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GERARD GENOT
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En 1941, Eugenio Corti a vingt ans. Il est inscrit à l'université, en droit, condition qui lui permet de retarder l'appel aux armes. Mais cela ne lui convient pas. « Tous les jeunes de mon âge sont impliqués dans cette grande guerre, je vais donc y aller. » Il renonce à son privilège et commence une formation d'officier. Il peut choisir sa destination et demande à être envoyé en Russie. Il y a une raison pour cela :
élevé dans une famille catholique, il estime douteuse la revendication du communisme d'être la réalisation de l'idéal chrétien, et il décide que la guerre est l'occasion de vérifier ce postulat.
Alors que les combats stagnent, il parle avec les habitants. Il découvre qu'il n'y a pas de famille qui n'a pas au moins un membre tué par le régime ou déporté en Sibérie, il écoute le récit des années terribles de la famine en Ukraine et des cas de cannibalisme. « Cette histoire m'a fait toucher la vérité de ce que saint Augustin avait écrit quinze cents ans plus tôt : soit vous construisez la cité de Dieu, soit inévitablement celle du prince de ce monde. Et je décidai que je devais dire ce que j'avais vu. » Cela deviendra le motif de sa vie, qu'il consacrera à rédiger Le Cheval rouge (L'Age d'Homme, 1996), son chef-d'oeuvre inspiré par son épopée en Russie.
Le présent ouvrage est le matériau de base de cette histoire : il s'agit de sa correspondance complète envoyée en Italie. Dans le sillage de Vassili Grossman, Corti se place dans le rejet des deux totalitarismes du xxe siècle : le communisme et le nazisme. Il s'agit ici de lettres envoyées principalement à sa famille.
L'auteur, pudique, ne voulant pas alarmer ses proches, tait l'horreur des combats. Et c'est dans les silences que le lecteur devine en creux que se déploie la terrible épreuve des soldats qui entameront une retraite apocalyptique décrite dans La plupart ne reviendront pas (De Fallois/L'Age d'Homme 2003).
Témoignage unique sur les conditions du front russe, Je reviendrai est le chaînon manquant de l'oeuvre d'Eugenio Corti, à la source de son oeuvre littéraire.
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L'histoire des révoltés de la Bounty par l'auteur du Cheval rouge (le « Guerre et Paix transalpin », selon Christiane Lesparre, du Figaro littéraire). L'histoire des révoltés est beaucoup plus incroyable que la mutinerie elle-même ; ce n'est pas la révolte contre le despotisme qui intéresse l'auteur, mais le destin des mutins après leur rébellion. L'illusion du paradis terrestre, l'idéalisme mortifère conduisent inévitablement à l'anéantissement de l'être humain. Comme dans Caton l'Ancien, comme dans La Terre des Guaranis, Eugenio Corti prend prétexte d'un épisode historique pour proposer une réflexion sur le monde contemporain sous une forme imagée, que l'auteur veut la plus « immédiate » possible.
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Fin du XIXe siècle. Dans un château situé au bord d'un magnifique lac alpestre, la jeune et belle marquise Marina di Malombra, orpheline et désargentée, est élevée avec sévérité par son oncle, le comte Cesare d'Ormengo. Elle découvre dans sa chambre un manuscrit ayant appartenu à son ancêtre, la comtesse Cecilia, séquestrée par un mari jaloux. Arrive bientôt au palais, un jeune professeur, Corrado Silla, auteur anonyme d'un roman sur la réincarnation des âmes, qui assure les fonctions de secrétaire auprès du comte. Marina s'éprend de lui, mais Corrado, craignant de tomber amoureux à son tour, s'enfuit précipitamment du château.
La lecture du roman et la présence du manuscrit finissent par hanter la marquise qui croit percevoir en son oncle la réincarnation de l'époux de Cecilia et en Corrado, celle de son amant. Malade, le comte Cesare décède. Au cours de la cérémonie funèbre, Marina di Malombra, en proie au délire, tue Corrado, revenu au palais. Elle s'embarque, ensuite, pour mourir dans le lac, comme l'avait fait la comtesse Cecilia des années auparavant.
