celle amorcée en 2011 par le Mouvement du 20?février dans le sillage des processus révolutionnaires qu'a connu la région ?
Les résistances populaires dans le Rif, la multiplication des mouvements sociaux, les nouvelles formes d'organisation et d'action attestent de l'ébullition sociale qui couve au Maroc.
La monarchie en place voit, au-delà des apparences, son mode de domination ébranlé et atteindre ses limites. Son modèle de développement basé sur un capitalisme patrimonial, distribuant prébendes et entretenant un clientélisme élargi, adossé à un régime policier, connaît une crise majeure renforcée par son insertion dans la mondialisation actuelle.
Ce capitalisme de copinage, en grande partie prédateur, déstabilise les rapports de l'État marocain au corps social, sape les fondements de sa légitimité.
Analyser et comprendre ces particularités marocaines dans ses différentes facettes, c'est ce que cet ouvrage propose dans un premier temps.
Pour autant, malgré l'émergence de la question sociale comme question politique fondatrice ouvrant de nouvelles possibilités politiques, aucune alternative ne semble se dessiner tant les forces candidates à la transformation du système restent enfermées dans des schémas qui relèvent d'une autre réalité historique, celle du siècle passé.
La société marocaine contemporaine offre une nouvelle complexité sociale que l'auteur se propose de déchiffrer et propose d'en tirer des éléments de réflexion nécessaires à un projet d'émancipation du 21e siècle en partant des défis actuels et de ce que nous apprennent les mouvements sociaux.
Comme le dit le dramaturge B. Brecht « Prends un livre, c'est une arme », mais comme toute arme il faut en comprendre les mécanismes, sinon elle se retourne contre soi. En matière de lutte contre les discriminations racistes, plus que dans n'importe quel autre domaine, les mots employés ne sont ni neutres ni anodins. Au contraire, ils sont surchargés de sens et sont révélateurs des discours et des postures contradictoires qui s'affrontent les unes les autres : les mécanismes et les logiques qui les animent doivent pouvoir être repérées.
Ce livre, issu du travail mené depuis plusieurs années par la revue Les figures de la domination, se veut un dictionnaire des termes en présence dans le débat portant sur les discriminations.
« Banlieue », « immigration », « islamisme », « méritocratie » : ce dictionnaire se veut ainsi une critique du glossaire dominant dans la mesure où il tente de repérer quelles sont les définitions mises en oeuvre en fonction des grilles de lectures dominantes, racistes et sexistes. Ce travail de déconstruction se double d'un effort pour proposer un contre- vocabulaire, des mots qui nomment les discriminations pour mieux les combattre.
En finira-t-on jamais avec mai 68 ? la droite, toujours prompte à rappeler son souvenir, s'acharne contre ce passé.
Quarante ans après, elle en dénonce les traces dans la société française. l'aveu est de taille et, paradoxalement, indique bien l'ampleur et l'intensité de l'événement qui ne peut se circonscrire au seul mois de mai 1968, ni à la france du général de gaulle. cet ouvrage en témoigne : la déferlante fut plus large, touchant plusieurs continents, plus longue, se prolongeant jusqu'à la fin des années 1970.
Cette "encyclopédie de la contestation" raconte cette fracassante époque et analyse ce soulèvement planétaire.
Que peut-il bien y avoir de commun entre Mai 68 et le mouvement des Gilets jaunes ?
Cinquante ans après, l'« événement » parle encore, et les objectifs portés par les mouvements de contes- tation trouvent un écho avec les Gilets jaunes : les sa- laires, la reconnaissance sociale, la démocratie.
La recherche d'une démocratie active, réelle et à tous les échelons de la société trace un fil entre les deux moments.
Ce livre propose de retisser une analyse replaçant le mouvement des Gilets jaunes dans la longue chaîne de mouvements populaires porteurs d'aspirations dé- mocratiques radicales qui se sont manifestés à l'échelle internationale depuis les années 1960.
De longue date, la protestation sociale est porteuse des préoccupations écologiques, de la demande de transformation radicale du travail, d'une volonté d'or- ganisation démocratique et collective des entreprises et des services publics, ainsi que d'une démocratie sous le contrôle direct du plus grand nombre pour développer ce qui peut et doit être commun.
Ce que disent les mouvements populaires et les contestations radicales compose une sorte de projet, un espoir autant qu'un programme qui reste à écrire :
Mai 68 est un arbre de la liberté comme le furent ceux plantés en 1793 en France.
Pour renouer ce fil, l'auteur étudie avec précision ce qui s'est passé, dans les entreprises, les services, les villes et les universités, ce qu'ont fait les divers partis et organisations afin de tenter d'élucider pourquoi il s'agissait alors d'une « révolution sans révolution ».
