Thierry Crouzet mène depuis longtemps une réflexion sur la société (voirL'Alternative nomade) où les changements - économie, partage, mode de pensée - induits par le numérique et ses réseaux ont la part déterminante.
Pendant 6 mois, été et automne 2011, le pionnier du web va faire l'expérience inverse : déconnexion totale. Lui qui était au coeur de toute une activité où se mêlent le politique, la réflexion sociale, mais bien sûr le récit et la littérature, une expérience qui peut paraître singulière : pendant six mois, se couper de toute connexion, examiner en soi-même les gênes, les rages et impatiences.
De l'exact milieu de cette traversée sans connexion, mais pas sans lecture ni écriture, Crouzet donne de la voix : le monde, voilà comment il le voit. Mouvement des indignés, révolution arabe, jeux écrasants des banques. La sociologie du hacker tient dans cette réflexion à voix criée à nouveau sa juste place.
François Bon commence dès 1991 à pratiquer régulièrement les ateliers d'écriture, et continue aujourd'hui (à Sciences Po Paris, par exemple).
De 1993 à 1996, à Montpellier, il participe à l'ouverture d'une « Boutique d'écriture » et, avec quelques autres auteurs, intervient dans plusieurs dispositifs d'accompagnement social. Il travaillera avec des détenus, des sans-abri, démultipliant ainsi cette réflexion sur les usages de l'écriture comme amplificateur du monde.
Parallèlement à ses interventions en collège et lycée, les stages d'enseignants ou de formateurs, la création d 'une option artistique d'écriture en IUFM ou à l'école nationale supérieure des Beaux-Arts, lui permettent de poser les bases de sa propre méthodologie, auteurs utilisés, construction de cycles et d'outils (qu'on trouvera exposés dans Tous les mots sont adultes, méthode pour l'atelier d'écriture, Fayard, 2000-2005).
Durant ces quinze ans de pratique assidue, des interventions dans des colloques, des conférences, articles, entretiens. C'est l'ensemble de ces interventions et réflexions sur l'atelier d'écriture qu'on trouvera rassemblés ici, questionnant sur le fond les pratiques d'écriture créative, ouvrant des pistes pour son utilisation pédagogique.
Des os, les douleurs de l'âme...
Nos usages du réseau changent notre rapport à l'identité, à la spatialité, à la documentation et au savoir. Leur implication dans la définition de ce qui nous constitue comme homme est à la fois renouvelée, et ravivée dans ses origines, sa permanence.
Comment, alors, dans ce contexte, lier ces usages qui déplacent notre quotidien à une réflexion de fond sur le monde dont on hérite, et que nous aurons à léguer ?
Thierry Crouzet a publié deux livres amorçant ces réflexions : Le peuple des connecteurs en 2006, Le cinquième pouvoir en 2007 - L'alternative nomadeen est le prolongement dans l'urgence de maintenant.
Comment déplacer notre perception du monde et l'ancrer sur ces notions d'échange et de partage ? Qu'est-ce qui s'en induit pour la société, la culture, et nos pratiques économiques ou artistiques ?
Pas de recette miracle à l'horizon, juste réfléchir, tenter, essayer. Tout au long de L'Alternative nomade, Thierry Crouzet replace les formulations de cette rupture, flux, propulseurs dans une perspective de pensée bien plus ancienne - y compris la culture aborigène...
Aucun de nous n'est indemne de ce que change à notre façon d'être homme le développement des usages numériques. On a le droit de ne pas suivre Crouzet dans toutes ses thèses et idées : mais trop rare ce bonheur d'une pensée ouverte qui réveille et élargit la nôtre.
Les menaces de cette société de la donnée sont à la hauteur de leur puissance, de cette nouvelle compréhension de l'individu et de la société que les données impliquent. Nous sommes entrés dans un monde où notre vie privée est désormais en réseau, où toutes les données sont potentiellement personnelles. Un monde où l'alternative n'est déjà plus de les contenir mais de trouver les moyens de les altérer pour préserver sa vie privée, quand bien même leurs promesses ne seraient pas toutes tenues...