Connu comme le second époux de Germaine de Staël, Albert Jean Michel Rocca, dit « John Rocca » (1788-1818), a vu sa trajectoire le plus souvent occultée : son rôle obscur auprès de la femme alors la plus célèbre d'Europe lui a traditionnellement tenu lieu de postérité et leur écart d'âge, comme sa carrière de soldat et non d'homme de lettres, l'a longtemps éloigné des travaux des spécialistes. Deux cents ans après sa disparition, le dossier Rocca mérite pourtant d'être reconsidéré. La récente publication de la correspondance que Staël lui adresse, jointe à la découverte d'archives - le manuscrit du Mal du pays, nouvelle quasi inédite que Rocca rédige en 1817 - complètent le portrait lacunaire de ce jeune homme et lui restituent une voix : J. Rocca est aussi l'auteur de trois textes qui dressent le tableau sans complaisance des derniers feux de l'Europe napoléonienne. Ses souvenirs de soldat, au coeur des Mémoires sur la guerre des Français en Espagne (1814) et de La Campagne de Walcheren (1817), analysent lucidement l'anachronisme de la conquête et inventent une écriture mélancolique de l'histoire. Les crises du tournant des Lumières, politiques et psychologiques, trouvent dans ces Oeuvres, réunies pour la première fois, une troublante expression.
Contient : Mémoires sur la guerre des Français en Espagne. La Campagne de Walcheren. Le Mal du pays. Textes présentés et établis par Stéphanie Genand.
Daniel Wilson, ingénieur écossais, féru de peinture, émigre en France et tire profit de la révolution industrielle naissante. Son fils, Daniel II, soutenu par sa soeur Marguerite, châtelaine de Chenonceau et mécène, entre en politique et se passionne pour la presse. Le frère et la soeur deviennent intimes de Jules Grévy, avocat et parlementaire franc-comtois, appelé à devenir président de la République (1879-1887). Wilson épousera Alice, son unique enfant. Patron de presse, gendre du Président, parlementaire en vue, il sera tenu pour responsable de « l'affaire des décorations » et entraînera son beau-père dans sa chute. Celle-ci serait-elle due aux liens entre la politique et la presse ?
Le présent ouvrage, De l'Allemagne et de ses monarchies au XIXe siècle, décrit le processus historique qui, en un siècle et quart, a transformé de fond en comble le paysage politique du monde germanique. De la fin du XVIIIe au début du XXe siècle, ce monde est passé d'une nébuleuse d'États moyens, petits ou minuscules, groupés dans une structure très lâche - le Saint Empire -, à un ensemble bipolaire : l'Empire allemand et l'Autriche. Au XVIIIe siècle, le monde allemand paraissait voué à la stagnation ; il fut bouleversé au siècle suivant, d'abord par la contagion de la Révolution française, puis par les ambitions de Napoléon, enfin par la rivalité toujours plus marquée entre l'Autriche et la Prusse. Cette rivalité prit fin avec une victoire décisive de la Prusse, qui unifia le monde allemand autour d'elle-même, tandis que l'Autriche en était évincée. La nouvelle Allemagne, empire conservant une structure fédérale, avec vingt-cinq États dont vingt-deux monarchies, vit en son sein, pendant un demi-siècle, la juxtaposition de l'État fédéral et de ses membres, anciens États qui s'effacèrent peu à peu du champ politique.
Les États allemands concernés étant, dans leur grande majorité, de régime monarchique, l'ouvrage évoque le rôle des souverains dans le cours de l'histoire de cette période, rôle qui déclina peu à peu, jusqu'à la chute des trônes en novembre 1918.
Le livre décrit les événements qui ont jalonné ce processus historique d'unification de l'Allemagne. Il relate aussi les circonstances de ces événements, ainsi que les mentalités, raisonnements et comportements des différents acteurs qui y ont joué un rôle. Ce faisant, il souhaite rendre cette histoire complexe plus accessible aux lecteurs français qui, accoutumés à vivre dans un pays rassemblé par huit siècles de centralisation, peinent à prendre conscience de la diversité du monde allemand de cette époque, et des difficultés auxquelles se heurtèrent ceux qui entreprirent de l'unifier.