Un livre qui permet de comprendre comment nous en sommes arrivés à la situation actuelle qui appelle à reconstruire un espoir en confrontant ces réflexions aux questions posées par les Gilets jaunes.
Illustration parmi tant d'autres de la parenté entre islamophobie et judéophobie, la question juive hier, celle de l'islam aujourd'hui, sont des lieux privilégiés du « délire idéologique ». On ne saurait donc appréhender la réalité de l'islamophobie actuelle sans passer par le détour de l'antisémitisme, dont elle est largement un avatar tardif et une mutation coloniale.
L'auteur nous invite à relire avec les yeux d'aujourd'hui les Réflexions sur la question juive de Sartre qui évoquait les fureurs discursives antijuives en France. Omniprésente dans le discours public et dans les politiques d'État, l'islamophobie est exacerbée par les crimes réels commis au nom de l'islam par une nébuleuse de groupuscules et d'organisations directement ou indirectement manipulées par des États.
Comme sa soeur jumelle, la judéophobie, l'islamophobie apparaît comme la nouvelle forme de la peste raciste, la résurgence d'un virus social dont la nocivité est notoire, opérant désormais à l'échelle globale. Certes, comme tout parallèle, celui-ci connaît des limites.
Il ne s'agit pas ici de poser une équation entre la situation des musulmans aujourd'hui et celle des juifs hier, mais entre deux ensembles racistes qui fonctionnent de façon identique en dépit des différences entre leurs objets. Il ne s'agit pas seulement de protéger les musulmans et de s'opposer à la guerre des civilisations par la recherche d'un nouvel non-alignement. Ce qui est au centre des préoccupations de l'auteur, c'est le caractère même des sociétés que le racisme gangrène, et qui menace la vie commune en Europe. Dans la perception des peuples arabes, la guerre au Liban, en Palestine et en Irak est une et les ennemis en présence sont les mêmes. Cette fusion des fronts conforte l'islamophobie en même temps qu'elle installe la guerre des civilisations dans les têtes.
Annoncée à Barcelone il y a plus de dix ans, l'Euro-Méditerranée transformerait pourtant la ligne de fracture entre les rives de ce lac intérieur en trait d'union, et réconcilierait les fragments écartelés d'une mémoire commune, en conjuguant la multiplicité et la diversité des identités sur le mode de la complémentarité. C'est justement le principe de ce que la langue française appelle une mosaïque.
Ce livre est à la fois un cadeau, une mémoire et une promesse. Un cadeau d'abord, parce qu'il fête les vingt ans des Journées intersyndicales femmes. À l'initiative de l'intersyndicale Femmes qui regroupe des militantes de la Confédération générale du travail (CGT), de la Fédération syndicale unitaire (FSU, principal syndicat enseignant) et de l'Union syndicale Solidaires, tous les ans depuis 1997 se réunissent au mois de mars entre 300 et 400 personnes, venues du monde entier, issues du monde de la recherche et du militantisme syndical, associatif, politique. L'ouvrage reprend ce long travail commun qui au quotidien place au premier plan la question des droits des femmes?: un heureux mélange d'analyses «?universitaires?», de témoignages et de réflexions de syndicalistes, d'ici ou d'ailleurs. Une mémoire, car ce livre permet de revenir sur vingt ans de combats féministes, de luttes difficiles et de batailles gagnées. Avec ses 65 contributions retenues, l'ouvrage éclaire tous les champs du réel?: le travail, le corps, la politique, le langage¿ 66 contributions qui permettent de mesurer, dans certains cas, le chemin parcouru, les avancées obtenues. Dans d'autres, la comparaison entre les textes de 1998 et celles de 2015 par exemple soulignent une stagnation, voire des régressions. Le parti pris de l'ouvrage est de partir des inégalités vécues par les femmes sur les lieux de travail, en les reliant aux inégalités existantes dans tous les domaines de la vie sociale et personnelle des femmes. Il s'agit bien de voir comment la domination patriarcale s'exerce sur des vies entières et comment l'engagement syndical peut relier inégalités sociales et inégalités de genre. Toutes à y gagner est une promesse enfin?: ne jamais abandonner l'espoir. Les contributrices l'affirment?: quels que soient les vents contraires, il est toujours possible d'étonner la catastrophe et de dégager la route vers un monde différent, où femmes et hommes pourront vivre en égaux, plus libres et plus heureux.
Il existe un double intérêt à republier les 8 numéros de la revue Questions féministes, parus entre 1977 et 1980.
Le premier intérêt est historique. Aujourd'hui, les études sur le genre sont devenues monnaie courante et le CNRS a tenu une conférence officielle sur ce thème au printemps 2010. Il a aussi émis le voeu que ce domaine de recherches soit renforcé, et a reconnu que la France avait un grand retard en la matière.