Malombra fut adapté au cinéma par Carmine Gallone en 1917, puis par Mario Soldati en 1942. Ce roman a donné son nom à une publication surréaliste roumaine animée par Ghérasim Luca.
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Concerto fantastique ; toutes les nouvelles
Papini/Genot/Livi
- L'Age D'Homme
- 21 Janvier 2010
- 9782825139868
La publication de Concerto fantastique est un événement, car ce livre vient combler une lacune.
Papini nouvelliste n'est pas un inconnu en France - dès novembre 1907 le Mercure de France publiait trois nouvelles du jeune et talentueux écrivain italien - mais pour la première fois le lecteur de langue française dispose de la totalité de ses nouvelles, que Papini lui-même avait rassemblées sous ce titre en 1954, deux ans avant sa mort. L'écriture de nouvelles accompagne Papini pendant toute sa vie, depuis le début de sa carrière - Le tragique quotidien (1906), Le Pilote aveugle (1907) - jusqu'aux années cinquante.
Les thématiques de l'étrange, du double, du surgissement du fantastique dans la vie et de la vie quotidienne, l'atmosphère onirique ou d'hallucination que Papini sait admirablement créer, inscrivent sans contredit ses nouvelles dans un contexte européen. Ses derniers recueils, de Portraits imaginaires (1940) à La sixième partie du monde (1950), laissent également apparaître le moraliste et l'utopiste, créateur notamment d'une saisissante galerie de villes invisibles.
L'écriture s'oriente vers l'allégorie, l'apologue, le récit philosophique. Papini montre à son lecteur que le fantastique tient plus à l'architecture formelle du récit qu'à un répertoire thématique, d'ailleurs admirablement exploré. Tel que Papini le conçoit, le fantastique n'est pas une évasion, mais une invitation à découvrir le monde secret qui nous habite et la réalité énigmatique dans laquelle nous évoluons.
Chaque jour nous côtoyons, à notre insu, des fantômes et des mystères. La tâche de l'écrivain est d'indiquer que monde caché existe. Concerto fantastique, dans la superbe traduction de Gérard Genot, va nous aider à le découvrir. Borgès ne s'y trompait pas, qui considérait les nouvelles de Papini, avec celles de G.K. Chesterton, comme les chefs-d'oeuvre du fantastique européen.
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Baldus ; livres I - V
Teofilo Folengo
- Belles Lettres
- Bibliotheque Italienne
- 8 Juin 2004
- 9782251730134
« Une fantaisie plus-que-fantasque m'est venue de chanter avec mes grasses Camènes l'histoire de Balde, dont la retentissante renommée et le gaillard renom font la terre trembler et l'abîme de crainte se conchier. Mais auparavant il me faut invoquer votre assistance, ô Muses qui répandez notre art macaronique.
Comment ma gondole pourrait-elle passer les écueils marins, si à votre aide elle ne se recommande ?
Que ni Melpomène, ni Thalie la niguedouille, ni Phébus raclant sa guitare ne dictent mes chants ; en effet, à peser la tripaille de ma panse, le caquet du Parnasse ne sied à notre musette.
Que donc les pansifiques Muses, les doctes soeurs, Goise, Jaquette, Stryx, Maphélie, Togne et Pédralle, viennent abecquer leur poète de macaronis et lui servent cinq à huit poêlons de polente. »
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Les textes présentés sont trois récits qui, d'une certaine façon, s'enchaînent et couvrent exactement la période de la « conquête » italienne de la Lybie, de 1911 à 1927, date de la défaite des derniers patriotes senoussites.
De longueur décroissante, ces trois récits mettent en scène des personnages complexes et tourmentés par une inquiétude sur leur identité, que la situation militaire, puis coloniale, rend plus aiguë, à travers des aventures dignes des Mille et une nuits - et qui parfois en proviennent.