Contrairement aux autres lieux de Refuge, la Colonie huguenote de Prusse a gardé pendant plus d'un siècle une forte structure administrative, avec une direction intégrée au plus haut niveau de l'État. La recherche ne s'est guère intéressée à la période tardive de la Colonie. Or sa longévité intrigue. Quels étaient la composition ethnique et les modes de vie de sa population ? En quelle langue y parlait et y priait-on ? Quel intérêt trouvait l'État prussien à son maintien ? C'est à cet état des lieux que s'attache la première partie de ce livre, qui met en lumière la durée et la complexité des phénomènes d'acculturation, mais tente aussi de replacer cette « histoire huguenote » dans le cadre de la politique globale menée par les Hohenzollern en matière de peuplement et de développement économique.
La seconde partie est consacrée aux bouleversements qui marquèrent le début du XIXe siècle. Bouleversements culturels d'abord, avec l'extraordinaire floraison du « classicisme berlinois » (Berliner Klassik), dans laquelle des descendants de Français réfugiés tinrent une place éminente. Bouleversements politiques ensuite : arrivée d'émigrés de la Révolution française, débâcle militaire de 1806, occupation de Berlin par les troupes napoléoniennes. Quelle fut l'attitude des huguenots prussiens face aux Français de France en ces temps troublés ? Puis vint le temps des grandes réformes de l'État ; elles entraînèrent la suppression de la Colonie institutionnelle, mais dans un long processus dont l'étude est riche d'enseignements. Enfin, l'analyse de la place de descendants de réfugiés dans la réforme municipale (1808) et lors des Guerres de libération (1813) offre des occasions supplémentaires de s'interroger sur le lieu d'une minorité culturelle, linguistique et ethnique dans une société d'ancien régime en mutation. Ainsi, les destinées de cette minorité particulière croisent en permanence des problématiques plus vastes, qu'elles peuvent contribuer à éclairer.
Responsable depuis avril 1855 du feuilleton théâtral du Moniteur universel, Gautier est privé, jusqu'en 1864, de son activité jusque-là intense de recenseur des opéras et des concerts, le Moniteur ayant un chroniqueur musical attitré. Désormais tenu par le cahier des charges de sa « Revue dramatique », il consacre plus de temps qu'auparavant à l'activité patrimoniale de la Comédie-Française et à ses reprises des tragédies et des comédies des XVIIe et XVIIIe siècles, du Cid à Zaïre et d'Amphitryon au Jeu de l'amour et du hasard. Lorsque la matière lui manque, il se rabat sur les Folies-Nouvelles, où l'attire le mime Paul Legrand, ou propose des réflexions sur le théâtre idéal auquel il rêve.
Comme pour les douze tomes publiés depuis 2007, le texte a été établi avec soin et annoté en vue de souligner la richesse de ce regard exceptionnel sur l'histoire du théâtre vivant au XIXe siècle.
En 1856, les publications de la comtesse d'Agoult sont principalement consacrées à des ouvrages dramatiques. Elle espère aussi jouer un rôle influent au sein de la rédaction de la Revue de Paris, en pleine restructuration financière et éditoriale. Mais elle se heurte assez vite à la personnalité du rédacteur en chef et gérant, Maxime Du Camp, et voit ses rêves d'éminence grise s'évanouir.
L'année 1857, dont elle passe la moitié hors de France, est surtout consacrée à l'établissement de ses filles illégitimes. Elle essaye d'empêcher, à Berlin, l'union de Cosima avec le pianiste Hans von Bülow, un élève de Franz Liszt, qu'elle ne connaît que par ouï-dire, puis elle se ravise en considérant que la jeune fille pourra y gagner aisance et liberté. Le mariage est célébré au mois de juillet.
Quant à Blandine, elle épouse en octobre l'avocat Émile Ollivier, futur chef du dernier gouvernement de Napoléon III. La cérémonie, sans solennité, a lieu dans une chapelle du dôme de Florence au terme d'un voyage où les futurs époux sont tombés amoureux.
Expropriée de sa « maison rose » qui doit disparaître pour aménager le quartier de l'Étoile, elle confie les longues et coûteuses tractations administratives à des conseils et avoués plus ou moins compétents à la gouverne de sa fille Claire de Charnacé.