Questions féministes a joué en ce domaine un rôle précurseur : c'est la première revue de ce qui ne s'appelait pas encore études féministes, encore moins études sur le genre, car ce mot était inconnu. Cette revue a été fondée par des universitaires, en majorité chercheuses au CNRS, et bien qu'elle n'ait pas bénéficié d'un soutien institutionnel, elle a néanmoins ouvert la voie de ces études : d'un nouveau domaine de recherche, aujourd'hui établi. D'autres revues se sont créées par la suite, mais pas avant les années 1990. L'autre intérêt historique est qu'à sa suite a été créée Nouvelles Questions féministes, en 1981, et que celle-ci existe encore aujourd'hui : la première des revues d'études féministes est aussi la plus ancienne, et la plus prestigieuse. L'autre intérêt est scientifique : en effet c'est dans Questions féministes qu'ont été publiés des articles qui sont devenus, dès leur publication, soit au fil du temps, des classiques sur lesquels s'appuie en grande partie la formation théorique des étudiant. es d'aujourd'hui dans ce domaine, en France, mais aussi en Suisse, en Belgique, et au Québec. Or si certains de ces articles ont été republiés dans des recueils réunis par leurs auteures, d'autres restent difficilement trouvables, bien qu'ils jouissent d'une grande réputation.
Il est clair que les deux intérêts se rejoignent : le contenu de la revue fait partie du corpus du champ d'études, et fait en même temps partie de son histoire ; mieux, il est à l'origine de son histoire. Les numéros de cette revue sont quasiment inaccessibles car les bibliothèques universitaires ne les achetaient pas ; on ne peut les trouver qu'à la Bibliothèque Marguerite Durand, et à la BNF, toutes deux à Paris, et nulle part en province. Toutes ces raisons font qu'il est nécessaire de remettre ces textes à la disposition des lectrices et des lecteurs.
Michèle Firk (1937-1968) fut l'une des figures les plus attachantes de cette époque de rêves et de luttes qui enflamma la France il y a une quarantaine d'années.
D'abord militante du PCF, elle rejoint les réseaux d'aide au FLN algérien qu'elle contribue à reconstituer après les arrestations et le procès Jeanson. Elle rejoint ensuite les révolutionnaires d'Amérique latine: après un séjour à Cuba, elle gagne le maquis du Guatemala, où elle participe, notamment, à la tentative d'enlèvement de Gordon Mein, ambassadeur US. Au moment où la police frappe à sa porte, elle se suicide pour ne pas risquer de parler.
Journaliste, ancienne élève de l'Institut des hautes études cinématographiques, elle participe notamment à la vie de la revue Positif où elle fera connaître plusieurs cinémas du tiers-monde, dont le cinéma cubain. Elle n'est pas devenue cinéaste. Elle s'est consacrée entièrement à l'activité militante. À un moment où les problèmes d'impérialisme et de capitalisme - on dit aujourd'hui l'Empire, les actionnaires - sont plus que jamais d'actualité, ce livre évoque avec chaleur le souvenir et le combat de Michèle Firk: "Chers camarades, ne permettez pas que l'on fasse de moi autre chose que ce que je suis et veux être: une combattante révolutionnaire.
"
Comment les socialistes juifs russophones de l'empire russe - sociaux-démocrates (bolcheviks et mencheviks), socialistes révolutionnaires - ont-ils négocié leur judéité ? Cette interrogation permet d'apporter des éléments de réponse à la lancinante question de savoir qui est Juif et de faire la part, en particulier, des attitudes diverses face à l'assignation identitaire, à l'identité imposée par autrui.
En l'absence de citoyenneté, en effet, les Juifs de l'empire russe n'ont pas pu devenir des citoyens de confession juive. Ils ont été cantonnés dans la catégorie extensible des " allogènes " servant à désigner tous les non-Russes, non-orthodoxes. Les Juifs étaient considérés comme une nationalité, voire comme une nation prémoderne, comme ils ont pu l'être dans la France d'avant la Révolution. Le processus de confessionnalisation qui aurait renvoyé la religion à la sphère privée n'a pu aboutir.
À l'issue du 19e siècle qui a vu se multiplier en Europe les affirmations nationales, venues largement supplanter les formes antérieures du " lien social ", une grande partie des Juifs de l'empire russe s'est elle aussi nationalisée, à la fois dans des courants constitutionnalistes et révolutionnaires : les Juifs sont ainsi passés du statut de nation prémoderne à celui de nation moderne. Dans la Russie des tsars, plus encore qu'ailleurs en Europe, ils étaient sommés de se définir par rapport à leur judéité.
Aujourd'hui encore, comme le montrent diverses parutions récentes, ils sont largement considérés comme extérieurs à la communauté nationale russe, ukrainienne, etc., ils sont exclus du " nous ".