Ce livre aurait pu s'intituler Contre une psychiatrie industrielle, quantitative, protocolisée, standardisée, numérisable, objectivante, désincarnée, ultrarapide et inégalitaire, mais c'eût été trop long et difficile à retenir. C'est dommage car l'heure est grave : le pouvoir politique abandonne la psychiatrie publique à sa misère, plusieurs ténors de la profession militent pour instaurer une psychiatrie industrielle, quantitative standardisée, numérisable, objectivante, désincarnée, ultrarapide et inégalitaire, et les malades les plus fragiles font les frais d'un économisme sanitaire totalement dénué d'état d'âme. Constat inquiétant, lorsqu'on sait qu'un Français sur trois a été, est, ou sera atteint d'un trouble mental, et que le degré de civilisation d'une société se mesure à la manière dont elle traite ses membres les plus fragiles.
Mais il n'est pas forcément trop tard pour restaurer une psychiatrie artisanale, prévenante, lente et respectueuse des singularités des personnes qu'elle soigne.
C'est de cet espoir que ce livre procède.
La Science gouvernée décrit une double crise de sens. Par les normes nouvelles qu'il lui impose, l'utilitarisme fébrile de nos politiques met en péril l'activité de recherche scientifique et la production de connaissances. Rabattement de la science sur la technoscience, financement sur projets, évaluations quantitatives à court terme, exacerbation des concurrences, brandissement d'excellences autoproclamées, précarités des carrières... les recettes du management libéral sont importées dans un domaine où elles deviennent absurdes et strictement contre-performantes. Ces mutations sont paradoxalement imposées au nom d'une ambition stratégique de l'Occident contre les pays émergents, le monopole d'une " économie de la connaissance ", dont tout annonce déjà le caractère illusoire. Cette crise est couplée au désarroi de l'appareil de transmission des savoirs, l'Université, sommée de délivrer massivement des diplômes à des générations étudiantes pessimistes sur les portes que ces diplômes leur ouvriront. Le monde académique se plie hélas, à contrecoeur à des injonctions qui exténuent à la fois le bonheur de chercher et celui de transmettre. Lucide, inquiet mais combatif, le présent texte ne se contente pas de décliner ces formes spécifiques de la maltraitante néolibérale, il est un plaidoyer vivant et engagé pour la vocation première de l'entreprise de connaissance, incompatible avec la logique de retour sur investissement à court terme et l'assujettissement aux pouvoirs économiques et politiques. Il nous invite à ne pas succomber aux sirènes de l'opérationnalisme, à ne pas réduire le réel à son exploitabilité, à réintégrer la notion de " temps long " inhérente à tout projet de recherche.
Vieille institution citadine, le café, à Paris, connaît depuis deux décennies un renouvellement qui s'est accéléré aux cours des dernières années : ses fonctions, son décor, son mobilier, le style du service et ce qu'on y consomme se redéfinissent ainsi que sa place dans les territoires et les rythmes de la ville.
Dans les " nouveaux " cafés parisiens, même si est toujours invoquée l'image mythique du " vrai bistrot ", se lit l'influence, réinterprétée, de modèles venus d'ailleurs, en particulier celui du café " maison ". Cette évolution est pour une part le résultat d'initiatives d'entrepreneurs, héritiers ou non des dynasties traditionnelles, face à la désaffection d'une clientèle jeune.
Souvent perçu comme un " troisième lieu " de la vie quotidienne, cet espace de rencontre et de passage entre loisirs et moments exceptionnels qui font événement, apparaît à travers les chroniques de ce livre, comme une scène significative, à la fois lieu constitué et récit : sa fréquentation, qu'il soit célèbre ou simple café du coin, est l'un des modes de construction du rapport des citadins à leur ville.
" Habiter " est le propre de l'homme. Pourtant, l'inhabitable est aussi de notre monde. Comment alors édifier une demeure terrestre qui permette à son habitant d'y déployer la diversité, souvent paradoxale, de son être ? Le séjour des mortels sur la terre les convie à être-présent-au-monde-et-à-autrui comme l'indique Martin Heidegger dans sa conférence " Bâtir Habiter Penser ". Trop souvent l'analyse de Heidegger a été, non pas simplifiée, mais " sociologisée ", abandonnant son substrat philosophique. Thierry Paquot expose la genèse du concept d'" habiter " chez l'auteur de Sein und Zeit, l'examine attentivement eu égard des positions de Gaston Bachelard, Maurice Merleau-Ponty, Emmanuel Lévinas, Henri Maldiney et Augustin Berque. Puis, il rassemble les éléments d'une enquête philosophico-étymologique : comment, quand, par qui et pour quels résultats, l'" habiter " arrive-t-il en France, et connaît un accueil plutôt favorable parmi les architectes et les spécialistes du logement ? Enfin, il s'interroge sur la dénaturation " tranquille " d'un concept philosophique, ses usages hybrides qui l'apparentent aussi bien à la " machine-à-habiter " de Le Corbusier qu'aux " modes d'habiter " décrits par les anthropologues. Cet essai personnel, emprunte à l'autobiographie, au récit de voyage, à la spéculation théorique et à la géohistoire comparée des idées afin de réaffirmer la puissance du concept heideggerien et de le confronter à la vie urbaine contemporaine.