Parmi les nouvelles personnalités reçues dans son salon, deux particulièrement vont jouer un rôle important : Auguste Nefftzer et Charles Dollfus qui fondent ensemble la Revue germanique avant que le premier ne se lance plus tard dans la création du quotidien Le Temps.
L'itinéraire de Pierre-Sébastien Laurentie, publiciste d'origine modeste qui connaît une ascension grâce aux réseaux de la Congrégation, éclaire un milieu bourgeois royaliste et catholique oeuvrant pour le renouveau de son mouvement à travers la presse dans une France postrévolutionnaire. Antiromantique, Laurentie accède rapidement à une fonction de journaliste national et devient ultra. N'ayant pas fait l'expérience de la Révolution française, il prend des chemins de traverse dont ses journaux se font l'écho. Par eux, Laurentie souhaite catholiciser le mouvement royaliste et s'appuie sur Lamennais. Plus enclin à la modernité après 1830, il est, avec Berryer, l'un des chefs de file du légitimisme légaliste. La rupture avec Lamennais en 1834 marque l'échec de sa politique d'unité : un fossé se creuse entre légitimistes et catholiques que seule la défense de la liberté d'enseignement rapproche un temps. Après 1835, le désenchantement envahit les colonnes des journaux de Laurentie, même si les événements exceptionnels de 1848 et de 1870-1871 le forcent à redéfinir l'action politique de son mouvement. L'auteur fait de ce journaliste le témoin de la complexité politique et littéraire de son temps.
La chute de Napoléon, en 1814, marque l'entrée de la France dans un régime d'opinion, résultat d'une mutation de la culture politique qui voit le discours sur la chose publique gagner l'espace extra-parlementaire, donnant lieu à des formes de discours codifiées opposées à celles du débat politique officiel.
Dans ce cadre, le pamphlet du premier XIXe siècle apparaît comme le catalyseur et le fruit privilégié de cet abandon progressif des formes longues de l'éloquence politique ; sous la plume de Paul Louis Courier, il se mue en une forme de parole codifiée et stabilisée, avec sa rhétorique, ses images et ses protagonistes (le « je » pamphlétaire en particulier). Or la place centrale accordée à l'auteur pose la question de la légitimité de la pratique polémique, et partant des stratégies mises en place par les pamphlétaires pour justifier leur entreprise de dénonciation ; c'est à ces questions que ce livre est consacré.
Entre 1860 et 1870, plus de 10 000 volontaires catholiques ont défendu par les armes le pouvoir temporel du Pape Pie IX. Venus d'une trentaine de pays, tous ont répondu à l'appel du Souverain Pontife, menacé dans son intégrité par les troupes du roi de Sardaigne Victor-Emmanuel II de Savoie, désireux de réaliser l'unité italienne. Parmi eux, 3 000 Français se sont engagés pour six mois ou pour dix ans. Près de 150 sont officiers, aumôniers ou médecins.
Ce sont eux, ces cadres du régiment, que cet ouvrage se propose d'étudier. Qui sont-ils ? D'où viennent-ils ? Qu'ont-ils fait pendant leurs années au service du Pape et quelles ont pu être leurs motivations ?
Organisé en trois parties distinctes, l'ouvrage présente une étude richement documentée et novatrice sur les Zouaves pontificaux. L'auteur a reconstitué le parcours de ces derniers défenseurs des États Pontificaux, non seulement en amont, depuis leur enfance et à travers leurs origines familiales, sociales et géographiques, mais aussi en abordant ce qu'ils sont devenus après la fin de l'existence officielle du régiment. Leur histoire, leurs engagements, ainsi que ceux de leurs descendants, ne s'arrêtent en effet pas ainsi mais courent sur toute une vie, s'écrivant entre le XIXe et le XXe siècle : ce qu'ils ont été, ce qu'ils ont fait, ce qu'ils sont devenus et le souvenir qu'ils ont laissé s'inscrit dans un itinéraire personnel beaucoup plus large sur lequel ce livre apporte un éclairage inédit, permettant de dégager le sens qu'ils ont voulu donner à leur vie.