Dans les trois récits, se développe somptueusement le thème du double, de la gémellité presque comme nature, de l'amitié d'autant plus désirée qu'elle est impossible, de la quête de soi dans l'autre qui ne peut aboutir qu'à la mort, les personnages se constituent en couples de jumeaux qui se cherchent, croient se trouver et se comprendre, sont violement séparés par la désorganisation de la société et la négation de l'histoire qu'entraîne la colonisation Nourri de Thomas Mann, de Hoffmanstahl, lecteur de Lévi-Strauss, Massignon, Corbin, Alexandro Spina s'inscrit dans la lignée de Conrad, Kessel, Peyré, mais aussi des écrivains de l' »autre » Afrique du Nord, comme Albert Memmi et, plus récemment, Yasmina Khadra et Boualem Sansal.
Le dénouement des évènements dramatiques de l'année 2011 en Libye, fait de l'année 2012, centenaire de l'expédition coloniale italienne, une occasion de nourrir l'intérêt que suscite aujourd'hui ce pays en proposant au public un livre d'une haute tenue littéraire, qui en même temps se lit comme un roman d'aventures, ou le monde arabo-musulman est vu avec une empathie particulière, par un écrivain dont la position est littéralement unique, en tant qu'il appartient à la fois au Moyen-Orient et à l'Europe, au monde musulman et à la culture chrétienne, avec une égale intimité.
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Les derniers soldats du roi sont les soldats italiens regroupés dans des unités régulières qui, après la chute du régime fasciste, ont combattu, de 1944 à 1945, aux côtés des troupes anglo-américaines et alliées, pour libérer le nord et le centre de l'Italie, occupés par les Allemands.
Ce n'était pas la haine, mais le sens du devoir, l'amour de la patrie, le désir de terminer une guerre qui déchirait les corps et les consciences qui poussaient ces hommes à poursuivre le combat, à refuser la défaite et le chaos. L'histoire de ces Derniers soldats du roi a souvent été passée sous silence, y compris dans l'historiographie italienne, qui a toujours privilégié l'action des maquisards.
Les derniers soldats du roi constitue la suite logique de La plupart ne reviendront pas, le saisissant journal où le jeune officier Eugenio Corti avait consigné son témoignage sur la retraite de Russie (janvier 1943). Après la débâcle du régime fasciste, l'armistice signé par l'Italie en septembre 1943 et la dislocation de l'armée, Eugenio Corti n'hésite pas : la fidélité à ses engagements d'officier l'amène à traverser les lignes allemandes pour rejoindre, dans les Pouilles, les unités du Corps italien de libération qui va se battre aux côtés des Alliés.
Les cinq parties de ce livre relatent la progression de ces unités le long de la côte Adriatique, les batailles, le dépassement de la " ligne gothique " (la ligne de défense allemande sur les Apennins), la libération du nord de l'Italie. Elles permettent aussi au lecteur de découvrir les admirables paysages de l'Italie centrale, les variétés de sa géographie humaine qu'Eugenio Corti peint avec une force et une émotion particulières.
Avec un sens de l'humour, aussi, qui fait tomber les masques de la rhétorique et met à nu les grandeurs et les misères de l'homme.
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La traversée du Rio Rojo
Eugenio Alejandro, Demus de montjach
- Editions Du Pantheon
- 19 Décembre 2014
- 9782754726986
« - Vire-le.
- Il n'en est pas question. J'ai besoin de lui.
- Je vois, de lui et de son Irlandés de mierda.
- De lui, de son Irlandés de mierda, et de sa bande de gringos de mierda, pour tenir en respect ces brasileros de mierda de la Garde de Fer, et pour maintenir l'ordre et la prospérité dans cette ville de mierda. » Au sein de la République Démocratique et Humanitaire de l'Urunà - un pays perdu d'Amérique Latine que personne ne s'est jamais avisé de réclamer - Moses Lewisohn fait une carrière politique fulgurante. Secondé par son ami Aron O'Malley et sa maîtresse Purificación, il conduit sa troupe vers la Terre promise. Saura-t-il l'emporter sur la mauvaise volonté du Président, la trahison d'une partie de ses collaborateurs, les menaces du Crime Organisé et les pressions de la grande Puissance du Nord ?
Écrit dans un style étincelant qui l'apparente aux brillantes parodies de Queneau, Calvino, Pérec, l'exode de Moses Lewisohn rappelle la plus illustre des traversées à pied sec et montre que les belles histoires du passé ne demandent qu'à se répéter, pour nous instruire et nous faire rire.